Affaire de la route du Cap Aokas: Quand un dossier technique se mêle à la mémoire et à l’émotion
Depuis la publication de notre article sur la fermeture et l’avenir de la route du Cap Aokas, les réactions pleuvent de toutes parts. Dans les cafés, sur les places, et surtout sur les réseaux sociaux, un débat intense s’est installé. Derrière les arguments techniques et administratifs se dessine une lutte plus profonde : celle de […]

Depuis la publication de notre article sur la fermeture et l’avenir de la route du Cap Aokas, les réactions pleuvent de toutes parts. Dans les cafés, sur les places, et surtout sur les réseaux sociaux, un débat intense s’est installé. Derrière les arguments techniques et administratifs se dessine une lutte plus profonde : celle de la préservation
d’un site à la fois touristique, stratégique et chargé d’histoire.
Par Hafit Zaouche
Mohand Cherif Mameri, élu à l’APW de Béjaia, a brisé le silence : «Par devoir de vérité, j’apporte mon soutien au maire d’Aokas, victime de mensonges et de manipulations. J’ai assisté à une réunion où il avait demandé au wali une dérogation pour louer cet espace. Cela n’a pas abouti, et pire encore, il est harcelé par des commissions d’enquête. La seule solution est de déclasser cette route pour que la commune puisse la gérer». Le sénateur Youcef Boukoucha, de son côté, se veut catégorique : «La vérité est claire comme de l’eau de roche. Ceux qui s’acharnent contre le maire cherchent à protéger un système et à détourner l’attention des véritables responsabilités».
Parmi les citoyens, les avis se mêlent, oscillant entre colère, inquiétude et espoir. Certains, comme Zahir, rappellent les rumeurs et malentendus qui ont terni le débat : «Tellement qu’il était impliqué dès le début, que certains ont cru qu’il était associé dans cet investissement !». D’autres, à l’image de Madjid, insistent sur la nécessité de transformer cette route relevant des biens de la DTP en chemin communal : «Ce serait la condition pour que la commune puisse l’exploiter légalement et éviter un retour à son état initial». Au-delà des considérations administratives, l’attachement au lieu dépasse la simple gestion d’infrastructure. Hachemi, sensible à la valeur patrimoniale du site, estime qu’un «cahier des charges rigoureux» est indispensable pour préserver ce joyau naturel de toute prédation, tout en permettant un développement touristique responsable.
Mais c’est Djamal qui, dans un commentaire poignant, a rappelé la profondeur historique et tragique de cet endroit. Le Cap Aokas n’est pas qu’un panorama méditerranéen ; c’est aussi un lieu de mémoire où, en 1945, des atrocités furent commises : «Les chouhada jetés à la mer, les anciens assassinés à coups de baïonnette… Ce sont des blessures qui ne cicatrisent pas. Cet espace doit être géré avec dignité par l’APC pour honorer nos martyrs et rendre justice à leurs familles». Son témoignage personnel résonne comme une plaie ouverte : Merabti Ali et Merabti Saïd, ses grands-pères, auraient été jetés à la mer depuis ce lieu même. «Honneur et gloire à nos martyrs. Eux ont accompli leur devoir ; ils sont au paradis».
L’affaire de la route du Cap Aokas, à première vue technique, s’est ainsi transformée en un miroir de l’âme locale : un combat pour la vérité, un enjeu de développement, mais aussi un devoir de mémoire. Entre mer et falaises, ce bout de route cristallise l’attachement viscéral d’une population à son territoire, et l’espoir qu’un jour, les décisions qui le concernent seront à la hauteur de son histoire.
H. Z.