Colère au Maroc : L’assourdissante omerta médiatique franco-golfique

Alors que la jeunesse marocaine exprime un profond malaise social sur les réseaux sociaux et dans la rue, les grands médias français et les chaînes des monarchies du Golfe, d’ordinaire si prompts à disséquer la moindre agitation en Algérie, observent un silence qui en dit long sur leur agenda géopolitique. Une cocotte-minute sociale est sur […]

Oct 2, 2025 - 18:02
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Colère au Maroc : L’assourdissante omerta médiatique franco-golfique

Alors que la jeunesse marocaine exprime un profond malaise social sur les réseaux sociaux et dans la rue, les grands médias français et les chaînes des monarchies du Golfe, d’ordinaire si prompts à disséquer la moindre agitation en Algérie, observent un silence qui en dit long sur leur agenda géopolitique.

Une cocotte-minute sociale est sur le point d’exploser au Maroc, mais pour le téléspectateur de France 24 ou le lecteur du Monde, tout va pour le mieux dans le meilleur des royaumes. Depuis plusieurs semaines, une vague de contestation, portée par une jeunesse marocaine désabusée – la fameuse « GenZ » – gronde à travers le pays.

De Rabat à Casablanca, en passant par les villes de l’intérieur, les revendications sont claires et puissantes : fin de la corruption endémique, justice sociale, lutte contre un chômage de masse qui frappe de plein fouet les jeunes diplômés, et critique à peine voilée des abus de pouvoir et de l’enrichissement extravagant de l’entourage royal.

Ces manifestations, bien que souvent de taille et récurrentes trouvent un écho phénoménal sur les plateformes numériques comme TikTok et X (anciennement Twitter). Des vidéos montrant des jeunes scandant des slogans contre la cherté de la vie ou dénonçant l’injustice deviennent virales, contournant la censure d’une presse locale aux ordres. C’est une réalité bouillonnante, palpable pour quiconque s’intéresse réellement au terrain.

Pourtant, cette réalité semble s’arrêter aux frontières médiatiques de l’Hexagone et des pétromonarchies.

Le blackout organisé : une cécité volontaire

Le silence des grands médias français est stupéfiant. Eux qui déploient des trésors de rhétorique pour transformer le moindre rassemblement syndical en Algérie en « soulèvement populaire » ou une fluctuation économique en « effondrement imminent de l’État », deviennent subitement muets et aveugles face au Maroc.

Pas de reportages en immersion, pas d’analyses sur les « fractures sociales marocaines », pas de portraits de cette jeunesse en colère. L’information est traitée, au mieux, par de brèves dépêches impersonnelles qui minimisent la portée des événements.

Ce traitement médiatique révèle une ligne éditoriale claire : protéger à tout prix l’image d’un « Maroc stable », allié stratégique de Paris. Évoquer la corruption systémique, le chômage structurel ou la concentration des richesses entre les mains d’une élite proche du Palais reviendrait à écorner ce narratif soigneusement construit. Il s’agit de ne pas donner de mauvaises idées, de ne pas fragiliser un régime ami dont la stabilité est jugée essentielle aux intérêts français dans la région.

Ce deux poids deux mesures est flagrant. La moindre information concernant l’Algérie est passée au crible, souvent déformée, et systématiquement présentée sous un angle négatif. Le but est évident. Il s’agit de nuire à l’image d’une Algérie qui refuse de s’inscrire dans le giron néocolonial, qui mène une politique étrangère indépendante et qui défend sa souveraineté avec intransigeance. L’Algérie est la cible d’une véritable guerre de désinformation, où chaque fait est instrumentalisé. Le Maroc, lui, bénéficie d’un bouclier de complaisance.

La solidarité des monarchies : Al Arabiya et consorts aux abonnés absents

Le même phénomène est observable du côté des puissants médias des monarchies du Golfe, Al Arabiya en tête.

Ces chaînes, financées par l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, qui excellent dans l’art de jeter de l’huile sur le feu lors des mouvements sociaux dans les républiques arabes, pratiquent une omerta totale sur la situation marocaine.

La raison est idéologique. Il est clair que, craignant l’effet domino, une monarchie ne saurait critiquer une autre monarchie sur le front de la contestation populaire. Ce serait créer un précédent dangereux et encourager leurs propres populations à remettre en cause l’ordre établi. La « solidarité monarchique » impose un silence complice. Pour ces médias, la colère de la jeunesse marocaine n’existe tout simplement pas, car son existence même est une remise en cause du modèle qu’ils défendent.

En revanche, lorsque l’Algérie est concernée, ces mêmes chaînes se transforment en porte-voix de toutes les formes d’opposition, relayant sans discernement la moindre rumeur, dans une tentative à peine voilée de déstabilisation.

Une information à géométrie variable

Le traitement de l’actualité marocaine par ces médias n’a rien à voir avec le journalisme. Il s’agit d’une communication politique au service d’un agenda géopolitique précis. Le Maroc est un pion essentiel dans la stratégie occidentale et golfique au Maghreb et en Afrique, il faut donc en préserver la façade, quitte à nier la réalité de son peuple. L’Algérie, par son indépendance et son histoire, représente un contre-modèle qu’il convient de décrédibiliser par tous les moyens.

Ce blackout ne pourra cependant pas durer éternellement. À l’ère numérique, la vérité finit toujours par trouver son chemin. La colère de la jeunesse marocaine est une lame de fond qui ne peut être indéfiniment cachée sous le tapis de la complaisance médiatique.

Le jour où la pression deviendra trop forte, ces mêmes médias qui aujourd’hui feignent l’ignorance seront bien obligés de constater les dégâts, sans jamais admettre leur responsabilité dans la dissimulation de la crise qui couvait. Pour l’heure, leur silence n’est pas seulement étonnant, il est coupable