Fuite
Les relations entre l’Allemagne et la nouvelle administration américaine ne cessent de s’envenimer depuis la dernière élection présidentielle. D’abord visiblement mécontents des résultats du scrutin aux États-Unis, les autorités germaniques ont par la suite été agacées par les remarques d’Elon Musk, le principal soutien de Donald Trump, concernant les prochaines élections législatives anticipées au sein […]
Les relations entre l’Allemagne et la nouvelle administration américaine ne cessent de s’envenimer depuis la dernière élection présidentielle. D’abord visiblement mécontents des résultats du scrutin aux États-Unis, les autorités germaniques ont par la suite été agacées par les remarques d’Elon Musk, le principal soutien de Donald Trump, concernant les prochaines élections législatives anticipées au sein du pays européen. Les piques de part et d’autre n’ont cessé de s’amplifier, le patron de X décidant même de soutenir ouvertement le parti anti-immigration Alternative pour l’Allemagne (AfD), ulcérant la classe politique allemande. Cette semaine, c’est la fuite dans les médias d’un câble diplomatique de l’ambassadeur d’Allemagne à Washington, très critique de Donald Trump, qui a suscité la polémique dimanche, à la veille de l’investiture du président élu, dont Berlin craint déjà les représailles. Dans cette note interne confidentielle, au ton particulièrement alarmiste, adressée à sa ministre de tutelle et publiée dimanche par le quotidien Bild, Andreas Michaelis s’inquiète de voir les fondements de la démocratie américaine sapés après l’investiture du successeur de Joe Biden. Il parle de «projets de vengeance» du président élu, dénonce sa «stratégie de disruption maximale» visant à «redéfinir l’ordre constitutionnel» aux États-Unis. Le diplomate se dit préoccupé par la perspective d’une «concentration maximale des pouvoirs chez le président aux dépens du Congrès et des États fédérés», ainsi que par la promesse faite aux géants de la tech de «participer au gouvernement». La cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, destinataire de la note, en a confirmé la réalité, tout en soulignant qu’elle était classée «secrète» et aurait dû le rester. «Bien sûr que les ambassades écrivent des rapports, c’est leur mission, notamment lors de changements de gouvernement pour savoir à quoi nous en tenir. Et naturellement notre ambassade à Washington le fait aussi», a-t-elle dit dans la soirée à la télévision publique, interrogée sur le sujet. «Et le président américain avait déjà annoncé ce qu’il entendait faire, en particulier en ce qui concerne les décisions qui seront prises à l’avenir par la seule Maison-Blanche et les interventions dans le domaine de la justice et du droit. Et nous devons bien sûr nous y préparer», a tenté de minimiser la ministre. «Berlin se ridiculise avant le changement de pouvoir aux États-Unis», écrit le quotidien Kölnische Rundschau. Pour l’ancien ambassadeur d’Allemagne à Washington, et ex-directeur de la Conférence sur la Sécurité de Munich, Wolfgang Ischinger, «la fuite est dans la situation actuelle malheureusement toxique» et «tout sauf bienvenue» car elle risque de braquer le nouveau gouvernement américain. Le chef de l’opposition conservatrice allemande, Friedrich Merz, favori dans les sondages pour la chancellerie en vue des prochaines élections de fin février, s’est lui aussi ému de «la publication d’un commentaire d’une ambassade allemande rempli de critiques de toutes sortes et de sottises sur le président élu américain». «Le président américain et son gouvernement n’ont pas besoin que l’Allemagne les pointe du doigt», a-t-il ajouté au cours d’une réunion électorale. Friedrich Merz tente déjà de se positionner en tant qu’interlocuteur privilégié de la nouvelle administration américaine et multiplie les messages d’ouverture depuis plusieurs jours. Il se démarque ainsi du chancelier social-démocrate Olaf Scholz, plus critique, notamment à
l’égard du milliardaire Elon Musk, proche de Donald Trump, qu’il a accusé de menacer la démocratie par son soutien aux partis de droite nationaliste européens. Ainsi, les conservateurs allemands, qui avaient d’abord emboîté le pays à Scholz en critiquant les remarques de Musk concernant les prochaines élections allemandes, tentent de faire demi-tour en dénonçant désormais les critiques de Berlin. Reste à voir si les conservateurs garderont cette nouvelle attitude face à Musk et l’administration Trump, ou si leur victoire, qui semble assurée d’après les sondages, sera amoindrie par un bon score de l’AfD.