Quand les harkis de France sont à leur tour rattrapés par le racisme anti-arabe et l’islamophobie
Par Khider Mesloub – La lune de miel fielleuse entre la France et ses harkis semble prendre fin. Le divorce est pratiquement consommé. Dès le départ, l’union entre ces deux entités bellicistes était contre nature. Car elle s’est bâtie sur les champs de guerre génocidaire menée contre le peuple algérien. La ... Lire la suite

Par Khider Mesloub – La lune de miel fielleuse entre la France et ses harkis semble prendre fin. Le divorce est pratiquement consommé. Dès le départ, l’union entre ces deux entités bellicistes était contre nature. Car elle s’est bâtie sur les champs de guerre génocidaire menée contre le peuple algérien. La France coloniale était le cerveau de cette guerre d’extermination des combattants indépendantistes algériens, et les supplétifs harkis ses bras armés indigènes.
Tous deux étaient mus par la même hostilité meurtrière du révolutionnaire algérien et la même sanguinaire détermination d’écraser dans le sang la volonté d’émancipation nationale manifestée par le peuple algérien viscéralement anticolonialiste.
En France, les harkis ont toujours été considérés comme des Arabes à tenir à l’écart de la société. La preuve : dès leur rapatriement ils ont été parqués comme des animaux dans des camps, loin des regards des Français de souche. Aux yeux des Français, ils sont toujours demeurés des indigènes, des «Français» musulmans citoyens de seconde zone.
La France aura ainsi élevé, comme des sous-humains, les enfants de harkis dans des camps de reclassement pour mieux assurer et réussir leur déclassement. Voilà où la France «reconnaissante» aura précipité les enfants de harkis : dans les camps de reclassement, vecteurs de leur déclassement, dans les centres hospitaliers psychiatriques pour soigner leur relégation, dans les services sociaux pour quémander leur survie, réclamée par ailleurs dans un français approximatif, au lexique pauvre faute d’avoir reçu une scolarité digne.
Aujourd’hui, la France, raciste et islamophobe, vient rappeler à ses harkis qu’elle les considère comme des musulmans, donc, selon la terminologie politique extrême-droitière en vogue, des islamistes.
Ainsi, les harkis sont renvoyés à leur arabité et assignés à leur islamité, au moment où ces deux notions culturelle et cultuelle sont furieusement stigmatisées et criminalisées en France.
Ce jeudi 25 septembre, Journée nationale d’hommage aux harkis, la municipalité de Pertuis a appelé ses habitants à ne pas participer à la minute de silence organisée par l’association Français Musulmans Rapatriés de Pertuis. La ville accuse l’association de «militantisme islamiste».
«On n’a jamais vu ça, une minute de silence en hommage aux harkis interdite par la mairie de Pertuis», s’indigne un membre de l’association.
Ainsi, ce 25 septembre, pourtant Journée nationale d’hommage aux harkis, des membres et soutiens de l’association Français Musulmans Rapatriés de Pertuis ont été interdits d’accès groupé à la stèle pour commémorer «les soldats musulmans de l’armée française pendant la guerre d’Algérie». Probablement à cause du qualificatif «musulmans» accolé au nom «soldats».
A l’ère du racisme hexagonal décomplexé et du militarisme cocardier belliciste, l’Etat français exige, certes, l’union sacrée autour de valeurs tricolores, mais exemptes de toute référence à la culture arabe ou au culte musulman.
Ironie de l’histoire, les fils et petits-fils des soldats harkis, ces soldats qui ont endossé l’uniforme de l’armée coloniale française pour combattre leurs frères de sang et de religion, ont dû faire face, ce jeudi 25 septembre, aux policiers municipaux et aux gendarmes dépêchés sur place pour tenir en respect ces musulmans accusés d’appartenir à la mouvance islamiste. Une accusation brandie systématiquement contre tout musulman aux pratiques jugées par trop rigoristes. Et, désormais, contre les enfants de harkis.
La ville de Pertuis accuse l’association Français Musulmans Rapatriés de «mêler, dans ses prises de position, un militantisme islamiste à des thématiques mémorielles, ce qui constitue une instrumentalisation de l’Histoire inacceptable». Une accusation réfutée par l’association qui envisage de porter plainte pour «diffamation». Pour l’association, l’affaire semble surtout «politique». Elle illustre le climat d’«islamophobie ambiant» qui règne actuellement en France.
Preuve de cette stigmatisation et excommunication des harkis, symbolisées par la répudiation par la ville de Pertuis des membres de l’association Français Musulmans Rapatriés, la municipalité a décidé en 2023 de revenir sur le bail initial en proposant une convention de 12 ans, révocable à tout moment et sans possibilité de recours. Or, jusque-là, l’association bénéficiait depuis plus de 50 ans d’un local communal mis gratuitement à sa disposition et pour une longue durée. Sans surprise, en février 2024, la mairie a expulsé l’association de ses locaux.
Au final, ce jeudi 25 septembre, la ville de Pertuis a bien rendu hommage aux harkis, mais à la mairie, «entre-soi gaulois», en présence des officiels français, notamment le sous-préfet, le député de la circonscription et de nombreux élus locaux. Sans la participation des harkis membres de l’association Français Musulmans.
Ironie du sort, les harkis, qui se proclamaient plus français que les Français, découvrent, à leur corps défendant, qu’ils ne sont pas épargnés par le racisme anti-arabe et l’islamophobie ambiante.
Probablement, comme ils ont écrit, en janvier 2023, une lettre au président français, Emmanuel Macron, pour lui demander de les protéger d’Algeriepatriotique et de l’auteur de ces lignes (*), vont-ils écrire, cette fois-ci, au président Tebboune pour l’adjurer de les protéger du racisme et de l’islamophobie qui sévissent actuellement en France. Voire de rapatrier leurs familles et enfants en Algérie pour échapper au climat délétère ambiant, à la montée du fascisme, aux potentielles ratonnades pogromistes visant les Arabes et les musulmans.
K. M.
(*) «Les harkis demandent à Macron de les «protéger»d’Algeriepatriotique», publié le 15 janvier 2023.