Dr Mohamed Laifa, président de la SARM, au JI : «L’IA offre à l’Algérie une opportunité réelle d’améliorer l’efficacité de son système de santé»

L’intelligence artificielle (IA) s’invite progressivement dans les hôpitaux et les laboratoires algériens, apportant avec elle l’espoir d’une médecine plus rapide, plus précise et plus accessible. Entre projets pilotes, stratégie nationale et formation des professionnels, l’Algérie pose les premières pierres d’un virage technologique majeur. Dans cet entretien, le Dr Mohamed Laifa, président de la Société algérienne […] The post Dr Mohamed Laifa, président de la SARM, au JI : «L’IA offre à l’Algérie une opportunité réelle d’améliorer l’efficacité de son système de santé» appeared first on Le Jeune Indépendant.

Juin 29, 2025 - 01:21
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Dr Mohamed Laifa, président de la SARM, au JI :  «L’IA offre à l’Algérie une opportunité réelle d’améliorer l’efficacité de son système de santé»

L’intelligence artificielle (IA) s’invite progressivement dans les hôpitaux et les laboratoires algériens, apportant avec elle l’espoir d’une médecine plus rapide, plus précise et plus accessible. Entre projets pilotes, stratégie nationale et formation des professionnels, l’Algérie pose les premières pierres d’un virage technologique majeur. Dans cet entretien, le Dr Mohamed Laifa, président de la Société algérienne de la recherche médicale (SARM), revient sur les avancées en cours et les priorités à mettre en œuvre pour réussir cette transition.

 

Le Jeune Indépendant : Quel est aujourd’hui le niveau d’intégration de l’intelligence artificielle dans le système de santé algérien ?

Dr Mohamed Laifa : Un vent de modernité souffle sur les grands hôpitaux et CHU algériens, où l’intelligence artificielle (IA) commence à faire son entrée, à l’image des évolutions mondiales. Des médecins, ingénieurs et chercheurs unissent leurs efforts pour introduire cette technologie dans nos structures de santé. A Alger, Oran, Constantine ou Tizi-Ouzou, plusieurs projets voient le jour : logiciels d’aide à la détection du cancer du sein, outils d’assistance chirurgicale, ou encore programmes de lecture automatisée de l’imagerie médicale.

Sur le plan institutionnel, l’Etat a lancé une stratégie nationale dédiée à l’IA, avec la création d’organismes chargés de la transformation numérique du secteur de la santé. Des chantiers sont en cours : informatisation des hôpitaux, formation des professionnels et mise en place d’une base de données médicales sécurisée et fiable.

Toutefois, les défis restent nombreux : manque d’équipements informatiques, rareté des spécialistes en IA, et besoin d’un cadre réglementaire adapté. Mais la dynamique est là, portée par une jeunesse scientifique impliquée et des chercheurs passionnés.

Cela dit, l’IA ne soigne pas encore en Algérie. Elle apprend, progresse, et s’installe peu à peu. Ce n’est plus un mirage, mais une promesse en construction : celle d’une médecine plus rapide, plus précise, plus efficiente et plus économique.

La recherche médicale algérienne est-elle en mesure de produire des outils d’IA adaptés à nos besoins locaux ?

C’est une question pertinente à l’heure où l’IA transforme la médecine mondiale. L’Algérie peut-elle, elle aussi, développer ses propres outils intelligents adaptés à ses réalités ? La réponse n’est pas simple.

D’un côté, le pays regorge de talents : chercheurs, médecins, ingénieurs et jeunes diplômés passionnés. Dans plusieurs universités, des projets émergent déjà autour de l’analyse automatisée de l’imagerie médicale, de l’aide au diagnostic ou de la gestion intelligente des données de santé. Les idées sont là, l’énergie aussi.

Mais les défis sont importants. Nos structures ne sont pas entièrement numérisées, les données médicales sont souvent éparpillées ou encore sur support papier, ce qui freine l’apprentissage des algorithmes. Le financement de la recherche reste limité, et la coordination entre médecine, technologie et décision politique fait encore défaut.

Pourtant, une IA pensée pour l’Algérie pourrait répondre à des besoins urgents : suivi des maladies chroniques, amélioration de l’accès aux soins dans les zones isolées, détection précoce de certains cancers ou prévision de maladies métaboliques comme le diabète et l’hypertension, qui touchent jusqu’à 37 % de la population.

Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’imiter les modèles étrangers mais de créer une IA à notre image, adaptée à nos spécificités. Cela nécessite une vision claire, des investissements ciblés ainsi qu’une volonté forte de connecter recherche, santé et technologies.

Existe-t-il, actuellement, des projets pilotes ou des expériences locales où l’IA est utilisée pour le diagnostic ou le suivi des patients ?

Oui, plusieurs projets pilotes exploitant l’intelligence artificielle sont en cours en Algérie dans le domaine de la santé. Parmi les plus notables, le projet DIAG, mené par le CERIST, en collaboration avec la Faculté de médecine d’Alger 1, utilise l’IA couplée à la réalité virtuelle et augmentée pour visualiser en 3D les images pulmonaires, détecter les lésions et évaluer leur gravité en moins de 30 secondes, avec une précision remarquable. Ce projet a été particulièrement utile durant la pandémie de Covid-19, où le scanner thoracique (TDM) jouait un rôle clé dans le diagnostic et le suivi des patients.

Au CDTA, l’équipe IRVA a développé une application basée sur la réalité virtuelle pour la détection ultra-précise des tumeurs cérébrales, déjà utilisée comme outil d’aide pour les neurochirurgiens. Dans la même dynamique, une autre équipe du centre travaille sur des algorithmes d’analyse d’IRM pour une détection rapide et précise du cancer du sein. Des solutions d’interprétation automatisée de l’ECG sont aussi en développement pour faciliter le travail des praticiens, notamment en l’absence de cardiologues.

Par ailleurs, un système de surveillance des personnes âgées isolées a été mis en place : il détecte les chutes et alerte automatiquement les proches par SMS, assurant une réaction rapide.

D’autres initiatives sont en cours, portées notamment par les agences ANSS et ANNS, qui développent des plates-formes numériques et des centres de données pour centraliser l’information médicale et permettre un déploiement efficace de l’IA. Enfin, la stratégie nationale IA 2024, lancée par le gouvernement, intègre la santé comme domaine prioritaire, avec des programmes de financement, de formation, et des partenariats entre start-up et universités.

Dans quels domaines médicaux l’IA est-elle la plus prometteuse pour l’Algérie et comment contribue-t-elle à désengorger les hôpitaux et à améliorer l’accès aux soins ?

Face aux défis du système de santé algérien, aux inégalités d’accès aux soins, à la pénurie de spécialistes dans certaines régions et à l’explosion des maladies chroniques, l’intelligence artificielle apparaît comme une solution stratégique et efficace. Elle permet d’amplifier les compétences des praticiens, d’optimiser les prises en charge et d’éclairer les décisions de santé publique.

L’imagerie médicale est l’un des domaines les plus prometteurs pour l’IA en Algérie. Elle permet d’analyser rapidement et avec précision les examens (radios, scanners, IRM), de poser des diagnostics précoces, notamment pour les cancers et maladies pulmonaires, tout en compensant le manque de radiologues ainsi qu’en réduisant les délais et les coûts.

Autre domaine clé : la gestion des maladies chroniques comme le diabète, l’hypertension ou les pathologies cardiovasculaires, en forte progression en Algérie. L’IA peut accompagner les patients au quotidien, anticiper les complications et ajuster les traitements, rendant les soins plus personnalisés, moins hospitalo-centrés et plus économiques.

Enfin, la prédiction épidémiologique représente un axe d’avenir essentiel. En croisant des données démographiques, climatiques et sanitaires, l’IA peut anticiper des foyers d’épidémies, orienter les interventions des autorités sanitaires et renforcer la résilience du système face aux crises. Permettant, ainsi, d’améliorer l’efficacité de notre système de santé.

 

Quelles priorités la SARM compte-t-elle soutenir pour accélérer l’introduction de l’IA dans la santé ?

La Société algérienne de la recherche médicale (SARM) ambitionne d’être un acteur moteur dans l’intégration raisonnée de l’intelligence artificielle (IA) dans le système de santé national. Lors de son 3ᵉ congrès international, tenu les 11 et 12 avril 2025 à Alger, la SARM a défini une feuille de route ambitieuse, combinant rigueur scientifique et innovation mondiale.

La première priorité est l’ancrage local : l’IA doit s’appuyer sur des référentiels médicaux adaptés aux réalités épidémiologiques, sociales et culturelles de l’Algérie, et non sur des modèles étrangers copiés.

La SARM mise également sur la mobilisation de la diaspora scientifique algérienne, dont le savoir-faire est perçu comme un levier stratégique pour accélérer le développement de l’IA médicale. Elle identifie plusieurs axes prioritaires : maladies cardiovasculaires, troubles métaboliques, pathologies invalidantes, médecine dentaire et soins de proximité, où l’IA pourra jouer un rôle d’aide au diagnostic, à la décision et au suivi personnalisé.

Consciente que la santé numérique nécessite une approche interdisciplinaire, la SARM encourage les partenariats entre universités, start-up, hôpitaux et ingénieurs en gestion des données, afin de faire émerger des projets innovants et concrets.

Autre priorité : la gouvernance des données de santé. La SARM plaide pour la création d’un centre national de données médicales, projet soutenu par les experts du congrès 2025 et présenté aux pouvoirs publics pour orienter les politiques de santé.

Enfin, la formation continue est au cœur de son action. A travers des colloques, des journées scientifiques et des conférences sur le territoire national, la SARM veut diffuser la culture de l’IA médicale et mettre ses experts à disposition pour accompagner cette transition. Elle invite d’ailleurs les scientifiques intéressés à prendre contact via son mail officiel sarmalgerie@yahoo.com ou sur son site www.sarm-dz.com.

La SARM considère l’IA non comme une fin en soi mais comme un outil au service d’une médecine plus humaine, accessible et souveraine.

 

Qu’en est-il de la formation des médecins algériens à l’utilisation de l’IA ?

L’Algérie commence à intégrer l’intelligence artificielle dans la formation médicale. Le processus est encore récent, mais les initiatives se multiplient dans les facultés de médecine, centres hospitaliers et universités algériennes, notamment à travers des conférences, des séminaires, des projets de recherche et des partenariats entre médecins, chercheurs et ingénieurs.

En 2025, un programme national de formation aux technologies numériques, incluant l’IA, a été lancé. Plusieurs universités proposent désormais des modules dans ce domaine, et l’ouverture de l’Ecole nationale supérieure d’intelligence artificielle (ENSIA) à Alger symbolise l’ambition de l’Algérie d’être actrice de cette transformation. Des centres comme le CDTA jouent un rôle pionnier en développant des outils mêlant robotique médicale et traitement d’images biomédicales.

Cependant, l’absence d’un curriculum structuré freine l’intégration de l’IA dans les cursus. Peu de médecins en exercice ont accès à des formations diplômantes, créant un déséquilibre entre jeunes praticiens curieux et seniors souvent peu préparés.

Pour que l’IA devienne un véritable outil au service de la santé, il est urgent d’intégrer cette technologie dans la formation médicale de manière systématique, avec des modules adaptés et une coordination renforcée entre universités, hôpitaux et centres d’innovation.

Ce chantier est vaste, mais porteur d’espoir. Il s’agit, au fond, de repenser la manière de soigner, avec une technologie qui ne remplace pas le médecin mais le complète, l’éclaire et, parfois, le libère.

 

 

 

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