Benjamin Stora à propos des crimes commis par le colonialisme : « Ce sera difficile d’empêcher cette vérité en marche »

Quatre jours après avoir fait partie d’une liste contenant de nombreuses personnalités se définissant comme « Français d’origine algérienne, Franco-Algériens, Français aimant l’Algérie », signataires d’une tribune publiée jeudi dans le journal Le Monde ; Benjamin Stora est revenu sur la détérioration des relations algéro-françaises, dans un entretien accordé au quotidien arabophone El Khabar. L’historien, qui a estimé auparavant, lors d’une interview accordée à une télévision française, que « le point de paralysie qui existe entre les deux pays actuellement est le plus important depuis l’indépendance de l’Algérie, en 1962 », en évoquant une « situation inédite », a fortement plaidé pour une reprise du dialogue entre Aller et Paris. « J’observe les évolutions des positions des différents membres du gouvernement français. Je vois, effectivement, une position très dure contre l’Algérie du ministre de l’intérieur, qui parle d’un bras de fer ; et de l’autre, une position conciliante, du ministre des Affaires étrangères, qui évoque une sortie de la crise par un dialogue », a-t-il déclaré. Interrogé sur la position d’Emmanuel Macron, il a affirmé que le « président de la République semble aller vers l’apaisement », tout en reconnaissant toutefois qu’il « n’a pas discuté de ces questions avec lui depuis de nombreux mois ». « Je ne vois pas comment sortir de cette situation, si ce n’est par la reprise du dialogue », a-t-il jugé, avant d’ouvrir une parenthèse sur la commission d’historiens français et algériens qu’il a coprésidé, et qui a fini par subir de plein fouet les contre-coups d’une escalade anti-algérienne alimentée par pratiquement l’ensemble des groupuscules de l’extrême-droite française, montés au créneau dans une diatribe accentuée. « Le travail de la commission a cessé après l’intervention de facteurs politiques et diplomatiques », s’est contenté de dire Benjamin Stora en décembre 2024. « Nous ne nous sommes pas réunis depuis le mois de mai 2024, alors que les rencontres, cinq depuis 2023, s’étaient très bien déroulées. En particulier le travail historique sue le 19^ème siècle, un inventaire chronologique de la pénétration coloniale en française, et une recherche bibliographique (livres et archives) », a-t-il assuré. « Il a même été discuté la possibilité de restitution par la France d’objets appartenant à l’Emir Abdelkader. Mais cela n’a pas été possible immédiatement, car les responsables ont invoqué la nécessité, pour cette restitution, d’une loi générale. Hélas, les aléas de la crise politique sont venus percuter ce travail, et les activités de la commission sont suspendues », a-t-il déploré. Interpellé sur le cas de Jean-Michel Aphatie, désormais ex-journaliste de RTL, qui a quitté définitivement cette station radio après avoir été écarté temporairement, suite à ses propos comparant les massacres commis par la France coloniale en Algérie à ceux commis par les nazis à Oradour-sur-Glane. L’historien a certes évoqué « la pénétration coloniale française tout au long du 19^ème siècle, les massacres et les résistances, d’ouest à l’est du pays, avec les combats de l’Emir Abdelkader, le siège et la prise de Constantine en 1837, le massacre des habitants de Laghouat, le soulèvement de la Kabylie en 1871, suivie de la dépossession massive des terres puis la déportation des responsables en Nouvelle Calédonie », mais il s’est retenu de se positionner franchement au sujet de l’affaire du journaliste. « Jean Michel Apathie a voulu comparer les exactions françaises aux crimes commis pendant la seconde guerre mondiale. En fait il n’est pas le premier à parler ainsi ; ce questionnement a déjà été soulevé par les philosophes Hannah Arendt et Simone Weil dans les années 1940 », a-t-il dit, préconisant « tout un travail d’éducation, de transmission de l’histoire de France qu’il faut faire ». « Ce sera difficile d’empêcher cette vérité en marche », a-t-il conclu.

Mohamed Mebarki

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