Pour une Cour pénale africaine indépendante : une nécessité face à la partialité de la CPI

Une contribution de Saïd Trabelsi – Depuis la création de la Cour pénale internationale (CPI) en 2002, la justice internationale... L’article Pour une Cour pénale africaine indépendante : une nécessité face à la partialité de la CPI est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Août 1, 2025 - 11:58
 0
Pour une Cour pénale africaine indépendante : une nécessité face à la partialité de la CPI

Une contribution de Saïd Trabelsi – Depuis la création de la Cour pénale internationale (CPI) en 2002, la justice internationale était censée avoir marqué une étape majeure dans la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves. Cependant, la CPI fait face à de nombreuses critiques, notamment de la part de plusieurs pays africains qui y voient un instrument partial, largement dominé par les puissances occidentales. Ce sentiment de méfiance devra conduire l’Union africaine (UA) à réfléchir à la mise en place d’une Cour pénale africaine autonome, capable de juger les crimes internationaux sur le continent avec équité et indépendance.

La CPI : un tribunal partial dominé par l’Occident

La CPI a été créée dans le but de poursuivre les auteurs de crimes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes d’agression lorsque les juridictions nationales sont incapables ou refusent de le faire. Pourtant, dès ses débuts, la Cour a fait preuve de partialité. En effet, la majorité des procédures engagées concernent des dirigeants ou acteurs africains, alors que d’autres régions du monde, également concernées par des conflits graves (Moyen-Orient, Asie, Amérique latine), semblent largement épargnées.

Cette focalisation africaine renforce le sentiment d’injustice. Des figures comme Omar El-Bachir (Soudan), Laurent Gbagbo (Côte d’Ivoire), Joseph Kony (Ouganda) ou encore Uhuru Kenyatta (Kenya) ont été poursuivies, tandis que les pays occidentaux, leurs alliés ou leurs agents présumés ont rarement été inquiétés. Cette asymétrie confirme le fait que la CPI est un instrument géopolitique au service des intérêts occidentaux.

Par ailleurs, la composition même de la CPI, son financement, ainsi que la majorité des juges et procureurs issus de pays occidentaux, renforcent la conviction d’une domination extérieure. Les interventions politiques des puissances occidentales, coupables d’utiliser la CPI comme un levier de pression diplomatique, participent à la dégradation de la crédibilité de la Cour auprès des Etats africains.

Les conséquences pour l’Afrique

Cette perception de partialité a eu plusieurs conséquences négatives pour l’Afrique et la justice internationale. D’abord, elle alimente la méfiance des Etats africains envers la justice internationale, ce qui complique la coopération indispensable pour l’efficacité des procédures pénales internationales. Plusieurs pays africains ont retiré leur adhésion au Statut de Rome (qui a créé la CPI), ou menacé de le faire, remettant en cause la légitimité même du tribunal.

Ensuite, cette situation contribue à une forme d’impunité de fait. Certains dirigeants ou acteurs africains engagés dans des conflits violents et des violations massives des droits humains peuvent se sentir protégés ou instrumentalisés, alors que d’autres sont jugés à des fins souvent plus politiques que strictement judiciaires.

Enfin, ce climat fragilise la construction d’une justice africaine crédible et souveraine, une justice qui devrait être capable de s’appuyer sur les valeurs et les réalités du continent.

La nécessité d’une Cour pénale africaine indépendante

Face à ces enjeux, la mise en place d’une Cour pénale africaine indépendante apparaît comme une urgence politique et juridique. Une telle institution offrirait plusieurs avantages décisifs.

1. La souveraineté judiciaire du continent

La Cour pénale africaine permettrait à l’Afrique de prendre en main la justice pénale internationale concernant son territoire. Elle incarnerait la souveraineté du continent dans un domaine essentiel, celui de la lutte contre l’impunité. Ce tribunal africain serait conçu et géré par des Africains, dans le respect des cultures juridiques locales, des particularités politiques et sociales.

2. Une justice plus légitime aux yeux des populations africaines

L’un des défis majeurs de la justice internationale est la légitimité perçue par les populations concernées. Une Cour africaine, née des institutions du continent et comprenant mieux les dynamiques internes, devrait susciter un plus fort soutien populaire. Elle ne serait pas vue comme une entité extérieure imposée par des puissances étrangères.

3. Une justice mieux adaptée aux réalités africaines

La complexité des conflits africains, avec des racines historiques, ethniques, économiques et sociales particulières, nécessite une approche juridique nuancée. La Cour africaine pourrait intégrer ces dimensions dans ses procédures et ses jugements, contribuant ainsi à une justice plus complète et juste.

4. Une garantie contre la politisation et l’ingérence occidentale

L’autonomie de la Cour pénale africaine limiterait les risques de manipulation politique par des acteurs extérieurs. En prenant ses décisions sur la base des faits et du droit, sans pression externe, cette Cour renforcerait la crédibilité de la justice pénale internationale sur le continent.

Défis et perspectives pour la création d’une Cour pénale africaine

La création d’une Cour pénale africaine indépendante ne va pas sans défis. Sur le plan institutionnel, il faudra assurer une harmonisation des droits pénaux nationaux africains, garantir la formation et l’indépendance des juges, ainsi qu’un financement durable. Il sera également nécessaire de définir clairement la relation entre cette Cour africaine et la CPI, notamment pour éviter les conflits de compétence.

L’Union africaine a adopté en 2014 le protocole relatif à la Cour africaine de justice et des droits de l’Homme, qui pourrait constituer la base juridique pour l’instauration d’une Cour pénale africaine. Par ailleurs, plusieurs experts, ONG et responsables politiques africains militent activement pour ce projet, conscient de son importance stratégique.

Conclusion

L’Union africaine se trouve à un carrefour décisif en matière de justice internationale. La dépendance à la Cour pénale internationale, instrument occidental partial, ne répond plus aux exigences de souveraineté, de justice et de légitimité du continent africain. La création d’une Cour pénale africaine indépendante, affranchie de l’influence occidentale, constitue une étape indispensable pour restaurer la confiance dans la justice internationale et affirmer la capacité de l’Afrique à résoudre ses propres conflits dans le respect du droit et des droits humains.

Au-delà d’un simple enjeu juridique, cette Cour africaine serait un symbole fort d’émancipation politique, un vecteur de paix et de stabilité sur le continent. Pour que la justice soit vraiment universelle, elle doit être également plurielle et respectueuse des particularismes régionaux. L’Union africaine a donc aujourd’hui l’opportunité historique de réinventer la justice pénale internationale à travers le prisme africain, pour un monde plus équitable.

S. T.

Universitaire

L’article Pour une Cour pénale africaine indépendante : une nécessité face à la partialité de la CPI est apparu en premier sur Algérie Patriotique.