Dérives de Boualem Sansal Les frontières du pays sont aussi celles de la liberté d’expression
Par Nadjib Stambouli C’est par fournées entières de réactions indignées et autres vociférations de vierge effarouchée, giclant évidemment de France et de quelques Algériens aux ordres, que l’arrestation récente de l’écrivain Boualem Sansal a été accueillie, plaçant sous embargo ses déclarations sur l’Algérie et son histoire, sous le sceau d’un flagrant révisionnisme. Tous ceux que […]
Par Nadjib Stambouli
C’est par fournées entières de réactions indignées et autres vociférations de vierge effarouchée, giclant évidemment de France et de quelques Algériens aux ordres, que l’arrestation récente de l’écrivain Boualem Sansal a été accueillie, plaçant sous embargo ses déclarations sur l’Algérie et son histoire, sous le sceau d’un flagrant révisionnisme. Tous ceux que nous avons sollicités pour un avis sur cette sortie où il déclarait que seuls les «petits trucs qui n’ont pas d’histoire» sont colonisés (entendre pas comme le Maroc, qui était sous protectorat, pays qu’il a élevé en «plus ancien du monde») ou encore quand il assénait qu’avant la colonisation, l’ouest algérien, Oran, Tlemcen, jusqu’à Mascara appartenait au Maroc, n’ont pas eu la réponse classique en ce genre de constat d’errements : quelle mouche l’a donc piqué ? Cette réaction qui l’aurait excusé par la circonstance atténuante du dérapage verbal qui peut arriver à n’importe quel intellectuel, ou se proclamant tel, a été écartée parce que l’intéressé, non seulement n’en est pas à son premier vomi de haine envers l’Algérie mais aussi, depuis son voyage en Israël, s’est fait connaître, plus zélé que les colons qui sévissent en Cisjordanie, en qualité de fervent défenseur du sionisme. De plus, une mouche ne peut l’avoir piqué parce que l’auteur de «2084 : la fin du monde», ne saurait être la victime idéale d’un égarement verbal, puisque, au moins pour avoir été dans une autre vie, algérienne celle-là, directeur central au ministère de l’Industrie, donc pur produit d’un système, soupe dans laquelle il ne cesse de cracher ces dernières années, il est censé peser et soupeser ce qu’il dit, et même ce qu’il ne dit pas. Il ne peut par conséquent lui être pardonné ce qui est pardonnable à d’autres, parce qu’il intervient en étant pleinement conscient de l’impact de la moindre de ses paroles, en termes de rentabilité politique, au profit, évidemment, de ses soutiens, pour ne pas dire ses souteneurs, le Maroc et Israël, puissances coloniales qui se trouvent être, comme par hasard, les pires ennemis de l’Algérie. Il n’est d’ailleurs que de citer, parmi tant d’autres, quelques noms qui ont dénoncé son arrestation (en Algérie, au nom de l’Etat algérien), Chalghoumi, Marine Le Pen, Marion Maréchal, Caroline Fourest, tous connus pour être des inconditionnels de tout ce qui est algérien, pour comprendre leur inquiétude qu’on les ait privés d’un des leurs et un de leurs agents, on ne voit pas d’autre terme, les plus dynamiques, au moins autant que leur nouvelle recrue, Kamel Daoud. Toutes ces gesticulations auraient eu droit à peine à un renvoi d’un revers de main méprisant, si elles n’intervenaient dans un conteste de menaces marocaines sous la protection sioniste. De là à inscrire ces «sorties» dans cette logique de menaces, autrement dit des paroles commanditées, il n’y a qu’un pas que la raison et la lucidité sont loin d’interdire.
A trop s’investir dans ses diatribes contre son pays d’origine, Sansal, qui s’était déjà illustré, toujours pour faire bonne figure devant ses maîtres du moment en faisant l’odieux amalgame entre FLN libérateur et nazis, en arrive à perdre de vue que l’Algérie pourrait ne pas être très regardante, voire fermer les yeux, sur les attaques qui la ciblent, sauf lorsqu’il s’agit de son Histoire et de ses frontières, qui sont aussi celles de la liberté d’expression, les deux n’étant pas éligibles à franchissement. Des questions demeurent en suspens : comment un tel (indéniable) talent peut-il vendre son âme au diable, tout en se réclamant de la lignée d’hommes de lettres au fronton desquels brillent les noms des Mammeri, Kateb Yacine, Al Khalifa et les martyrs Reda Houhou et Feraoun. Les voies de la reddition intellectuelle et de la soumission à l’appât du gain, tant matériel que politique, sont décidément impénétrables. Ceux qui s’y adonnent, grand bien leur fasse. Mais jamais au détriment de la souveraineté nationale.
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