Ténacité
C’est sans surprise que l’ex-Premier ministre français Michel Barnier garde un souvenir amer de son très court passage à Matignon. Lui qui fut le premier, depuis rapidement rejoint par François Bayrou, Chef du gouvernement à subir une censure parlementaire depuis soixante ans. Une expérience pour le moins déplaisante sur laquelle l’ex-Premier ministre tente de s’appuyer […]

C’est sans surprise que l’ex-Premier ministre français Michel Barnier garde un souvenir amer de son très court passage à Matignon. Lui qui fut le premier, depuis rapidement rejoint par François Bayrou, Chef du gouvernement à subir une censure parlementaire depuis soixante ans. Une expérience pour le moins déplaisante sur laquelle l’ex-Premier ministre tente de s’appuyer pour conseiller Sébastien Lecornu, placé à Matignon par Emmanuel Macron, le jour même de la remise de démission de François Bayrou en début de mois. Barnier, ancien ministre de Jacques Chirac est particulièrement acerbe vis-à-vis du Rassemblement National qu’il avait un temps cajolé pour éviter sa chute. Une stratégie qui avait fonctionné durant quelques mois avant de finir par échouer. L’homme de droite a ainsi invité cette semaine Sébastien Lecornu à «ne pas faire confiance» au parti de droite nationaliste et à chercher un «accord de non-censure» avec les socialistes. «J’ai des raisons de ne pas avoir confiance dans le Rassemblement National, dans ce qu’il peut promettre ou ne pas promettre», a affirmé l’ex-chef de la diplomatie française de Chirac, convaincu que le vote du RN «sera totalement opportuniste comme il l’a été lorsque je suis tombé». En décembre, avant d’être censuré sur le budget de la sécurité sociale, Michel Barnier avait cherché à faire des concessions au RN. L’ex-Premier ministre, qui attribue la censure de son gouvernement en décembre dernier à «la conjonction des extrêmes» entre le Rassemblement National et la gauche, a souhaité que son plus récent successeur ait «le courage, la ténacité et la capacité de discuter avec non seulement les forces politiques mais aussi avec les forces professionnelles et syndicales». Il a suggéré à celui qui était son ministre de la Défense d’établir une «feuille de route budgétaire équilibrée avec l’objectif de réduire le déficit (…), de faire des réformes parce que le pays en a besoin et d’obtenir la non-agression ou la non-censure notamment du PS». Un parti socialiste dont Michel Barnier affirme qu’il «prétend être un parti de gouvernement, mais il ne l’a pas été lorsqu’il m’a fait tomber», rappelant que cette formation politique avait annoncé qu’elle le censurerait pratiquement dès sa nomination il y a un an. L’ancien commissaire européen, qui se présente à une législative partielle à Paris à la fin du mois, l’opposant à une membre de son propre parti, Rachida Dati, a appelé le PS à être cette fois-ci «responsable (…) et à la hauteur des problèmes du pays». Toutefois, en visant ostensiblement le Rassemblement National, qu’il accuse d’être responsable de la déstabilisation actuelle du pays, il omet la responsabilité d’Emmanuel Macron lui-même, qui après avoir annoncé une dissolution du Parlement soudaine en juin 2024, a constamment refusé d’écouter et d’accepter le rejet dont il fait l’objet par les Français. Il a surtout refusé de nommer un Premier ministre hors de son camp politique, malgré son incapacité à regagner la majorité absolue lors des législatives partielles, cristallisant la colère de ses opposants à l’Assemblée Nationale, les poussant à censurer déjà deux de ses Chefs de gouvernement et menaçant déjà de faire de même avec Sébastien Lecornu dans les semaines qui viennent.