«Le fil rouge» d’Elisa Biagi présenté au TNA: Un spectacle émouvant, poignant, passionnant etc.
«Sublime», «émouvant», «passionnant», «merveilleux», «extraordinaire», «subjugué», «pris par les tripes», «remué», ce sont là quelques réactions du public, jointes aux impressions de l’auteur de ces lignes, recueillies sur le vif à la sortie du spectacle «Le fil rouge», présenté au TNA la veille du 1er novembre, ce qui n’est assurément pas pure coïncidence. Par Nadjib […]
«Sublime», «émouvant», «passionnant», «merveilleux», «extraordinaire», «subjugué», «pris par les tripes», «remué», ce sont là quelques réactions du public, jointes aux impressions de l’auteur de ces lignes, recueillies sur le vif à la sortie du spectacle «Le fil rouge», présenté au TNA la veille du 1er novembre, ce qui n’est assurément pas
pure coïncidence.
Par Nadjib Stambouli
Il faut dire qu’après l’ovation nourrie pour saluer la performance artistique, par le jeu et par le texte d’Elisa Biagi, les impressions des spectateurs ne sont nullement exagérées, tant la jeune Algéro-Italienne a fait montre d’une prouesse hors du commun étalée sur une scène qui a déjà vu défiler de belles œuvres, mais qui n’ont jamais atteint ce puissant impact émotif et admiratif sur le public. «Le fil rouge» est un récit dramatique restituant l’engagement révolutionnaire pour la libération de l’Algérie de Nna Nouara, épouse du commandant Si Lhafid, tous deux grands-parents de l’autrice-interprète du texte en français. Elisa Biagi n’est pas seule sur scène, puisque la musicienne Laurie-Anne Polo y est également, dans un coin, exécutant coups sur le tambour ou encore bruitage par le souffle ou par le grattage sur un instrument, qui doit avoir un nom précis, mais qu’on appellerait «bendir transparent». Cette présence active de la musicienne sur scène est un des effets de distanciation, comme cette scène où la personne d’Elisa Biagi s’habille en habits kabyles pour intégrer le personnage de sa grand’mère moudjahida. Le récit scénique est un enchevêtrement de scènes qui montre ce que l’héroïne, la vraie qui est aussi celle de la pièce, a vécu, enduré, espéré, en un mot résisté dans des moments de douleurs et de souffrances, les siens et ceux de ses proches. Le rythme est époustouflant, où s’imbriquent les scènes, montrées directement ou suggérées par des ombres en toile de fond. Tout au long du récit débité à la première personne, hommage de la jeune artiste à sa grand-mère, les images et les paroles déclinent de l’intérieur la geste libératrice de tout un peuple concentré dans le cœur d’une femme hors du commun et de ses compagnes de lutte, avec la permanente évocation du héros-époux invisible, Si Lhafid. Tout est savamment dosé, le hurlement se transformant dans la seconde qui suit en douce supplique, le chant d’espoir succédant à l’appel au découragement et le sourire au rictus de douleur, sans jamais verser dans les travers qui menacent au détour de chaque réplique, le mélo ou le cabotinage. La maîtrise de la comédienne, n’ayons pas peur du mot, est parfaite, tant dans les intonations, la maîtrise des couleurs vocales, les déplacements scéniques et les expressions, celle du visage comme celle du corps. La mise en scène signée Anais Caroff est un subtil agencement entre décor dépouillé et insertion d’images en support percutant, comme celle du visage tuméfié de la moudjahida torturée ou, dans l’expression corporelle, le personnage principal titubant et soutenu par deux compagnes du village en fuite dans la neige, qu’on voit pratiquement, alors qu’elles ne sont pas présentes.
«Le fil rouge» est une œuvre magistrale et magnifique, appelée à s’inscrire dans la durée et même dans la postérité, comme sont inscrits dans l’Histoire le nom de la combattante évoquée et celui de Si Lhafid.
«Emouvant» nous semble le qualifiant le plus à même de résumer «Le fil rouge» et le public ne s’y est pas trompé, qui a longuement applaudi Elisa Biagi qu’il a symboliquement portée en triomphe, comme pour lui dire «Merci de nous avoir tant fait pleurer»…
N. S.
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