Comment l’Algérie a provoqué indirectement les manifestations contre le régime marocain
Par Kamel M. – A première vue, la cause des troubles qui secouent le Maroc depuis plusieurs jours semblait interne : mécontentement face à la gestion politique, difficultés économiques, crise du logement ou encore dégradation des services publics. Pourtant, une dynamique inattendue a cristallisé la contestation, à savoir la prise ... Lire la suite

Par Kamel M. – A première vue, la cause des troubles qui secouent le Maroc depuis plusieurs jours semblait interne : mécontentement face à la gestion politique, difficultés économiques, crise du logement ou encore dégradation des services publics. Pourtant, une dynamique inattendue a cristallisé la contestation, à savoir la prise de conscience par une grande partie de la population marocaine de la situation réelle en Algérie, leur voisin de l’Est, longtemps diabolisé par la propagande officielle.
Pendant des décennies, les autorités marocaines ont alimenté auprès de leurs citoyens une image négative et déformée de l’Algérie. Sur les réseaux sociaux, à travers des médias et discours officiels, l’Algérie était décrite comme un pays en déclin, pauvre, corrompu, incapable d’assurer le bien-être de sa population. Ces récits ont servi de justification politique à une rhétorique nationaliste et à un discours conservateur au Maroc, consolidant le régime monarchique.
Or, ces derniers mois, plusieurs youtubeurs marocains ont décidé d’explorer et de partager une réalité bien différente. En diffusant des images d’infrastructures modernes, de routes bien entretenues, de transports développés et d’équipements publics algériens, ils ont surpris leurs concitoyens. Beaucoup ont découvert avec stupéfaction que leur voisin bénéficie d’un indice de développement humain supérieur au Maroc, selon les rapports internationaux.
Ce choc a profondément ébranlé une partie de l’opinion publique marocaine. En Algérie, la santé est gratuite et accessible à tous, l’enseignement est obligatoire et le pays a construit des millions de logements sociaux. Ce contraste est d’autant plus frappant que le Maroc souffre aujourd’hui d’une crise profonde dans ces mêmes domaines, due au caractère capitaliste débridé du régime.
Dans le système de santé marocain, la dégradation est palpable. Hôpitaux publics transformés en mouroirs, longues listes d’attente et inégalités d’accès aux soins sont devenues la norme. Le secteur de l’éducation souffre d’une forte déperdition scolaire. Selon les chiffres officiels, environ 600 000 enfants marocains sont encore hors du système scolaire, principalement dans les zones rurales. Les infrastructures scolaires sont vétustes et insuffisantes, alimentant le découragement des familles.
Enfin, la crise du logement est particulièrement aiguë dans le pays. A Al-Haouz, zone frappée par un séisme dévastateur, les victimes attendent toujours un relogement digne. Cette situation a été l’un des éléments déclencheurs des manifestations, où la colère des citoyens s’est cristallisée autour de l’absence de réponses concrètes de la part des autorités.
Cette comparaison directe avec la réalité algérienne a provoqué une remise en question. Des Marocains, jusque-là manipulés par un régime monarchique qui contrôle strictement les médias et les discours publics, ont découvert qu’une grande partie des récits officiels étaient mensongers. Le déclic a été d’autant plus fort que ces révélations ont circulé sur les réseaux sociaux, échappant à la censure traditionnelle.
Ce phénomène a nourri un sentiment de trahison et d’injustice, attisant la contestation sociale. En comprenant que le modèle de développement algérien était plus efficace dans les domaines essentiels, les Marocains ont exprimé leur frustration face à leur propre gouvernement. Le régime, qui avait utilisé la «menace algérienne» pour renforcer son autoritarisme, s’est trouvé confronté à un retournement inattendu.
Ces événements témoignent d’une fracture profonde au sein de la société marocaine. Ils soulignent aussi la puissance des réseaux sociaux et des médias indépendants dans la remise en cause des discours officiels. Les Marocains aspirent à une meilleure qualité de vie, avec des services publics de qualité, un accès aux soins, à l’éducation et au logement digne.
Alors que l’Algérie reste confrontée à ses propres défis, son modèle social, notamment dans la gratuité de la santé et la massification du logement social, inspire une partie de l’opinion publique marocaine. Ce phénomène pourrait marquer un tournant dans la dynamique politique interne du Maroc.
La contestation marocaine révèle que le refus de la vérité n’est plus tenable. Face à une jeunesse connectée et informée, le régime autoritaire de Rabat, acculé par les attentes sociales, devra revoir sa copie sous peine de voir les contestations s’amplifier.
K. M.