Rencontré en marge de la troisième journée scientifique de formation médicale continue, organisée jeudi 12 et vendredi 13 juin par la Société Sétifienne d’Ophtalmologie (SSO), le Pr Mustapha Djabour, chef du service d’ophtalmologie au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Bab El Oued (Alger) et président de la Société Algérienne d’Ophtalmologie (SAO), qui a rehaussé de sa présence cet événement phare de l’est du pays, a bien voulu répondre aux questions de L’Est Républicain.
Quelle est votre première impression sur le programme concocté par la SSO ?
Je tiens tout d’abord à remercier mes confrères pour l’organisation de cette rencontre, à laquelle j’assiste pour la troisième fois consécutive. Je constate une nette amélioration d’une année à l’autre, avec un engouement croissant de la part des participants. Ces journées gagnent en ampleur et en intérêt. Le programme a couvert plusieurs domaines d’ophtalmologie, notamment la chirurgie de la cataracte, qui connaît une véritable évolution. On est passés de la chirurgie classique à une approche plus optimisée, intégrant la dimension réfractive. D’autres thématiques ont été abordées : le glaucome, la tension oculaire, la rétine médicale et chirurgicale, ainsi que les affections de la surface oculaire. Je souligne également la qualité de l’organisation, le haut niveau scientifique des communications, ainsi que l’ambiance de convivialité qui a régné tout au long de l’événement.
Vous avez déjà accompli beaucoup de choses. Que reste-t-il à faire ?
Notre objectif prioritaire à la SAO est d’élever le niveau scientifique de notre pratique pour répondre aux attentes croissantes des patients algériens, de plus en plus exigeants – et c’est une bonne chose. Je me souviens, lors d’un stage à l’étranger, qu’un de mes mentors m’avait dit : « Quand je vois un patient atteindre 8/10 après une chirurgie, je me dis que c’est très bien… mais lui, il veut 10/10. C’est comme cela que l’on évolue un peu plus vite ». L’exigence du malade nous permet en effet de fournir davantage d’efforts pour le satisfaire. Cette dynamique implique une formation médicale continue, l’adoption des technologies les plus récentes et l’intégration de nouveaux outils, notamment l’Intelligence Artificielle (IA). L’IA est en passe de jouer un rôle important dans la prise de décision médicale. C’est un moteur puissant d’amélioration de nos pratiques.
Où en est-on du développement de la spécialité ?
Grâce à Dieu, les choses ont beaucoup évolué. Dans le secteur public comme dans le privé, nous disposons aujourd’hui d’équipements de pointe et de technologies parfois exceptionnelles. Nous n’avons rien à envier à ce qui se fait ailleurs. La dextérité chirurgicale et les compétences scientifiques de nos confrères méritent d’être saluées et reconnues à leur juste valeur. D’ailleurs, on constate de moins en moins de patients qui partent se soigner à l’étranger. C’est une réalité que nous vivons au quotidien.
Que pouvez-vous nous dire sur la disponibilité des médicaments ?
En ophtalmologie, les médicaments sont globalement disponibles, même si des perturbations ponctuelles peuvent survenir. Les traitements essentiels, tels que les anti-glaucomateux, les antibiotiques, les anti-inflammatoires ou encore les injections intra-vitréennes, restent accessibles. Il faut saluer ici les efforts de l’État, qui est l’un des rares en Afrique à offrir gratuitement ces injections intra-vitréennes. Elles sont pourtant onéreuses et nécessitent souvent une administration mensuelle. À ce jour, nous ne faisons pas face à des difficultés majeures sur ce plan.
Êtes-vous satisfait des résultats en matière de formation continue ?
Il est nécessaire de revoir l’approche actuelle de la formation médicale continue. Plutôt que de se limiter à des événements ponctuels, il faudrait organiser des sessions régulières, étalées tout au long de l’année. À l’étranger, des dispositifs comme les Diplômes Inter-Universitaires (DIU) fonctionnent bien et pourraient nous inspirer. Il serait pertinent de mobiliser les compétences disponibles dans les secteurs privé et public, en faisant appel aux experts, chacun dans sa sous-spécialité, pour dispenser des cours à même d’enrichir cette offre de formation. Ces formations devraient concerner aussi bien les étudiants et les résidents que les spécialistes confirmés, qu’ils exercent dans le public ou le privé. Ces deux secteurs sont complémentaires : ils ne doivent pas être mis en opposition. Il faut savoir que certains confrères dépensent d’importantes sommes en devises pour aller se former à l’étranger, alors que nous avons, en Algérie, des professionnels capables de transmettre un savoir de haut niveau. Et si certaines techniques ne sont pas encore maîtrisées localement, il est tout à fait envisageable d’inviter des experts étrangers dans un cadre organisé et structuré. Une telle approche permettrait de renforcer les compétences locales tout en optimisant les ressources disponibles.
Entretien réalisé par Faouzi Senoussaoui
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