Effondrement de l’Etat-Baath et fuite de Bachar Al-Assad : Où va la Syrie ?

Qu’adviendra-t-il de la Syrie au lendemain de la chute du président Bachar Al-Assad ? Cette question est cruciale non seulement pour l’avenir du pays, mais aussi pour celui de toute la région. L’avancée fulgurante des groupes armées de Hay’at Tahrir Echam (HTE), groupe islamiste issu de l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, et leur entrée dans la capitale […] The post Effondrement de l’Etat-Baath et fuite de Bachar Al-Assad : Où va la Syrie ? appeared first on Le Jeune Indépendant.

Déc 8, 2024 - 22:22
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Effondrement de l’Etat-Baath et fuite de Bachar Al-Assad : Où va la Syrie ?

Qu’adviendra-t-il de la Syrie au lendemain de la chute du président Bachar Al-Assad ? Cette question est cruciale non seulement pour l’avenir du pays, mais aussi pour celui de toute la région. L’avancée fulgurante des groupes armées de Hay’at Tahrir Echam (HTE), groupe islamiste issu de l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, et leur entrée dans la capitale Damas désertée par le Président et son entourage a surpris plus d’un.

Sinon, comment expliquer qu’en l’espace de dix jours, les rebelles islamistes de HTE aient pu prendre Alep, avant de s’emparer de Hama, Homs et enfin Damas sans que l’armée arabe syrienne n’oppose de résistance ? Quel a été le rôle de l’Iran et de la Russie, soutiens de l’ancien régime, et celui de la Turquie et du Qatar, « ennemis intimes » du président déchu ? Quid d’Israël dans cette équation ?

Dimanche 08 décembre, neuf personnes sont apparues à l’écran de la télévision publique syrienne. L’une d’elles a lu un communiqué imputé à la « cellule des opérations pour la libération de Damas », qui annonce « la libération de la ville de Damas, la chute du tyran (sic) Bachar Al-Assad, la libération de tous les prisonniers injustement [détenus] dans les prisons du régime ».

Cette annonce a coïncidé avec les scènes de liesses populaires dans les principales villes du pays à l’annonce du départ du désormais ex-Président syrien. Le sort de ce dernier est, jusqu’à l’écriture de ces lignes, incertain. Bachar Al-Assad aurait embarqué dans un avion militaire qui a disparu des radars 40 minutes après son décollage. Les seules informations concernant Al-Assad parviennent de l’étranger.

« Il a quitté le pays en donnant l’instruction de procéder au transfert du pouvoir de manière pacifique », a déclaré la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, alors que Moscou était le principal allié du régime. Bachar Al-Assad est « probablement hors de Syrie », a déclaré, pour sa part, le chef de la diplomatie turque, devant le Forum de Doha pour le dialogue politique international.

Sur le plan politique interne, le chef du HTE, Ahmed Al-Chara, alias Abou Mohamed Al-Joulani, est entré hier après-midi à Damas. Auparavant, il avait annoncé que le gouvernement actuel gérera les affaires courantes avant que le chef du gouvernement syrien Mohamed Gheza Jilali n’affirme qu’il remettra le pouvoir à un gouvernement démocratiquement élu.

L’effondrement de l’Etat-Baath symbolisé par la famille Al-Assad qui a gouverné le pays depuis 1971 fait néanmoins craindre le pire. La Syrie connaitra-t-elle le sort de la Libye, morcelée depuis la chute d’Al-Kadhafi en 2011 ? Ou celui de l’Afghanistan, où les chefs de guerres continuent à s’entre-tuer malgré une longue période de présence américaine (2001-2021) ? Ou tout simplement, la Syrie retombera-t-elle sous l’escarcelle des groupes terroristes comme durant la période de DAECH (2012-2017) ?

 

Place à la Realpolitik

Tout le monde craint justement le pire. D’où les appels au calme, à l’unité, à la raison et au respect du choix du peuple syrien. La Russie, qui a des intérêts stratégiques en Syrie (la base navale de Tartus et la base aérienne de Hmeimim) avance avec prudence. Moscou a déclaré « appeler toutes les parties concernées à renoncer au recours à la violence et à résoudre toutes les questions de gouvernance par des moyens politiques », ajoutant que la diplomatie russe était à cet égard « en contact avec tous les groupes de l’opposition syrienne ».

L’Iran, soutien indéfectible de Bachar Al-Assad, a dit souhaiter la poursuite de bonnes relations avec la Syrie, après l’entrée à Damas de la coalition rebelle qui revendique le pouvoir. « Les relations entre l’Iran et la Syrie ont une longue histoire et ont toujours été amicales », a souligné dans un communiqué le ministère des Affaires étrangères iranien, disant « s’attendre à la poursuite » de ce type de relations. Téhéran, au même titre que Bagdad, appelle au respect du choix des Syriens.

Le roi de Jordanie, Abdallah II, a fait savoir que son pays respectait « les choix » des Syriens, appelant le pays voisin à éviter de sombrer dans le « chaos », après la chute de Bachar Al-Assad. « La Jordanie se tient aux côtés de ses frères syriens et respecte leur volonté et leurs choix », a annoncé le cabinet royal dans un communiqué, soulignant « la nécessité de préserver la sécurité de la Syrie, de ses citoyens et des acquis de son peuple, et d’œuvrer avec diligence et rapidité pour imposer la stabilité et éviter tout conflit qui conduirait au chaos ».

 

Une question de gazoduc ?

 

De son côté, le ministère des Affaires étrangères du Qatar a averti que la Syrie ne devrait pas « sombrer dans le chaos » après la chute de Damas aux mains de rebelles islamistes et la fuite du président Bachar Al-Assad. Dans un communiqué, ce pays du Golfe a déclaré qu’il « suivait de près les développements en Syrie » et a souligné « la nécessité de préserver les institutions nationales et l’unité de l’Etat pour l’empêcher de sombrer dans le chaos ».

Samedi 7 décembre au soir, avant même l’annonce de la chute du régime Al-Assad, le président turc Recep Tayyip Erdogan a tenu à célébrer, avec une verve et un plaisir non dissimulé, l’« existence d’une nouvelle réalité politique et diplomatique en Syrie ». Il a conclu son discours en forme de satisfecit : « la Turquie est aujourd’hui du bon côté de l’histoire, comme elle l’était hier ».

Les réactions qatari et turque sont intéressantes parce qu’elles reflètent la position de deux sponsors directs de HTE, le premier en finances et le second en armements. Doha et Ankara se sont ainsi débarrassés d’un obstacle au fameux gazoduc Qatar-Turquie via l’Arabie Saoudite et la Jordanie et qui devait propulser l’émirat du Golfe en grand fournisseur de gaz à l’Europe aux dépends de la Russie. Bachar Al-Assad représentait dès 2009 le verrou principal qui a empêché la réalisation de ce projet.

Pékin « suit de près l’évolution de la situation en Syrie et espère que la Syrie retrouvera la stabilité dès que possible », a écrit dans un communiqué le ministère des affaires étrangères chinois, qui avait conseillé jeudi à ses ressortissants de quitter la Syrie « dès que possible ». 

L’émissaire des Nations Unies en Syrie, Geir Pedersen, a appelé hier à garder des « espoirs prudents » après la prise de contrôle de Damas par les rebelles islamistes du HTE, qu’il a qualifiée de « moment décisif » mettant fin à un demi-siècle de pouvoir du clan Al-Assad.

Geir Pedersen a estimé dans un communiqué que les presque quatorze années de guerre civile en Syrie ont été « un chapitre noir [qui] a laissé des cicatrices ». « Aujourd’hui, nous regardons vers l’avenir avec des espoirs prudents d’ouverture (…) de paix, de réconciliation, de dignité, et d’inclusion pour tous les Syriens ».

A Washington, le cabinet Biden a dit suivre avec préoccupation l’évolution de la situation en Syrie tout en avertissant contre la résurgence du groupe terroriste DAECH.  

 

La manœuvre israélienne

Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a estimé, quant à lui, que la chute du président syrien, Bachar Al-Assad, était « un jour historique » et la chute d’un « maillon central » de « l’axe du mal » dirigé par l’Iran. Netanyahu s’exprimait depuis le Golan syrien occupé et annexé illégalement par Israël.

Il a également affirmé avoir ordonné à l’armée israélienne de « prendre le contrôle » de la zone tampon du Golan ainsi que « de positions stratégiques adjacentes ». « Cette région a été sous le contrôle d’une zone tampon établie dans le cadre de l’accord de séparation des forces de 1974 pendant près de cinquante ans », a-t-il dit. Cet accord avec la Syrie « s’est effondré », a affirmé Benyamin Netanyahu, ajoutant qu’Israël « ne permettra à aucune force hostile de s’établir à sa frontière (sic) ».

A l’heure actuelle, la situation est toujours confuse en Syrie et les lendemains incertains. Le « Grand Jeu » qui se déroule au Levant ne fait que commencer. Les seules victimes, de toutes ces manœuvres stratégiques demeureront les peuples, et uniquement les peuples.

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