La question kurde redevient centrale
Les visiteurs n’ont pas manqué à Damas depuis la chute de Bachar el Assad, il y a maintenant deux semaines ; pour autant, on ne peut dire qu’il y ait bousculade au portillon, ni que les visiteurs soient des représentants de premier plan de leur pays, à l’exception notable de celui de la Turquie, qui […]
Les visiteurs n’ont pas manqué à Damas depuis la chute de Bachar el Assad, il y a maintenant deux semaines ; pour autant, on ne peut dire qu’il y ait bousculade au portillon, ni que les visiteurs soient des représentants de premier plan de leur pays, à l’exception notable de celui de la Turquie, qui pour ce qui la concerne a dépêché rien moins que son ministre des Affaires étrangères, Hakan Fidan. Que celui-ci ne soit pas venu demander des assurances, mais donner des ordres, cela se voyait très bien à son attitude, comme à ses propos d’ailleurs, lors de la conférence de presse qu’il a animée avec son hôte Ahmed al-Sharaa, le numéro un du nouveau pouvoir syrien, ou pour dire les choses de manière plus exacte le chef du nouvel ordre en train de s’installer en Syrie, car il n’est pas encore tout à fait acquis qu’il le puisse. A certains moments lors de cette conférence de presse, on pouvait même se demander qui des deux était l’hôte et qui était le visiteur. La veille de cette visite, il y avait eu les déclarations d’un dirigeant kurde syrien selon lesquelles non seulement le dialogue entre les Forces démocratiques syriennes et la nouvelle administration syrienne était déjà en cours mais qu’il allait bon train.
Que ce soit ces paroles qui soient cause de la venue du chef de la diplomatie turque ne serait pas pour étonner. Nous-mêmes disions dans l’édition d’hier, que les nouveaux maîtres de la Syrie se préparaient déjà à trahir la Turquie, leur principal soutien et protecteur pendant toutes les années où ils étaient eux et leurs troupes confinés à Idlib, sous la menace constante d’en être délogés par un assaut de l’armée syrienne et de ses alliés. Il faut croire que Hakan Fidan a été particulièrement clair quant aux conséquences qui en résulteraient si en effets les protégés d’hier venaient à s’aligner par trop sur les positions américaines et occidentales s’agissant de la question kurde en Syrie. Les Américains, ou plus exactement l’administration Biden sortante, ont assez dit qu’ils voyaient dans les Forces démocratiques syriennes leurs meilleurs alliés dans la lutte contre Daech, qui bien qu’affaibli et même défait n’en continue pas moins de constituer une menace pour la région comme pour le reste du monde. Les Américains, cependant, ne vont pas jusqu’à mettre en garde la Turquie, un allié elle aussi, contre toute offensive de sa part contre les alliés kurdes, ce qui le cas échéant voudrait dire qu’ils iraient jusqu’à défendre ces derniers, mais on sent bien qu’à tout le moins ils prendraient dans ce cas des mesures de rétorsion contre elle. Ils ne disent pas toutefois qu’il faut que les Kurdes et leurs alliés non kurdes ne doivent pas désarmer, ou qu’ils ont droit à l’autonomie politique, dont du reste ils jouissent déjà, mais qu’il ne faut qu’on les attaque car Daech n’est pas entièrement mort, sans compter ses prisonniers comptant par milliers toujours placés sous la garde des Forces démocratiques syriennes. Pour la Turquie, cette attitude américaine est en réalité uniquement celle d’une administration qui bientôt cèdera la place à une autre, qui elle, croit-elle savoir, mettra en œuvre une politique différente sur cette question. On ne sait pas d’où lui vient cette assurance, la prochaine administration américaine n’ayant pas encore dévoilé ses intentions en la matière.
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