On a vendu la lampe

Par A. Boumezrag – Dans les palais feutrés du monde arabe, on attend toujours un Aladin. On attend le miracle. On attend que quelque chose ou quelqu’un vienne réveiller ce grand corps endormi. L’article On a vendu la lampe est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Mai 18, 2025 - 08:20
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On a vendu la lampe

Par A. Boumezrag – Dans les palais feutrés du monde arabe, on attend toujours un Aladin. Quelqu’un qui surgirait du peuple, ou mieux encore : du passé. Un Nasser 2.0, un Saladin réincarné, un Boumediene boosté à la géopolitique du gaz. On attend le miracle. On attend que quelque chose ou quelqu’un vienne réveiller ce grand corps endormi qu’est la «nation arabe». On frotte la mémoire, on récite les communiqués, on fait semblant d’y croire.

Mais on oublie un détail : la lampe a été vendue. Par morceaux. Par tranches. Au plus offrant. A Washington, à Paris, à Tel-Aviv, à Pékin, parfois même à l’ennui.

On a vendu la lampe. Le pétrole contre la paix, puis la paix contre les armes, puis les armes contre les peuples. Les rêves d’unité contre des sommets d’apparat. La souveraineté contre des bases militaires et des accords de libre-service. La voix collective contre des deals bilatéraux, parfois honteux, souvent silencieux. La Palestine contre des tweets de solidarité. Le panarabisme contre le panmarketing.

Aladin ne viendra pas. Pas parce qu’il est mort. Mais parce qu’il ne reconnaît plus les lieux.

Le Sommet arabe se tient à Bagdad, comme un énième acte d’une pièce déjà jouée mille fois. Le décor change, les acteurs vieillissent, le texte reste le même. On parlera de solidarité, d’unité, de coordination. On signera des communiqués qu’aucun peuple ne lit et qu’aucun dirigeant ne respecte. On prendra des photos. On organisera un dîner.

Mais rien ne sortira de cette lampe diplomatique vidée de son huile. Parce qu’il ne reste ni flamme, ni vœu. Seulement la poussière d’un passé glorieux recyclée en éléments de langage.

Comme l’Algérie, présente par son ministre des Affaires étrangères juste pour ne pas laisser la chaise vide. Par lassitude ? Par choix stratégique ? Par rejet d’un théâtre devenu indigeste ? Son silence dérange. Peut-être parce qu’il dit plus que mille discours. Refuser de s’asseoir à une table de jeu truquée, est-ce une faiblesse ? Ou le dernier acte de lucidité ?

Le monde arabe ne manque pas de terres, ni de peuples, ni de ressources. Il lui manque un projet. Une direction. Une vision qui ne soit pas dictée de l’extérieur ou soumise aux querelles intestines. On parle d’avenir en regardant le rétroviseur. On rêve d’unité sans jamais lever les barrières. On exige le respect sans jamais se respecter entre soi.

Le Sommet de Bagdad aurait pu être un tournant. Il n’est qu’un virage de plus en rond-point. On y parle de futur avec les mots d’un passé usé, on y évoque l’unité entre deux désaccords silencieux, et on y brandit la souveraineté comme un talisman que plus personne ne prend au sérieux.

Le monde arabe continue d’attendre un miracle tout en piétinant les conditions de sa possibilité. Aladin ne viendra pas, non parce qu’il n’existe pas, mais parce que dans cette histoire, ce ne sont pas les lampes qui manquent, c’est le courage de les allumer.

Il ne reste plus qu’un théâtre d’ombres, des discours creux, des alliances fragiles, des promesses en papier mâché. Un monde fatigué qui s’accroche à des chimères, ignorant que le vrai changement passe par le regard lucide et la volonté collective.

Quand on vend la lampe, il ne faut pas s’étonner que le génie ne réponde plus aux appels. Et surtout, qu’on se retrouve à parler à des ombres dans une salle vide.

A. B.

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