Nadia Belkacemi: Quand la poésie devient mémoire et résistance
Pharmacienne de formation, mais poétesse dans l’âme depuis son enfance, Nadia Belkacemi incarne cette génération d’écrivaines algériennes qui ont fait de la littérature un acte d’engagement. Née à Constantine, mère de trois garçons, elle porte dans ses écrits une voix profondément humaine, ancrée dans la mémoire algérienne mais ouverte sur l’universel. Par Hafit Zaouche Son […]

Pharmacienne de formation, mais poétesse dans l’âme depuis son enfance, Nadia Belkacemi incarne cette génération d’écrivaines algériennes qui ont fait de la littérature un acte d’engagement. Née à Constantine, mère de trois garçons, elle porte dans ses écrits une voix profondément humaine, ancrée dans la mémoire algérienne mais ouverte sur l’universel.
Par Hafit Zaouche
Son parcours littéraire s’est d’abord distingué très tôt : en 1986, elle décroche le second prix d’un concours international de poésie organisé par l’ONU, dans le cadre de l’Année internationale de la paix. Ce fut la seule fois qu’elle participa à une compétition, préférant ensuite partager ses poèmes autrement. «La poésie est pour moi d’abord une parole vivante», confie-t-elle. Elle affectionne particulièrement la poésie orale, héritée de la tradition, et choisit souvent Facebook comme scène immédiate, directe, pour livrer ses vers aux lecteurs.
Mais son œuvre éditée n’en reste pas moins marquante. Elle a publié, avec d’autres femmes de lettres, deux recueils à plusieurs mains : «Trois femmes autour d’un vers» et «Voix de femmes», dialogues poétiques vibrants où les sensibilités se répondent dans une complicité créatrice. Sa plume s’est aussi engagée dans des ouvrages collectifs comme «Hommage à Katia Bengana», dédié à la mémoire de cette jeune martyre assassinée pour avoir refusé le voile, et «Leve Palestina», un cri poétique en solidarité avec le peuple palestinien.
En 2014, Nadia Belkacemi franchit un nouveau seuil : celui du roman. Avec «L’Homme, le sucre et la révolution», elle explore les choix intimes des individus face aux mouvements collectifs et aux bouleversements historiques. Le roman, écrit dans un style empreint de poésie, interroge la solitude, la résistance et la fragilité des refuges humains à travers les destins de ses personnages, Nassim et Leila. Plus qu’une fresque politique, c’est une méditation sur l’Algérie contemporaine, traversée par les épreuves de 1986, 1988, la décennie noire et les élans populaires récents.
À travers toute son œuvre, qu’elle soit poétique ou romanesque, Nadia Belkacemi fait dialoguer l’intime et le collectif. Son écriture dit l’amour, la passion, la douleur et l’engagement dans un même souffle. Elle se définit volontiers comme une poète «engagée», non par slogan, mais parce que chez elle, amour et révolte sont indissociables.
Ce qui émeut le plus, chez cette écrivaine discrète, c’est sa fidélité à la poésie comme acte de transmission. «Peut-être serait-il plus facile de dire ce que signifierait l’absence de la
poésie : la disparition», avoue-t-elle. Ses mots résonnent comme une évidence : sans poésie, il n’y a pas de mémoire, pas de résistance, pas de vie partagée.
Aujourd’hui encore, Nadia Belkacemi poursuit son chemin littéraire avec la même ferveur. Sa voix, humble et forte, s’élève dans les cafés littéraires, sur les réseaux sociaux, dans les livres collectifs ou personnels, toujours pour rappeler que l’écriture n’est pas seulement un art : c’est une parole donnée au monde, une parole qui refuse l’oubli et qui croit en la puissance des mots pour résister et pour aimer.
H. Z.