Malheur aux minoritaires
En réponse au renversement du gouvernement Barnier par une motion de censure déposée par le Nouveau Front Populaire et contre toute attente votée par l’extrême droite, le président français a fait savoir qu’il ne démissionnerait pas comme cela lui était demandé entre autres par la France Insoumise, qu’au contraire il irait jusqu’au bout de son […]
En réponse au renversement du gouvernement Barnier par une motion de censure déposée par le Nouveau Front Populaire et contre toute attente votée par l’extrême droite, le président français a fait savoir qu’il ne démissionnerait pas comme cela lui était demandé entre autres par la France Insoumise, qu’au contraire il irait jusqu’au bout de son mandat, qui court jusqu’en 2027, et qu’il allait très bientôt désigner un nouveau Premier ministre. D’où la question, qui vient tout naturellement, dans un contexte où le camp présidentiel au lieu d’être majoritaire est minoritaire à l’Assemblée : combien ce nouveau gouvernement, pour autant qu’il puisse être formé, car déjà cela ne va pas de soi, tiendrait-il ? Ferait-il à cet égard moins bien ou mieux que le gouvernement Barnier, qui lui n’est resté en fonction que trois mois ? Tout porte en effet à penser que lui aussi serait censuré, que sa durée de vie elle aussi se mesure en semaines, à la rigueur en mois, mais certainement pas en années. Pour gérer dans la durée un Etat, la première condition est d’être majoritaire, quelle que soit la nature du régime, parlementaire ou présidentielle, ou les deux à la fois fois, comme est censé être le régime actuel de la France, celui de la 5e République. Le gouvernement Barnier est tombé non pas sur une loi relative au budget de la sécurité sociale, mais parce qu’étant minoritaire, il était à la merci de l’opposition, qui pouvait le renverser à tout moment.
Son compte était fait dès lors que l’extrême droite n’a pas couru à son secours, comme il le croyait. Comme en l’occurrence il y avait deux motions de déposées, l’une du NFP et l’autre du RN, le gouvernement Barnier se croyait à l’abri d’une mauvaise surprise, dans l’idée que la gauche et l’extrême droite jamais n’uniraient leurs voix contre lui. Il s’est trompé. Le gouvernement qui le remplacera se trouvera pour l’essentiel dans la même situation. Il semble qu’il sera dirigé par François Bayrou, le leader du Modem, partisan depuis toujours de la proportionnelle aux élections législatives, principale revendication en termes institutionnels de l’extrême droite. Ceux qui dans le camp présidentiel ne voient de salut que dans sa nomination tiennent à souligner combien il est respecté par Marine Le Pen. Si Barnier a été renversé, c’est que contrairement aux calculs, l’extrême droite n’a pas répugné à joindre ses voix à celles de la gauche. Or, assurent certains, cela ne risque pas d’arriver avec Bayrou comme chef de gouvernement, parce que lui est bien vu par Marine Le Pen, elle-même sous le coup de poursuites judiciaires pour malversation de financements européens, susceptibles de conduire à son inéligibilité à la prochaine présidentielle. Or Bayrou a laissé entendre qu’il n’approuvait pas ces poursuites et que de toute façon l’absence de Le Pen à la présidentielle serait antidémocratique. A vrai dire, ce n’est pas ainsi qu’il s’est exprimé, mais le sens y est. On comprend dès lors qu’il soit le mieux placé pour être nommé comme le prochain Premier ministre. Sa nomination serait un gage donné à l’extrême droite, comme quoi les poursuites engagées contre Le Pen seraient suspendues, sinon totalement annulées, et que sa candidature à la présidentielle de 2027 ne poserait pas de problème.
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