Fares Belkhir (Ex-coach ES Sétif) : « Le football algérien a un potentiel énorme, mais il doit mieux structurer la formation »
Bardé de diplômes et riche d’une expérience internationale, Fares Belkhir, 49 ans, fait son grand retour au bercail. Fils Toufik Belkhir, ancien joueur de l’ESS avec laquelle il a décroché le titre de champion en 1967 puis réalisé un doublé historique l’année suivante, Fares marche dans les pas de son père avec la même passion […] The post Fares Belkhir (Ex-coach ES Sétif) : « Le football algérien a un potentiel énorme, mais il doit mieux structurer la formation » first appeared on L'Est Républicain.

Bardé de diplômes et riche d’une expérience internationale, Fares Belkhir, 49 ans, fait son grand retour au bercail. Fils Toufik Belkhir, ancien joueur de l’ESS avec laquelle il a décroché le titre de champion en 1967 puis réalisé un doublé historique l’année suivante, Fares marche dans les pas de son père avec la même passion pour le ballon rond. Doté d’une double casquette – préparateur physique et entraîneur diplômé de l’école française (licences UEFA B et A, ainsi qu’un Master II obtenu à l’Université Jules Verne de Picardie) – il évoque dans cet entretien son parcours en France, en Arabie Saoudite, au Soudan, au Burkina Faso et à l’ES Setif. Entre récits d’expériences, réflexions sur le football moderne et ambitions pour l’Algérie, Fares Belkhir livre sa vision et ses projets pour contribuer au développement du sport roi dans son pays natal.
Pouvez-vous nous dire où vous en êtes aujourd’hui et quels sont vos projets professionnels ?
Je suis rentré de France depuis plus de six mois maintenant, avec ma famille, pour m’installer définitivement en Algérie. Mon objectif est de voir s’il existe des projets sérieux, que ce soit au niveau des clubs ou de la fédération, afin de contribuer au développement du football algérien, et particulièrement sétifien. Mais je précise : je ne veux m’engager que dans un véritable projet à long terme, avec une vision claire. J’espère ne pas regretter ce choix, car il s’agit avant tout d’un retour aux sources.
Comment décririez-vous votre expérience à l’Entente de Sétif ? Quels moments vous ont le plus marqué ?
Mon passage à l’ESS a été inoubliable, surtout lors des deux premières années. Ce fut une période pleine de succès et de consécrations. Avec du travail, une planification rigoureuse, une méthodologie claire, mais aussi beaucoup d’humilité, nous avons hissé le club au sommet, jusqu’à le rendre mondialiste. Les moments les plus forts restent la Ligue des champions d’Afrique de 2014, la Supercoupe, le championnat national, la Supercoupe africaine, et surtout la participation à la Coupe du monde des clubs au Maroc. Nous avons certes raté de peu la Coupe d’Algérie, mais globalement, ce fut une année exceptionnelle, qui a rendu heureux les supporters de l’Entente et fier tout le peuple Algérien.
Vous avez également travaillé à l’étranger, notamment en Afrique. Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté sur le plan professionnel et humain ?
J’ai beaucoup appris à l’étranger. J’ai travaillé en Arabie Saoudite dans deux clubs de première division, Al-Wehda et Al-Qadisiya, comme entraîneur adjoint. C’était une belle expérience dans un pays en plein essor footballistique, dont on voit aujourd’hui les résultats. Ensuite, j’ai franchi une étape importante en intégrant les sélections nationales. Au Soudan, où j’ai passé un an et demi, nous avons réussi à qualifier l’équipe pour la CAN après 18 ans d’absence et à participer à la Coupe arabe au Qatar. Puis, au Burkina Faso, j’ai vécu deux années riches, avec une autre participation à la CAN et des éliminatoires de Coupe du monde (notamment face à l’Algérie). Ce sont des émotions intenses, difficiles à décrire. Ces expériences m’ont beaucoup apporté : la capacité d’adaptation, la recherche permanente de l’innovation en matière d’entraînement et de performance, ainsi que la découverte de cultures africaines d’une richesse humaine exceptionnelle.
Vous avez côtoyé de nombreux entraîneurs de renom et tiré profit de ces contacts, n’est-ce pas ?
Effectivement. J’ai eu la chance de travailler avec plusieurs techniciens de grande expérience, chacun avec sa méthode et sa philosophie propres : Hubert Velud, Bernard Casoni, ou encore Hamed Al-Dossari en Arabie saoudite. Tous abordent le football différemment, mais l’essentiel reste de comprendre ce qu’ils veulent, leur vision du jeu et la manière dont ils souhaitent que l’équipe évolue. De mon côté, je m’efforce toujours de proposer une méthodologie d’entraînement adaptée à leurs attentes — une méthodologie que je qualifierais d’« adaptative ». J’ai énormément appris à leurs côtés, non seulement sur le plan footballistique mais aussi en matière de management et de gestion de groupe. J’ai également eu l’occasion de collaborer avec des entraîneurs Algériens, comme Kheireddine Madoui et Nabil Neghiz. Avec Madoui, le lien était particulier puisque nous avons grandi ensemble et même joué ensemble, ce qui a naturellement facilité notre collaboration et créé une véritable complicité. Quant à Nabil Neghiz, qui est académique comme moi, j’ai particulièrement apprécié son approche tactique et son attachement au système en 4-4-2. Sa méthodologie d’entraînement est cohérente et rigoureuse : elle suit une progression logique, de l’échauffement au travail technique, en passant par les exercices tactiques intégrés au jeu. Chaque expérience a été unique, différente, mais toujours enrichissante, tant sur le plan purement footballistique que sur le plan humain.
Quelles différences majeures avez-vous observées entre le football algérien et les championnats africains ou internationaux ?
Honnêtement, le football africain a beaucoup progressé, notamment grâce à l’ouverture d’académies et aux partenariats avec de grands clubs européens. L’Algérie accuse du retard dans ce domaine, à l’exception notable du Paradou. Dans plusieurs pays africains, il existe une vraie politique technique nationale impulsée par les DTN, et les clubs s’y conforment dans l’intérêt collectif. Chez nous, malgré nos talents et nos compétences, nous peinons à coordonner nos ressources pour servir le football local et national. Il manque des infrastructures, des centres de formation pour les jeunes et surtout une vraie politique de formation des formateurs.
En tant qu’entraîneur, quels ont été vos plus grands défis et comment les avez-vous relevés ?
La vie est un combat permanent. Parmi mes plus grands défis, je citerais ma première expérience d’entraîneur à Noisy-le-Sec, aux côtés des frères Sandjak, dont j’ai énormément appris. J’ai également connu une belle réussite avec les moins de 19 ans, en accédant au plus haut niveau en France (les Nationaux U19). Cela m’a permis de côtoyer les meilleurs centres de formation (LOSC, PSG, Le Havre, Nantes) et d’affronter des futurs champions du monde comme Pavard, Coman, Rabiot ou Aréola. Un autre défi a été d’imposer ma méthodologie d’entraînement partout où je suis passé, que ce soit à Sétif, au Mouloudia d’Alger, en Afrique ou en Arabie Saoudite. Ce n’est jamais facile, mais les résultats obtenus à court terme ont toujours validé mon approche.
Quel est votre regard sur le football algérien aujourd’hui, notamment en matière de formation des jeunes talents ?
L’Algérie est un pays jeune, qui respire le football. Les talents existent en abondance, la matière première est là. Mais pour progresser, il faut structurer davantage la formation. Il est nécessaire de mettre en place de véritables centres de formation, de doter les clubs de structures solides et de créer des pôles espoirs dans chaque région afin de détecter les meilleurs talents aux quatre coins du pays. L’ouverture sur le monde est également essentielle : nouer des conventions avec de grands clubs et fédérations européens, en particulier dans des pays références comme l’Espagne, le Portugal ou l’Allemagne. Enfin, il faut investir dans la formation des formateurs. Les résultats ne viendront pas immédiatement : ce sont des cycles longs, parfois olympiques. La patience est indispensable.
Vous avez aussi travaillé en France et obtenu plusieurs diplômes liés au football. Que vous ont apporté ces formations ?
Je suis issu d’une famille de football. Dès mon plus jeune âge, je savais que je voulais faire ce métier. Après mes études en Algérie, je suis parti en France pour me perfectionner. C’est là que j’ai eu la chance de côtoyer certains des meilleurs formateurs en France, mais aussi en Italie, en Allemagne et en Belgique. Leur vision, leur méthodologie, leur philosophie du football et leur manière de gérer les aspects humains m’ont énormément inspiré. Cela m’a permis de forger ma propre philosophie, une méthode de travail à la fois rigoureuse, adaptative et modulable. Dans ce métier, la recherche ne s’arrête jamais. Il faut rester à jour, se former en permanence et se remettre en question. C’est une exigence, mais aussi une passion.
Kamel Beniaiche
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