France – Algérie : vers une « guerre des visas » ?

Même en étant la plus desservie au départ de l’Algérie, la France est loin d’être la destination de voyage où les voyageurs algériens se sentent les bienvenus, notamment depuis la nouvelle crise diplomatique qui persiste entre Alger et Paris.

Le média français La Croix, dans un article publié lundi 3 février 2025, parle d’une « guerre des visas » entre la France et l’Algérie et de son lot de victimes parmi les voyageurs algériens, mais aussi français.

Refus de visa aux Français dans les consulats algériens en France

Du côté français, malgré l’intervention d’Abdelouahab Yagoubi, député des Algériens de l’étranger, qui a contacté le consulat d’Algérie à Besançon, le visa n’a pas été accordé à l’association française Amis de la nature, dont les membres désiraient se rendre dans le sud algérien.

Malgré les efforts du député, le voyage n’a pas eu lieu, dévoile le journal français qui évoque « une ère de soupçon ». Le parlementaire indique quant à lui que « ça fait mal au cœur, car c’est absurde de frustrer ainsi des bénévoles ».

Cité par La Croix, Yagoubi estime que depuis le mois de juillet dernier, « il y a beaucoup de suspicions et de préjugés qui se répandent », assurant que la détérioration des relations entre l’Algérie la France et les « déclarations jusqu’au-boutistes » des deux côtés auront des conséquences sur les populations et les associations des deux pays.

Farida Souiah, docteure en science politique et professeure à l’École supérieure de commerce et de gestion EM Lyon, souligne quant à elle que les refus de visa du côté algérien sont « plus insidieux », laissant le candidat se rétracter de lui-même.

« En ce qui concerne les consulats algériens en France, c’est plus insidieux, reconnaît Farida Souiah, souvent, il n’y a pas de refus, mais l’examen n’arrive jamais, et les gens finissent par reprendre leur passeport et donc par retirer leur candidature », a-t-elle expliqué.

Algérie : des files interminables de demandeurs de visas vers la France

Mais c’est du côté algérien que l’on compte le plus de victimes, car si l’Algérie accueille 32.000 ressortissants français, la France quant à elle abritait 823.000 immigrés nés en Algérie en 2023, indiquent les chiffres de l’INSEE.

Il suffit d’ailleurs de jeter un œil sur les files interminables devant les centres VFS Global et TLSContact en Algérie pour mesurer l’impact d’une réduction du nombre des visas français aux Algériens.

La plupart des demandeurs ont dû attendre plusieurs semaines avant de décrocher un rendez-vous pour le dépôt de leur dossier de demande de visa. Plusieurs candidats dénoncent déjà des retards et évoquent des « blocages ».

Parmi les victimes algériennes de cette guerre des visas, il y a les touristes, ceux qui voyagent pour des raisons familiales, mais aussi les étudiants et les chercheurs.

Les étudiants algériens seraient les premières victimes d’une guerre des visas entre l’Algérie et la France

C’est le cas pour cette universitaire algérienne dont la demande de visa a été refusée pour « risque migratoire » alors qu’elle a déjà fait plusieurs allers-retours entre l’Algérie et la France, relate Farida Souiah.

Farid, un chercheur algérien, dénonce le fait que « tous les voyages et visites (vers la France) prévues de longue date ont été soit gelés soit annulés (par l’Algérie) ».

Serge Slama, professeur de droit à l’université Grenoble-Alpes, indique que « les étudiants servent souvent de variable d’ajustement », car « c’est plus facile que de réduire dans les autres demandes, notamment celles faites pour des motifs familiaux ».

En effet, chaque année, environ 30.000 étudiants algériens suivent des formations en France. Un chiffre qui risque toutefois de baisser, ce qui est loin d’arranger les étudiants algériens ni les universités françaises. « La France n’a pas vraiment intérêt à ce que les élites algériennes aillent se former ailleurs », estime Serge Slama.

Même les malades font les frais de l’escalade diplomatique entre les deux pays, vu que l’Algérie a décidé de ne plus transférer des malades vers la France après que des responsables politiques français aient évoqué la dette algérienne envers des établissements hospitaliers français.

Vers une nouvelle réduction des quotas de visas pour les Algériens ?

En 2024, la France a délivré 250.095 visas Schengen aux Algériens, en hausse de 19,3 % par rapport à 2023. Pour le moment, ni l’Algérie ni la France n’ont annoncé de mesures de réduction de visa. Pour rappel, la France a décidé en 2020 de réduire le quota de visas accordés aux Algériens de 50 % avant de revenir sur sa décision.

Rappelons aussi que l’ambassadeur de l’Algérie en France a été rappelé en juillet dernier, en raison du soutien affiché par la France au Maroc dans la question du Sahara occidental.

Pour ce qui est de l’ambassadeur de France en Algérie, il a été convoqué fin janvier dernier par le secrétaire d’État chargé de la communauté nationale à l’étranger, Sofiane Chaib, en raison de « traitements dégradants » auxquels ont été soumis des voyageurs algériens à leur arrivée dans des aéroports français.

Un climat qui reste donc très tendu entre Alger et Paris, ce qui fait qu’une décision d’une réduction des quotas de visas d’un côté ou de l’autre ne va étonner personne.

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