Économie marocaine : La spirale du déficit s’accélère, les défis structurels s’accumulent
Les chiffres, relayés par l’agence de presse financière Bloomberg et issus des données officielles du ministère de l’Économie et des Finances marocain, sont sans équivoque. Le déficit budgétaire du Maroc s’est creusé de manière spectaculaire, atteignant 58,9 milliards de dirhams (plus de 6 milliards de dollars) à la fin du mois de juillet. Il s’agit […]

Les chiffres, relayés par l’agence de presse financière Bloomberg et issus des données officielles du ministère de l’Économie et des Finances marocain, sont sans équivoque.
Le déficit budgétaire du Maroc s’est creusé de manière spectaculaire, atteignant 58,9 milliards de dirhams (plus de 6 milliards de dollars) à la fin du mois de juillet.
Il s’agit d’une aggravation de 37% en glissement annuel, une performance qui sonne comme un avertissement pour les observateurs économiques de la région.
Pire encore, les projections à moyen terme assombrissent le tableau : ce même déficit pourrait plus que doubler pour atteindre 14 milliards de dollars d’ici la fin de 2025. Cette dynamique négative n’est pas un simple accident comptable, mais le symptôme de difficultés profondes qui entravent le développement économique du pays voisin.
Entre dépenses de prestige et urgences sociales
Pour comprendre cette dérive budgétaire, il faut analyser la structure des dépenses de l’État marocain. D’un côté, le Royaume poursuit des investissements massifs dans des projets d’infrastructure. Ces dépenses, pèsent lourdement sur les finances publiques.
De l’autre côté, le Makhzen est contraint de répondre à une pression sociale croissante. Face à une inflation persistante et aux effets de plusieurs années de sécheresse qui ont dévasté le secteur agricole, le Makhzen a dû augmenter les subventions sur les produits de première nécessité (gaz, sucre, farine) via la Caisse de Compensation pour éviter une explosion sociale.
À cela s’ajoutent les coûts des nouveaux programmes de protection sociale, indispensables mais extrêmement coûteux.
Le spectre de l’endettement et la perte de souveraineté
Un déficit budgétaire chronique et croissant n’est jamais sans conséquences. La première et la plus directe est le recours accru à l’endettement.
Pour financer son train de vie, le Makhzen doit emprunter massivement, tant sur le marché intérieur qu’auprès des institutions financières internationales (FMI, Banque Mondiale).
Cette accumulation de la dette publique, qui dépasse déjà les 70% du PIB, engendre un cercle vicieux :
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Le service de la dette (le paiement des intérêts) absorbe une part de plus en plus importante du budget, au détriment des investissements dans la santé, l’éducation ou la transition énergétique.
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La crédibilité financière du pays est érodée. Les agences de notation ont déjà dégradé la note souveraine du Maroc, rendant les futurs emprunts plus chers et plus difficiles à obtenir.
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Une dépendance accrue aux bailleurs de fonds internationaux, qui conditionnent souvent leurs prêts à la mise en œuvre de politiques d’austérité (réduction des subventions, gel des salaires des fonctionnaires, etc.), mesures profondément impopulaires et potentiellement déstabilisatrices.
L’impuissance d’un modèle de développement à bout de souffle
Au-delà des chiffres, ce déficit révèle les limites structurelles du modèle de développement marocain. Fortement dépendant de secteurs volatiles comme le tourisme, les transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE) et les exportations vers une Europe en ralentissement, l’économie marocaine peine à trouver des solutions et à créer une croissance endogène, inclusive et résiliente.
Les grands projets d’infrastructure, bien que modernes en apparence, peinent à masquer des réalités plus sombres : un taux de chômage des jeunes alarmant, des inégalités sociales et territoriales criantes, et une vulnérabilité extrême au changement climatique, notamment la raréfaction des ressources en eau.
Le déficit budgétaire n’est donc pas la maladie, mais le symptôme d’une incapacité à générer suffisamment de richesse pour financer à la fois le développement et le contrat social, et l’incompétence d’un Makhzen a bout de souffle.