Rumeurs, mensonges et choix de l’Algérie: Les vérités de Kaylia Nemour

Au crédit de son ‘’press-book’’, témoin médiatique d’une carrière prometteuse, c’est, à n’en pas douter, la ressource documentaire dont elle prendra soin. Archive pour la postérité, document pour l’Histoire, c’est une interview publiée dans L’Equipe en kiosque ce samedi. Etalées sur deux pages entières – une surface rédactionnelle dédiée aux seuls sujets qui font l’évènement […] The post Rumeurs, mensonges et choix de l’Algérie: Les vérités de Kaylia Nemour appeared first on Le Jeune Indépendant.

Juil 12, 2025 - 16:37
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Rumeurs, mensonges et choix de l’Algérie:  Les vérités de Kaylia Nemour

Au crédit de son ‘’press-book’’, témoin médiatique d’une carrière prometteuse, c’est, à n’en pas douter, la ressource documentaire dont elle prendra soin. Archive pour la postérité, document pour l’Histoire, c’est une interview publiée dans L’Equipe en kiosque ce samedi. Etalées sur deux pages entières – une surface rédactionnelle dédiée aux seuls sujets qui font l’évènement ou tiennent en haleine l’actualité –, les confessions de Kaylia Nemour invitent d’emblée à la lecture, aidée en cela par la teneur du titre : ‘’Je n’oublierai jamais d’où je viens, ni ce que j’ai vécu’’.

Ce faisant, le secrétaire de rédaction a cherché à accrocher immédiatement. Une introduction et une question plus tard, le lecteur réalise que la championne a envie de s’exprimer, de dire des choses. ‘’Depuis votre titre olympique, vous avez été très discrète. Pourquoi prendre la parole aujourd’hui ?’’, interroge Céline Nony, grand reporter au quotidien sportif, écrivaine et ancienne championne de gymnastique rythmique. Réponse sans ambages de la championne : ‘’Je voulais prendre du temps pour moi. Mais, ces derniers temps, des personnes disent que j’ai été manipulée, notamment par ma mère, que je ne fais pas mes propres choix. Mais je ne suis pas une extraterrestre ! J’ouvre les yeux sur tout ce qui s’est passé dans ma vie, dans ma carrière. J’ai la maturité nécessaire pour savoir ce qui est bon pour moi, ce qui ne l’est pas’’. Voilà qui est dit.

Depuis sa consécration olympique aux accents de « Kassaman » et sur fond d’emblème national flottant plus haut que le drapeau chinois et la bannière étoilée US, Kaylia Nemour est gâtée par le traitement médiatique. Fruit du succès, articles et portraits élogieux s’enchaînent dans la presse.

Baromètre d’une popularité qui va crescendo, les réseaux sociaux la suivent à la trace et font d’elle l’un des visages sportifs les plus visibles. Mais rançon de la gloire, la médaillée d’or de Paris 2024 aux barres asymétriques cristallise la polémique. Mais une fois n’est pas coutume depuis son engagement dans les joutes internationales sous la bannière de la Fédération algérienne de gymnastique, la polémique est suscitée par autre chose que sa décision de défendre les couleurs de l’Algérie.

Le 14 mai dernier, son entraîneur Marc Chirilcenco annonce dans les colonnes de la Nouvelle République – quotidien régional du Centre-Ouest – le départ de Kaylia Nemour vers d’autres cieux. Concrètement, le jeune prodige prend congé d’Avoine-Beaumont, son club formateur. Quelques semaines plus tard, l’annonce du coach se vérifie à l’épreuve des faits. Le 3 juillet, Kaylia survole l’Atlantique et rallie Spring dans le Texas. La championne olympique pose ses bagages – le temps d’un long stage – dans le gymnase de Simone Biles, la star américaine vainqueur de la médaille d’or du concours général. L’Algérienne avait terminé à la cinquième place.

Rumeurs et mensonges

L’annonce du coach sur le départ du club d’Avoine a ‘’provoqué un torrent de critiques en Indre-et-Loire’’, rappelle la grande reporter de L’Equipe, ancienne correspondante du journal à Moscou. Tout au long des dernières semaines, Kaylia – née d’un père algérien et d’une génitrice française – a essuyé les critiques sur les réseaux sociaux. Sa mère a subi un traitement similaire. Sollicitée par la spécialiste ‘’gymnastique’’ du journal sportif, la championne olympique a accepté de s’exprimer pour la première fois depuis son sacre olympique. Pendant une heure et demi, en visio-conférence depuis le Texas, elle s’est livré au jeu du ‘’question-réponse’’ avec l’ancienne championne de gymnastique rythmique.

‘’J’ai besoin de parler à cause des rumeurs et des mensonges qui sont véhiculés par l’entourage de mon ancien club. Pourtant, je pensais être partie en bons termes, sans avoir à me justifier. Marc et Gina (le couple qui l’a coach) ont dit dans un article (allusion au quotidien français ‘Nouvelle République’ daté du 14 mai 2025) qu’ils respectaient mon choix. J’étais confiante, je suis passée à autre chose. Je voulais juste entamer sereinement ma préparation pour les Mondiaux (19-25 octobre à Jakarta). Mais, non. Alors je veux m’exprimer calmement pour mettre tout au clair, tout enfermer dans une boîte’’. Visiblement, c’est la championne qui a tenu à contre-attaquer sur le terrain médiatique.

J’ai développé beaucoup d’amour pour l’Algérie

Pourquoi elle n’a pas annoncé, elle-même, sa décision de prendre congé de son club pour un long stage au Texas ? ‘’J’étais en stage en Algérie pour me ressourcer, je voulais me faire discrète’’. Et la médaillée de Paris 2024 de préciser, une manière de pointer les bruits suscités par son départ et, surtout, expliquer les tenants et aboutissants de sa décision : ‘’Après tout, je ne suis pas la première, et je ne serai pas la dernière à quitter un club. Dans mon esprit, les choses étaient claires : j’avais dit au revoir et merci. Seulement, tout le monde m’a tourné le dos, on attaque ma maman. J’ai besoin d’évacuer ce que j’ai en moi pour rétablir ma vérité et me concentrer sur mes prochains objectifs. Et qu’on laisse ma maman tranquille !’’.

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Paris 2024

 

 

Spécialiste très au fait de l’actualité de la gymnastique et du vécu de la franco-algérienne, Céline Nony remet les choses de leur contexte. Pour mieux éclairer la lanterne du lecteur, la grand reporter se livre à un rembobina. Kaylia Nemour, écrit-elle, ‘’c’est cette jeune gymnaste qui a cristallisé pendant trois ans le conflit entre son désormais ancien club d’Avoine-Beaumont et la Fédération française de gymnastique, avec des plaintes des deux côtés et une enquête judiciaire toujours en cours’’.

Interrogé sur la manière dont elle a vécu ce long épisode – un ‘’cirque’’, tacle-t-elle –, la championne olympique explique : ‘’j’ai clairement été un dommage collatéral. Ça a été très difficile, je ne pouvais pas matcher. J’ai choisi de représenter l’Algérie. Et je ne le regrette pas du tout. C’était la solution pour faire de la gym et arrêter tout ce cirque. Et j’ai développé beaucoup de joie et d’amour pour l’Algérie. J’ai tout le temps envie d’y retourner, de rencontrer des gens, de découvrir la culture’’.

La légitimité avec la médaille olympique

Au gré des questions et des réponses, Kaylia Nemour s’emploie à ‘’rétablir (sa) vérité’’. Pendant une heure et demi, elle a paru aux yeux de son interviewer ‘’parfois en colère, souvent drôle’’. Si elle a accepté l’exercice du ‘’question-réponse’’ avec le premier journal sportif de France et du monde, c’est, précise la journaliste, dans l’espoir que ‘’sa parole sera entendue et lui permettra de clore ce chapitre’’.

Est-ce le titre olympique qui a donné à la championne ‘’la liberté, la légitimité’’ de s’exprimer ? ‘’Après la médaille, j’ai regardé derrière moi et, waouh ! Qu’est-ce que c’était dur ! Plus jamais je ne referai une préparation comme ça. En revanche, en n’ayant plus de contraintes, j’ai commencé à ouvrir les yeux, à comprendre que rien n’était normal. Les cris quand on ne réussit pas, se faire virer quand on ne réussit pas… Il n’y a pas un entraînement où ils n’élèvent pas la voix. Je n’en pouvais plus. Il m’est arrivé de rester trois heures dans le vestiaire, sans savoir si je pourrais reprendre l’entraînement. J’ai vécu des humiliations, comme de devoir faire le tour de la salle pour m’excuser d’avoir raté un élément auprès de chacun des entraîneurs présents’’.

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Et la journaliste et ex-championne de gymnastique rythmique de la relancer au moyen d’un ‘’mais vous êtes devenue championne olympique’’ ! Réponse instantanée de l’ambitieuse aux nerfs d’acier : ‘’Ça a été dur ! En même temps (elle grimace), quelle période ne l’a pas été ? En 2020, le Covid ; 2021, mes deux genoux opérés ; 2022, on m’empêche de matcher ; 2023… Alléluia (elle sourit), je deviens vice-championne du monde aux barres. J’ai surkiffé ces Championnats ! Je pensais que les Jeux, ça serait encore mieux. Seulement, préparer les JO, pour faire une médaille, surtout une médaille d’or, ce n’est pas la même préparation que pour une simple performance personnelle. J’étais épuisée tout le temps. Je savais que je devais garder mes forces pour les complets qu’il faudrait réussir à la perfection. Encore et encore’’.

On a menti à ma famille

A-t-elle a été gagnée par le doute ? ‘’Je ne m’attendais pas à ça. Marc me disait : « T’as plus d’horloge, t’as plus d’horaire, t’as plus d’heure ». Je savais à quelle heure je commençais, jamais quand je finissais. J’ai détesté, mais j’avais un objectif qui m’a permis de tenir et d’accepter. Mais je pense qu’il y a des limites à l’exigence. Et mon corps ne m’a pas suivie. Pendant l’entraînement officiel à Paris, je me suis fait mal à la cheville. Rien qu’en effleurant la malléole, je pouvais pleurer. On a glacé, et j’ai serré les dents’’. Le 4 août, trois jours après avoir fini cinquième au concours général de la gymnastique artistique, Kaylia avait rendez-vous avec le jour le plus stressant de sa jeune existence.

Une attente qui a tourné au bonheur. ‘’Malheureusement, je n’ai pas fêté la médaille. Je le regrette tellement ! J’ai appris récemment que mes parents avaient proposé qu’on aille tous manger ensemble, mais Marc a refusé en prétendant que je n’avais pas le droit de sortir du village. Ils ont menti à ma famille, à mes amis, ça me fait tellement de peine pour eux. Et pour moi. Quelques jours après, j’ai voulu donner un bouquet qu’on m’avait offert à Gina, pour essayer d’apaiser les tensions. Elle l’a rejeté : « Je n’en veux pas de tes fleurs, tu peux les garder ». C’est juste de la méchanceté. Ils m’ont privé d’un moment inoubliable’’.

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La championne étale son talent à Paris

A l’ « Arena Bercy » bariolée des couleurs algériennes, Kaylia Nemour a surclassé les meilleurs de la spécialité dont Qiu Qiyuan (Chine) et la double championne olympique Sunisa Lee (USA). Du haut de la première marche du podium, elle s’est contentée de sourire, les yeux fixés vers le drapeau algérien hissé au rythme de la devise des Jeux olympiques modernes : « Citius, Altius, Fortius », « Plus vite, plus haut, plus fort ».

Onze mois après cet instant-moment bonheur, elle n’en finit pas de méditer la signification de la médaille en vermeil. Elle représente ‘’des années de travail et de sacrifices. Une immense fierté au regard de ce que j’ai vécu’’. Cette consécration olympique ‘’m’a donné de la visibilité. J’ai été invitée sur des émissions de télé, lors de la fashion week, au concert de Beyoncé… J’ai pu rencontrer d’autres sportifs et échanger avec eux. J’ai reçu des cadeaux, des produits de maquillage… Je ne voulais pas être que la hype » des Jeux, j’ai travaillé pour que ça perdure. Et ça, j’adore ! Je ne pensais pas que ce serait possible grâce à la gym, ou en habitant ailleurs qu’à Paris, mais je réalise un peu mon rêve’’.

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