Exclusif – Alessandro Di Battista : «Les Palestiniens m’ont dit que l’adresse de l’honneur est en Algérie»
Alessandro Di Battista, un des dirigeants historiques du Mouvement des 5 étoiles, qui a triomphé en 2018 avec un époustouflant score de 33%, est un des personnages les plus populaires en Italie. Défenseur acharné de la cause palestinienne, il est la bête noire du narratif officiel. Sollicité pour une interview ... Lire la suite

Alessandro Di Battista, un des dirigeants historiques du Mouvement des 5 étoiles, qui a triomphé en 2018 avec un époustouflant score de 33%, est un des personnages les plus populaires en Italie. Défenseur acharné de la cause palestinienne, il est la bête noire du narratif officiel. Sollicité pour une interview exclusive à Algeriepatriotique, il a bien voulu répondre à nos questions.
Algeriepatriotique : Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions, malgré votre emploi du temps chargé…
Alessandro Di Battista : Tout d’abord, permettez de vous dire que quand j’ai su que vous étiez algérien, j’ai accepté sans hésitation l’idée de cette interview. Mes amis palestiniens m’ont toujours dit que l’adresse de l’honneur et la droiture dans le monde arabe se trouve à Alger. J’ai l’intention de me rendre dans votre pays, dont je respecte l’histoire et les exemples d’héroïsme et de soutien convaincu apporté aux causes justes.
Vous faisiez partie du directoire du Mouvement des 5 étoiles, qui a choisi le président Giuseppe Conte pour diriger le gouvernement en 2018. Il fut le premier à vouloir le partenariat stratégique avec l’Algérie…
Nous avons toujours considéré l’intégration méditerranéenne comme une nécessité pour nos économies respectives et un élément hautement stratégique pour l’Italie et son rôle dans la région. L’Algérie est un grand pays, aux potentialités énormes, et nous voulions renforcer l’axe Rome-Alger, c’est d’ailleurs ce genre d’idées qui a inspiré le Plan Mattei. Nos deux pays ont des atouts à faire valoir sur plusieurs plans et à maints niveaux, et nous sommes convaincus que cette approche portera ses fruits.
Depuis trois ans, vous apparaissez à l’écran pour contrer le narratif occidental en Ukraine et surtout en Palestine…
Comme vous le savez, depuis quelques années j’ai pris du recul sur l’activité politique. Par contre, avec d’autres, certes peu nombreux, nous nous opposons au narratif des grands médias sur nombre de sujets. Un rouleau compresseur qui peine d’ailleurs à convaincre les opinions publiques qui se ressourcent auprès des réseaux sociaux et de la presse alternative. Sur l’Ukraine et surtout sur la Palestine, il y a un effort de désinformation qui ne prend pas. La conscience des citoyens s’est aiguisée, et l’information alternative y contribue depuis quelques années. J’agis dans ce sens, fort du soutien que m’expriment des milliers de mes compatriotes et j’entends continuer à réinformer les Italiens.
Les manifestations de soutien à Gaza recueillent de plus en plus de succès…
Un million de manifestants le 22 septembre et deux millions hier, dans les grandes villes italiennes. C’est une excellente chose. Les jeunes et les moins jeunes en Italie réclament la reconnaissance de l’Etat de Palestine et la fin du génocide en cours. Cet élan spontané, que nul ne peut encadrer, est le cri d’une génération qui regarde à la télé un massacre en direct et qui s’insurge contre l’indifférence ambiante, voire la complicité active des certains pays. Je crois que ces manifestations se poursuivront jusqu’à ce que les Palestiniens puissent recevoir librement l’aide internationale et reconstruire leur pays.
Pour quelles raisons le gouvernement italien s’oppose-t-il à la reconnaissance de la Palestine et à l’application des sanctions contre Israël ?
Je vais essayer de vous expliquer : ce n’est pas une question de gouvernements de gauche ou de droite. Moi-même j’ai découvert la cause palestinienne par mon père, qui était un militant de droite et qui, tout petit, m’a instruit sur l’injustice historique faite au peuple palestinien. En Europe, et donc en Italie, depuis la chute du mur de Berlin, la mainmise américaine s’est accrue et, sauf de rares exceptions, les gouvernements sont astreints à suivre l’allié américain sur ce sujet et sur d’autres. On l’a vu en 1997 en Yougoslavie, en 2003 en Irak et en 2011 en Libye. Quant à Giorgia Meloni, qui sait que 90% des Italiens soutiennent Gaza, elle craint de subir les foudres de Donald Trump et temporise, en espérant qu’un dénouement vienne la tirer de l’embarras actuel. Enfin, pour ce qui est des sanctions, elles ne sont pas appliquées, tout simplement parce que, contrairement à la Russie, elles auraient un effet dévastateur sur l’économie israélienne.
Quel est votre avis sur la polémique autour de la qualification du génocide en cours à Gaza ?
Ce débat indigne est une insulte faite aux victimes civiles palestiniennes. D’aucuns veulent monopoliser l’utilisation du mot «génocide» et la réaction des jeunes les irrite. Ce qu’il se passe en Palestine, retransmis de surcroît en mondovision, est le génocide le plus sanglant depuis des décennies, et il se déroule sous nos yeux, au vu et au su du monde entier. Le nier est la pire forme de négationnisme qui soit.
Un mot de la fin ?
Roberto Casaleggio, le fondateur du Mouvement des 5 étoiles, qui nous a, hélas, quittés, et qui était une sorte de père pour moi, me disait : «On ne peut écraser un peuple qui a décidé de ne pas céder !» Vous, les Algériens, vous en savez quelque chose. Je continuerai donc à me battre avec mes frères palestiniens jusqu’au recouvrement de tous leurs droits. Mon rêve, à cet effet, est de recevoir le passeport palestinien à Jérusalem, des mains d’un gouvernement palestinien indépendant.
Propos recueillis à Rome par Mourad Rouighi