Musique: Coup de cœur pour «Pas un bruit» de Bacchantes
Bacchantes est un quatuor féminin atypique dans le paysage musical des musiques actuelles qui vient de sortir, le 11 octobre, son 2e album, «Pas un bruit», onze titres dont l’originalité échappe à toute tentative de formatage pour laisser place à la beauté de leur musique immémoriale. Par Ray I. Un nom de groupe tel une […]
Bacchantes est un quatuor féminin atypique dans le paysage musical des musiques actuelles qui vient de sortir, le 11 octobre, son 2e album, «Pas un bruit», onze titres dont l’originalité échappe à toute tentative de formatage pour laisser place à la beauté de leur musique immémoriale.
Par Ray I.
Un nom de groupe tel une ode païenne à l’exubérance de la vie face à un titre d’album intimant le silence, le groupe Bacchantes mené conjointement par Amélie Grosselin, Claire Grupallo, Astrid Radigue et Faustine Seilman, hydre chantant aux timbres uniques et contrastés, sait cultiver l’art des antagonismes. Quatre années se sont écoulées depuis son premier album éponyme en février 2021, Coup de Cœur Radio France, dans lequel les bases de son univers musical étaient déjà posées dans un jeu primitif et spontané allant à l’essentiel. Face à la vitesse du monde contemporain, Bacchantes oppose la lenteur, contrainte née de l’éloignement géographique de ses membres entre Lot et Bretagne et par la nécessité d’espacer, pour les assimiler, les temps de créations, intenses et fulgurants.
Comme pour le premier album, la plupart des textes ont été puisés dans des livres de poésies, ceux de la suissesse Grisélidis Real (Cantique de la Poussière) ou de la méconnue Claude de Burine (La Montagne) mais aussi, toutes époques confondues, de Gérard de Nerval (Vertigo), Aloyslus Bertrand (La Chanson du masque), Saint-Pol-Roux (Les Oiseaux) et du musicien, auteur et ami Romain Marsault (Caillasse). Bacchantes en a aussi écrit certains à plusieurs mains, diluant l’ego individuel au profit du pouvoir du groupe, un «nous» souvent scandé à l’impératif, rappelant les chants de luttes «Marchons dans l’ombre» (Vertigo) comme un appel à la convergence des résistances dans la dignité «Tenons-nous, tenons-nous, Et sur ce tas de pierres, Dressons nous, dressons nous» (Sous les nuages) autant que dans la joie «Chantons, Dansons, Nous qui sommes joyeuses» (La Chanson du masque). Construit autour de la guitare, de la batterie, des claviers et de l’harmonium indien, l’instrumentarium habituel s’est étoffé d’une guitare folk et du piano, de la flûte irlandaise et traversière mais aussi de kalimbas, d’auto-harpe et de percussions diverses apportant des couleurs sonores inhabituelles enregistrées au studio l’Adventice à Edern (29) par Etienne Foyer auquel Bacchantes accorde une confiance essentielle dans cet abandon créatif. Les 11 titres parus chez Figures Libres Records ont été produits, arrangés et mixés par le musicien Jonathan Seilman qui a su promener les morceaux dans de nouveaux sentiers sans les perdre.
Car ces récits ont une vie propre, quasi organique qui règne sous l’égide des éléments : un feu de révolte couve sous la cendre, l’air, par le vent propage «Le vent porte nos chants, Sur l’autre versant» (Sous les Nuages) ou recèle «Le vent, l’écorce, mais pas un bruit !» (Pas un Bruit) de précieuses multitudes ailées «Ne crevez pas les yeux qui volent !» (Les Oiseaux), la terre devient poussière que ces alchimistes transmutent en éclats d’or «Fille du feu, Cendre du ciel, Or de l’oubli, Qui neige sur l’absence» (Cantique de la Poussière). Le minéral s’éparpille en rochers, caillasse jusque dans les os – les eaux des rivières gonflées par les sources pures de leurs voix entremêlées.
Transformer des mémoires intimes en une histoire collective comme le socle commun d’un ADN imaginaire de l’humanité, c’est ce que suggère la photographe Alexandra Pouzet, autrice de la pochette de l’album. Telle une anthropologue, elle a composé une ébauche de squelette à partir d’objets personnels des musiciennes, à l’image de leur musique qui elle aussi se réapproprie le passé en de nouvelles formes. Bacchantes révèle ainsi la trame de notre héritage musical dont les sources multiples tiennent tout autant des musiques savantes que populaires et mystiques. Se répondent des chants percussifs, scandés, évoquant la musique minimaliste à d’autres influences tribales et leurs transes chamaniques. Depuis la berceuse rassurante du prologue à l’épilogue protecteur, le conte se déploie, déroulant les récits initiatiques de cette quête de soi au milieu des autres.
R. I.
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