L’extrémisme est l’ingrédient secret de la cuisine politique française depuis longtemps

Une contribution du Dr A. Boumezrag – La France a ce talent unique de transformer chaque crise en un grand festin idéologique, où l’extrémisme devient l’ingrédient principal. Et non, ce n’est pas une nouvelle mode politique, c’est la recette qui fonctionne depuis des décennies. Que l’on soit en pleine guerre ou en période de paix, il y a toujours une place pour un peu de radicalité dans le menu national français. La France ne semble pas fatiguée de servir cette vieille recette. L’extrémisme, qu’il vienne de droite, de gauche ou de n’importe où entre les deux, est l’ingrédient secret de la politique française depuis trop longtemps.

Prenez un peu de rancœur historique, une touche de peur de l’autre, une pincée de nationalisme et, surtout, n’oubliez pas un bouc émissaire à cuisiner à feu doux pendant des années. A l’arrivée, vous avez un plat délicieux – en apparence – mais toxique. La France, encore une fois, semble avoir opté pour cette recette de cuisine politique. Et, pour être honnête, elle ne se lasse pas de la servir.

2025, nouvelle année, même menu : la déclaration de Laurent Retailleau, ministre sous Macron, à propos de l’Algérie qui «nous veut nous humilier», n’est qu’une nouvelle épice ajoutée à cette vieille spécialité traditionnelle. Il y a plus de 70 ans, Mitterrand le disait déjà, alors ministre de l’Intérieur : «L’Algérie est française». Pas de changement, on pourrait croire que le même plat est recuit et servi à chaque génération. Mais, au lieu de le jeter à la poubelle, la France l’agrémente à chaque fois avec un petit glaçage de politique identitaire.

Alors, pourquoi cette obsession du plat extrême ? Pourquoi cette intensité qui monte, année après année, comme si chaque nouveau gouvernement devait rajouter un peu de piquant pour réchauffer l’électorat ? Parce que, l’extrémisme est ce qu’il y a de plus rentable politiquement : il réunit, divise et polarise. C’est la stratégie qui ne se démode jamais. Si l’opinion publique commence à douter, hop, un peu d’extrémisme à revendiquer, et voilà qu’elle retrouve ses repères !

Ce n’est pas juste une question de droite ou de gauche. L’extrémisme, c’est l’ingrédient magique qu’on saupoudre à droite comme à gauche, pour pimenter les débats. On dirait presque une tradition culinaire de la politique française : un peu de radicalité ici, une pointe de nationalisme là, et on mijote. Tout le monde se régale, en attendant que l’entrée suivante arrive pour remettre de l’huile sur le feu.

Mais pourquoi cette obsession de l’extrême dans un monde qui semble pourtant en quête de compromis ? Parce qu’en France, le compromis est perçu comme un plat fade et insipide. Il manque de saveur. On préfère les recettes fortes, pimentées, celles qui font parler, celles qui secouent, celles qui attisent les passions. Mais tout ça, c’est bien joli, jusqu’à ce que l’addition arrive.

Parce que, en réalité, l’extrémisme, qu’il soit de droite ou de gauche, est un piège politique. C’est une recette trop relevé qui finit par vous rendre malade. Et la France, à force de servir son menu épicé à longueur de décennies, ne s’aperçoit même plus que ce plat est en train de la dévorer.

Mais, alors, la désescalade est-elle encore possible ? Peut-être. Mais comme un bon chef qui décide de changer de menu, la France devra se défaire de ses habitudes et réinventer une cuisine politique plus légère, plus nuancée, moins toxique. Parce que la recette de l’extrémisme, elle commence à avoir un goût de trop-plein, et ce n’est pas l’élargissement du cercle des extrêmes qui va l’en libérer.

Alors, la prochaine fois qu’on nous sert l’extrémisme à la française, exigeons un menu plus équilibré. Mais qui osera vraiment changer la recette, quand le plat semble toujours plaire à une certaine clientèle ?

En définitive, la France a choisi depuis trop longtemps de se nourrir de la même recette : l’extrémisme, qu’il soit de droite ou de gauche, reste l’ingrédient secret de sa politique, la marche à suivre dans les moments de crise. Mais à force de réserver ce même plat, la société commence à ressentir les effets secondaires. Les fractures se multiplient, la confiance s’effrite et la politique devient un terrain où les passions priment sur la raison.

Mais il est encore temps de changer de menu. Il est encore temps de réinventer une politique moins radicale, moins clivante et, surtout, plus inclusive. Pourquoi ne pas laisser derrière nous la recette de la division, qui ne nourrit que le spectacle médiatique, pour proposer une politique de réconciliation, d’écoute et de compromis ? Le véritable défi pour 2025, et au-delà, sera de sortir de cette logique de l’extrême pour renouer avec une politique du juste milieu, capable de rassembler plutôt que de diviser.

La France est capable de plus que ça. Un changement de cap est possible, mais il exige que les Français aient le courage de poser les bonnes questions : jusqu’à quand vont-ils continuer à choisir l’extrémisme comme plat de résistance ? Le vrai défi n’est pas de choisir la recette la plus épicée, mais d’oser cuisiner ensemble, dans l’harmonie et la diversité, pour offrir à chacun un menu politique à la fois nourrissant, équilibré et durable.

Alors, en ce début de 2025, le choix leur appartient. Vont-ils continuer à servir la même vieille recette, ou ont-ils le courage de réinventer leur politique, pour un avenir plus unifié, plus respectueux et plus juste ? A eux de décider.

Ce n’est pas dans l’extrême qu’on trouve l’unité, mais dans l’équilibre. Il est temps de repenser le menu politique de la France, pour nourrir l’avenir et non pas diviser le présent.

L’extrémisme ne rassemble jamais, il fracture. Il est temps de réinventer une politique de compromis, où l’unité se construit dans la diversité et non dans la division.

A. B.

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