Israël et Qatar : deux nains ennemis sur les épaules du même géant américain

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Sep 13, 2025 - 09:12
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Israël et Qatar : deux nains ennemis sur les épaules du même géant américain

Par A. Boumezrag – Entre bombardements à Gaza et frappes à Doha, les tensions entre Israël et le Qatar révèlent les limites d’un système d’alliances construit autour de Washington. Deux petits Etats aux ambitions démesurées se disputent la vue depuis les épaules du colosse américain. Mais combien de temps le géant pourra-t-il continuer à les porter sans vaciller ?

Il est des images qui valent plus qu’un long discours. Celle de deux minuscules silhouettes juchées sur les épaules d’un colosse, l’une en uniforme kaki bardé de technologie, l’autre enveloppée de soie et parfumée au gaz naturel, se disputant la meilleure vue, résume à merveille la scène moyen-orientale de ces dernières semaines. Derrière l’illustration humoristique se cache un rapport de forces bien réel : Israël et le Qatar, chacun à sa façon, profitent de la puissance des Etats-Unis pour mener des politiques qui dépassent largement leur poids réel, au risque de transformer leur perchoir en ring.

Territoire réduit, population limitée, mais puissance militaire et technologique sans égale dans la région. Depuis des décennies, l’alliance avec Washington sert à Israël de bouclier diplomatique et d’accélérateur d’innovation militaire. Résultat : une liberté d’action extraterritoriale qui s’étend désormais au-delà de Gaza. La frappe contre des responsables du Hamas sur le sol qatari illustre cette audace. Un message envoyé : un test implicite des limites de la protection américaine. Tant que le colosse garde son calme, le petit «guerrier» avance ses pions.

Le Qatar, à l’inverse, n’a ni armée massive ni technologie militaire de pointe. Sa force, c’est son gaz, son carnet de chèques et son rôle de médiateur hyperactif. Hébergeant des dirigeants du Hamas et d’autres mouvements, offrant à l’armée américaine sa plus grande base régionale (Al-Udeid), il s’est imposé comme le «passeur» obligé entre islamistes et Occident. Sa diplomatie surdimensionnée tient sur une idée simple : tant que Washington a besoin de moi, je suis protégé. Mais lorsque les missiles israéliens touchent Doha, c’est cette croyance même qui vacille. Le charmeur découvre que, sur l’épaule du géant, il n’est pas seul.

Troisième personnage de ce numéro de cirque : le géant américain. Il est à la fois tremplin, parapluie et caisse de résonance. Sans lui, Israël n’aurait pas ce statut de puissance régionale quasi intouchable ; sans lui, le Qatar ne serait pas le médiateur choyé. Mais à force de cabrioles et de coups de coude sur ses épaules, le colosse commence à tanguer. Pour Washington, la situation est un test : comment arbitrer un conflit entre deux alliés stratégiques aux intérêts divergents, sans perdre l’un ni froisser l’autre ? La question est d’autant plus brûlante que l’Amérique regarde aussi vers l’Asie et n’a plus la même patience pour les crises du Moyen-Orient.

Dans l’ombre, d’autres acteurs guettent le faux pas. L’Iran applaudit à chaque fissure entre les protégés de Washington. L’Arabie Saoudite espère redevenir l’interlocuteur pivot des Etats-Unis dans le Golfe. La Turquie rêve de récupérer le rôle d’équilibriste islamo-médiateur que Doha lui a volé. Le cirque n’est donc pas qu’un duo sur scène : c’est tout un ensemble de trapézistes, de clowns et de dresseurs qui attendent qu’un des deux nains tombe pour prendre sa place. Dans ce contexte, chaque frappe, chaque déclaration, chaque médiation dépasse le simple échange bilatéral.

Les enjeux sont dévoilés. Premier enjeu : la crédibilité américaine. Quand un protégé frappe un autre protégé sur le territoire d’un allié, c’est l’autorité du colosse qui s’effrite. A Washington, cela nourrit le débat entre ceux qui prônent un engagement ferme et ceux qui veulent réduire la voilure au Moyen-Orient. Deuxième enjeu : la sécurité du Golfe. Si Doha n’est plus perçu comme un sanctuaire, c’est tout l’édifice de bases et de médiations patiemment construit depuis vingt ans qui vacille. Troisième enjeu : le rôle de médiateur. Un Qatar affaibli, c’est un canal en moins entre Washington et ses adversaires – Hamas, Iran ou autres. L’Amérique se retrouverait privée d’un atout discret mais précieux

Dans ce jeu d’équilibristes, trois scénarios se dessinent. Dans le premier, le géant recadre ses deux passagers. Washington impose des lignes rouges, rappelle à Israël les limites de l’extraterritorialité, rassure Doha sur sa protection et le numéro continue, plus prudent mais toujours spectaculaire. Dans le deuxième, l’un des nains tombe. Doha retire certaines facilités, Israël se retrouve isolé sur l’épaule gauche et Washington doit reconstruire son dispositif régional en catastrophe. Les opportunistes investissent la brèche. Dans le troisième, le géant détourne son attention. Occupé par l’Asie ou par ses propres échéances électorales, il laisse le cirque sans directeur. Les acrobates se disputent la piste, transformant le chapiteau moyen-oriental en champ de bataille diplomatique où chacun teste ses numéros. C’est le scénario du vide stratégique, où d’autres puissances s’installent durablement.

Reste une morale simple, mais cruelle : à force de jouer aux équilibristes et de se donner des coups de coude sur le dos du même colosse, Israël et Qatar risquent de transformer leur perchoir en ring. Or, sur cette piste, le géant américain n’est pas éternellement patient. Il peut hausser les épaules, secouer ses passagers et laisser d’autres puissances s’emparer du spectacle.

Dans ce cirque géopolitique, Israël et Qatar croient tenir la vedette ; ils ne sont pourtant que des acrobates. Le seul vrai numéro décisif sera celui du géant américain : continuera-t-il à les porter ou finira-t-il par les laisser retomber sur la piste et donner la scène à de nouveaux acrobates ?

A. B.

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