Hamma Meliani : « Cette hostilité déchaînée contre l’Algérie ne date pas d’aujourd’hui ».

Homme de théâtre* et intellectuel algérien, Hamma Meliani suit l’actualité des relations entre la France et l’Algérie avec une acuité bien aiguisée. A 75 ans, le natif de Ain-Mlila est un homme en colère qui fustige la continuelle stigmatisation des Algériens dans l’espace médiatique. Pour Dzairworld, le dramaturge et écrivain a accepté de décrypter ces […] L’article  Hamma Meliani : « Cette hostilité déchaînée contre l’Algérie ne date pas d’aujourd’hui ». est apparu en premier sur Dzair World.

Août 23, 2025 - 11:32
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 Hamma Meliani : « Cette hostilité déchaînée contre l’Algérie ne date pas d’aujourd’hui ».

Homme de théâtre* et intellectuel algérien, Hamma Meliani suit l’actualité des relations entre la France et l’Algérie avec une acuité bien aiguisée. A 75 ans, le natif de Ain-Mlila est un homme en colère qui fustige la continuelle stigmatisation des Algériens dans l’espace médiatique. Pour Dzairworld, le dramaturge et écrivain a accepté de décrypter ces coups bas électoralistes, sciemment entretenus, par des nostalgiques d’un autre temps.

Une ex-ministre des Affaires européennes, Marie Noelle Lenoir, s’en est prise aux Algériens en les traitant de dangereux égorgeurs qui feraient courir un risque à la société française. Comment réagissez vous à cette dernière sortie médiatique à l’égard de l’Algérie ?

Hamma Meliani : Ça écœurant. J’en ai la nausée d’entendre ces insanités sur l’Algérie. Cette nouvelle couche d’inepties, sortie de la bouche de Marie-Noëlle Lenoir, s’ajoute au chapelet de mensonges répétés à longueur d’antenne par les journalistes de C News, BFM et tous les satellites de la nouvelle droite sous influence sioniste. Ce n’est pas de l’information, ce n’est pas du journalisme, c’est de la propagande anti-algérienne qui inonde les écrans de nos téléviseurs. Et puis, la présidente du comité de soutien à Boualem Sansal, c’est bien Marie Noëlle Lenoir. Cela ne suffit peut-être pas à expliquer sa hargne et sa vision stupide des Algériens et des maghrébins en général.

Cette dérive fait suite aux différentes prises de positions du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Diriez vous qu’il a libéré la parole anti-algérienne ?

Après le bras d’honneur brandi par Gérard Longuet, alors ministre de la Défense, en 2012, en réponse à l’éventualité d’une repentance française envers l’Algérie, voilà aujourd’hui le ministre de l’Intérieur qui ouvre le bal de l’invective médiatique, comme s’il était en duel avec l’Algérie tout entière. D’abord, il est animé par l’ambition présidentielle. Les tensions avec la diplomatie algérienne, les faits divers du paysage urbain et les fantômes du passé colonial lui servent de support médiatique pour justifier, d’une part, le durcissement des rapports franco-algériens et, d’autre part, pour capter le plus d’électeurs possible pour son mouvement politique. Les Français ne sont pas dupes de son manège : ils rejettent en bloc les discours racistes des médias et les promesses sociales de l’élite droitière conduite par Bruno Retailleau, candidat à la prochaine élection présidentielle.

Pourquoi l’Algérie suscite-t-elle autant de déchaînements ?

Cette hostilité déchaînée contre l’Algérie ne date pas d’aujourd’hui. Il s’agit de la haine cachée des nostalgiques de l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS) qui s’exprime depuis la décolonisation. L’État algérien fort, souverain, modernisateur et résolument anti-impérialiste de Boumédiene hante encore les élites politiques. D’abord, il y a eu le choc pétrolier. En 1971, l’Algérie a nationalisé le pétrole et le gaz. Le pays a joué un rôle majeur dans la revendication d’un nouvel ordre économique international à l’ONU, en 1974, en tant que leader du Mouvement des non-alignés. Depuis la nationalisation des hydrocarbures, détenus par les compagnies françaises ELF et autres, les tensions entre les deux pays ne cessent de s’accentuer. L’Algérie d’aujourd’hui est fondamentalement souveraine et reste fidèle à son credo : défendre la souveraineté des peuples face aux puissances coloniales.  Bien que son soutien à la Palestine et au Sahara occidental l’écarte des visées de la communauté européenne, elle continue de mener le combat pour la justice. Sa diplomatie passionnée est écoutée et respectée. Ces déchaînements d’hostilité ont redoublé, surtout depuis que l’Algérie a établi un partenariat stratégique élargi avec la Russie. Cet accord, signé en 2023, couvre l’énergie, l’agriculture, le commerce et l’armement, et affirme l’indépendance diplomatique du pays par rapport aux puissances. L’Algérie s’est également tournée vers les BRICS comme alternative aux structures dominées par les grandes banques. Désormais, elle se tourne vers la croissance et sa diplomatie renforce les liens économiques avec différents pays. Suite au soutien français au Maroc concernant le Sahara occidental, l’Algérie a rappelé son ambassadeur, suspendu la coopération en matière de sécurité et de migration, et expulsé certains agents français. Par ailleurs, l’enjeu politique et social de la diaspora algérienne et maghrébine dans son ensemble intensifie cette belligérance. Les partis politiques se livrent à une intense campagne de séduction pour obtenir le maximum de ces voix. Mais aujourd’hui, le visage de la France a changé : une nouvelle génération émerge des quartiers populaires, s’impliquant dans les luttes sociales et humanitaires. Fils et filles d’ouvriers français et étrangers, ils sont tous animés par le même rêve : liberté, égalité et fraternité. Cette jeunesse a compris qu’il faut faire de la politique pour changer de politique. Tous unis contre la nouvelle droite.`

Comment interprétez vous le durcissement récent de la position d’Emmanuel Macron qui disait pourtant vouloir l’apaisement dans les relations franco-algériennes ?

Le soutien français à Rabat concernant le Sahara occidental, tout comme l’affaire Boualem Sansal, empoisonnent les relations entre les deux pays, d’autant qu’Israël est derrière ces manigances. Malheureusement, la pilule de la rupture des relations n’a pas encore été avalée. C’est malheureusement une crise diplomatique qui perdure. Elle ne profite à aucun des deux pays. Pourtant, il y a tant à gagner l’un de l’autre grâce à la proximité, à l’histoire, à l’amitié entre les deux peuples, à l’investissement, à la coopération culturelle et scientifique, etc. Demain, l’apaisement et des relations plus chaleureuses entre l’Algérie et la France s’installeront peut-être, je l’espère.

Ce bruit médiatique ne cache-t-il pas les vrais problèmes qui attendent les Français ?

C’est certain. La crise diplomatique franco-algérienne, tout comme la situation russo-ukrainienne, fournit des ingrédients médiatiques qui alimentent les va-t-en-guerre. C’est l’appel à la conflagration de certains députés européens. L’appétit vorace des marchands d’armes mène le monde vers la catastrophe, vers une guerre dévastatrice. Ce bruit médiatique fait peur et occulte les tensions sociales, le coût de la dette, la méfiance des investisseurs et l’austérité ambiante, prétextes invoqués pour réduire le déficit. La confiance dans les institutions est au plus bas. La colère populaire se manifeste un peu partout dans le pays. Le 10 septembre, la coordination nationale du mouvement « Bloquons tout » pourrait déclencher de nouvelles vagues de mobilisations nationales.

Quel impact ces tensions peuvent elles avoir sur la diaspora algérienne de France ?

D’abord, le malaise de vivre ça. L’impact est énorme sur la diaspora algérienne et sur l’ensemble des Maghrébins. Les tensions politiques entre la France et l’Algérie ont toujours des répercussions sur la diaspora algérienne, qui peut avoir le sentiment d’être prise entre deux feux : perçue comme « trop algérienne » en France et « trop française » en Algérie. S’y ajoutent les tracasseries administratives et bureaucratiques, l’acharnement toxique des médias et l’accentuation du contrôle social. Et, comme à chaque élection, la diaspora est utilisée comme levier politique par l’Algérie comme par la France. Espérons que ce malaise s’estompera rapidement et que de nouvelles relations amicales se noueront durablement entre l’Algérie et la France.

Entretien réalisé par Nasser Mabrouk

* Il dirige l’Ecole d’art dramatique au Théâtre Hamma Meliani d’Ivry sur Seine

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Entretien réalisé par Nasser Mabrouk

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