Dr Fayçal Sahbi au Jeune Indépendant : «Le cinéma peut devenir un secteur économique stratégique»
Dans cet entretien accordé au Jeune Indépendant, le Dr Fayçal Sahbi, enseignant à l’Institut supérieur de cinéma et au département de communication à l’université d’Oran et membre du comité scientifique des assises nationales sur le cinéma, revient sur cet événement marqué par l’engagement du Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, en faveur de la relance […] The post Dr Fayçal Sahbi au Jeune Indépendant : «Le cinéma peut devenir un secteur économique stratégique» appeared first on Le Jeune Indépendant.
Dans cet entretien accordé au Jeune Indépendant, le Dr Fayçal Sahbi, enseignant à l’Institut supérieur de cinéma et au département de communication à l’université d’Oran et membre du comité scientifique des assises nationales sur le cinéma, revient sur cet événement marqué par l’engagement du Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, en faveur de la relance de l’industrie cinématographique. Il partage sa vision sur la relance du cinéma, abordant les enjeux du secteur, les obstacles à surmonter et les réformes nécessaires pour transformer le cinéma en levier économique et culturel. Entre défis technologiques, financement insuffisant et manque d’infrastructures modernes, Dr Sahbi propose des solutions concrètes pour redonner au 7e art sa place sur la scène internationale tout en préservant son identité.
Le Jeune Indépendant : Comment percevez-vous l’implication personnelle du président Tebboune dans la relance du cinéma, notamment à travers son discours ?
Dr Fayçal Sahbi : L’implication du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, constitue, à mes yeux, un moment charnière pour le cinéma algérien. Son discours lors des assises nationales sur le cinéma a été bien plus qu’un simple engagement politique : il s’est imposé comme une véritable déclaration d’amour au 7ᵉ art. Le Président a su poser les fondements d’une vision stratégique ambitieuse, dépassant le cadre culturel pour amorcer une véritable révolution identitaire. Il a redonné au cinéma son rôle central dans la construction de notre mémoire collective et dans la transmission de nos récits au-delà de nos frontières. Cette démarche visionnaire est porteuse d’espoir et ouvre des perspectives inédites pour l’avenir de notre cinéma.
Quels sont les obstacles majeurs auxquels le secteur cinématographique est confronté aujourd’hui ?
Les défis à relever sont nombreux et se situent à la fois au niveau structurel et systémique. Le manque d’infrastructures modernes constitue, par exemple, un frein majeur à la diffusion des œuvres et limite considérablement l’accès des publics, notamment dans les régions reculées. Le financement représente un autre obstacle de taille : il reste largement tributaire des subventions publiques, tandis que le secteur privé, en l’absence de mécanismes incitatifs, peine à jouer un rôle actif.
Enfin, un retard technologique manifeste, notamment en matière de numérisation et d’archivage, met en péril notre patrimoine cinématographique. Cependant, au-delà de ces obstacles, j’entrevois des opportunités : ces défis représentent autant de chantiers à entreprendre pour transformer et revitaliser le secteur.
Quels mécanismes concrets pourraient être mis en place pour transformer ce secteur en levier économique ?
Le cinéma peut devenir un secteur économique stratégique à condition de mettre en place des mécanismes adaptés. Tout d’abord, il est essentiel de créer un environnement propice aux investissements privés, notamment par l’instauration de mesures fiscales incitatives et claires. Ensuite, la diversification des sources de financement est cruciale, en explorant des partenariats public-privé et en créant des fonds spécifiques dédiés au cinéma. Par ailleurs, des approches innovantes, comme le développement de plateformes numériques pour la diffusion des œuvres ou l’utilisation du cinéma comme vecteur de promotion du tourisme culturel, pourraient également jouer un rôle déterminant. Ces initiatives constitueraient autant de leviers pour faire du cinéma un véritable moteur économique.
Le Président a souligné l’importance de préserver la culture et la mémoire nationale à travers le cinéma. Comment ce dernier peut-il jouer ce rôle?
Le cinéma est l’un des outils les plus puissants pour préserver et transmettre la mémoire d’une nation. Il documente notre histoire, rend hommage à nos héros et raconte nos luttes. Aujourd’hui, la numérisation de nos archives cinématographiques est une priorité pour les préserver, mais cela ne suffit pas. Il est également important de produire des œuvres qui explorent notre passé tout en étant ouvertes aux réalités contemporaines. Par ailleurs, le cinéma peut jouer un rôle éducatif essentiel en sensibilisant les jeunes générations à leur histoire et à leur identité. Il constitue ainsi un pont vital entre notre mémoire collective et notre avenir.
Comment le cinéma peut-il contribuer à préserver et transmettre la culture et la mémoire nationale, comme l’a souligné le Président, et quel rôle joue-t-il dans l’éducation des jeunes générations ?
Les années 1960 et 1970 étaient une période où le cinéma algérien était au sommet de son art. Ce succès reposait sur trois éléments clés : une vision politique claire, un soutien institutionnel solide et une ambition artistique audacieuse. Ces films étaient ancrés dans la réalité algérienne tout en étant universels. Aujourd’hui, nous devons retrouver cet équilibre. Il faut donner aux cinéastes la liberté de s’exprimer, mais aussi les moyens de concrétiser leurs visions. C’est en valorisant notre identité tout en s’ouvrant au monde que nous pourrons recréer cet élan qu’il mérite.
La problématique des salles de cinéma insuffisantes a été maintes fois évoquée. Quelles solutions proposez-vous pour remédier à cette situation et rapprocher le cinéma du public ?
La distribution est effectivement le nerf de la guerre. Il est impératif de réhabiliter les salles de cinéma existantes et d’en construire de nouvelles, notamment dans le cadre des nouveaux projets urbains. Cependant, le problème ne se limite pas aux infrastructures : il est également essentiel de repenser les modes de diffusion. Les cinémas itinérants, par exemple, pourraient permettre d’atteindre un public plus large, notamment dans les régions éloignées. Par ailleurs, il est impératif de sensibiliser et d’éduquer le public, en particulier les jeunes, à apprécier le cinéma en tant qu’art. Cela pourrait se faire à travers des initiatives telles que les ciné-clubs ou les projections en milieu scolaire. Le cinéma doit redevenir une expérience collective et accessible à tous.
Pensez-vous que les instituts et écoles de cinéma sont suffisamment préparés pour former une nouvelle génération de cinéastes capables de relever les défis actuels ?
Les instituts actuels ont posé les bases, mais ils doivent évoluer pour répondre aux exigences modernes. Il faut intégrer davantage de formation technique, notamment dans les domaines de la numérisation et des technologies audiovisuelles. Les partenariats avec des écoles étrangères pourraient également enrichir les cursus. Ce qui est certain, c’est que sans une formation adaptée, nous risquons de manquer une génération de talents. Il est donc essentiel d’investir massivement dans l’éducation cinématographique.
Que pensez-vous de l’idée d’une « instance nationale élue » annoncée par le Président pour gérer l’industrie cinématographique ? Quels pourraient être ses rôles et missions principales ?
L’idée d’une instance nationale élue est révolutionnaire. Elle témoigne d’une volonté de transparence et de démocratie dans la gestion du secteur. Une telle instance pourrait centraliser les initiatives, harmoniser les politiques et offrir une direction stratégique claire. Elle servirait également de plateforme de dialogue entre les différents acteurs du cinéma. Si elle est bien conçue, cette structure pourrait devenir un véritable moteur pour la renaissance du cinéma algérien.
Selon vous, quelle serait la feuille de route idéale pour que le cinéma algérien retrouve « toutes ses lettres de noblesse », comme l’a souhaité le Président ?
La feuille de route doit être ambitieuse mais réaliste. À court terme, il faut répondre aux urgences : moderniser les infrastructures, soutenir la production et numériser les archives. À moyen terme, il faut bâtir un écosystème durable, avec des financements diversifiés et des partenariats solides. Enfin, à long terme, l’objectif doit être de faire du cinéma algérien un acteur incontournable sur la scène internationale, tout en préservant son authenticité. Cette vision ne peut se réaliser que si tous les acteurs – publics, privés et créatifs – travaillent ensemble, dans un esprit de synergie et d’engagement.
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