Interview – Jacob Cohen : «L’Iran répond magistralement à l’attaque israélienne»

Algeriepatriotique : Jusqu’où le régime de Tel-Aviv ira-t-il dans son agression contre l’Iran ?

Jacob Cohen : Le but ultime du régime sioniste, tel qu’il s’est exprimé depuis la révolution islamique, et à plusieurs reprises même sous des gouvernements de gauche, est la chute du régime iranien. L’axe américano-sioniste a réussi à éliminer six des sept régimes arabes hostiles. Le dernier fut celui d’Al-Assad. Restait le régime islamique d’Iran. La campagne militaire d’une telle ampleur menée par Israël devait avoir pour objectif l’effondrement du commandement iranien, mais il semble, avec les heures qui passent, qu’il ne sera pas atteint. L’establishment iranien a rétabli les chaînes de commandement et inflige des dégâts substantiels en Israël même. On sent même une certaine panique en Israël, et des pourparlers sont engagés par la Russie et la Chine pour un cessez-le-feu. Il semble aussi, pour le moment, que les forces américaines se tiennent loin des combats.

Plus de deux cent avions israéliens impliqués et des sites nucléaires ciblés, des drones israéliens stockés à l’intérieur même de l’Iran. Comment expliquez-vous, disons, cette facilité avec laquelle Israël agit dans ce pays ?

L’attaque israélienne s’est faite à plusieurs niveaux et a été préparée de très longue date. Il y a d’abord le fait que les services israéliens ont depuis longtemps infiltré la société iranienne, au point même d’y installer des bases de drones capables de frapper le moment venu des sites stratégiques en très peu de temps. Les Iraniens le savaient mais ont rarement réussi à les dépister et les éliminer. La «réussite» de l’attaque du 13 juin résidait aussi dans le fait que ces drones ont éliminé des chefs militaires importants et endommagé des sites de défense et de radars. Et, enfin, il apparaît que l’Iran a été vraiment pris par surprise, d’autant que les négociations avec les Etats-Unis se déroulaient normalement et même positivement. Reste à savoir si les Etats-Unis l’avaient fait sciemment. Ce qui porterait un coup dur à la crédibilité de leur diplomatie, les Russes se posent déjà des questions sur ce point.

Allons-nous vers une Syrie bis ?

Je ne crois pas. Et c’est là peut-être l’erreur des stratèges israélo-américains. Il y a d’abord une différence fondamentale entre la Syrie et l’Iran. Le régime de Bachar Al-Assad a toujours été d’une lâcheté légendaire. Son obsession était de se maintenir coûte que coûte. Il se faisait bombarder chaque semaine sans jamais réagir, sans tirer un coup de feu. Les Iraniens sont un autre type de peuple. Ils l’ont démontré en résistant pendant huit ans à la guerre menée contre eux par Saddam Hossein, obéissant aux instructions de ses maîtres occidentaux, avant d’être trahi par eux. Malgré le coup presque fatal reçu le 13 juin, les Iraniens se rétablissent et répondent magistralement. Je crois que cette fois, l’axe américano-sioniste est tombé sur un os, un os qu’on aurait voulu voir surgir au sein du monde arabe.

Vous l’avez dit, cette attaque intervient alors qu’un nouveau cycle de négociations entre les Etats-Unis et l’Iran devait avoir lieu ce dimanche5. Washington affirme qu’il n’a aucunement participé à cette attaque. Quel est le véritable rôle des Etats-Unis dans cette opération ?

Il est difficile de le dire à l’heure actuelle. Même les experts américains les plus fiables sont partagés sur ce point. La conclusion qui semble ressortir en ce moment, et on voit d’ailleurs le même processus en Ukraine, c’est que l’équipe qui entoure Trump est divisée en deux courants, l’un belliciste à l’ancienne manière, l’autre voulant mettre en pratique la volonté pacifiste exprimée par Trump à plusieurs reprises. Il se pourrait même que Trump ait été pris de court, informé à la dernière minute de l’opération, et obligé de la soutenir pour ne pas avoir à affronter le lobby sioniste à Washington.

Tout le Moyen-Orient est soumis à l’axe américano-sioniste excepté l’Iran. Ce dernier pliera-t-il ? Peut-il compter sur l’aide de la Chine et de la Russie, ses principaux alliés stratégiques ?

Le Moyen-Orient marche à la baguette américano-sioniste, excepté l’Iran, qui résiste depuis 40 ans à toutes les pressions, les attaques diverses et variées, les sanctions économiques et financières, les confiscations de ses avoirs. Ce régime semble inébranlable. Le peuple iranien montre une capacité de résilience exceptionnelle. Cette fois, l’axe américano-sioniste a trouvé un adversaire à sa mesure. Sans compter qu’aujourd’hui, ce pays n’est plus seul. Il peut compter sur le soutien de la Russie, de la Chine et de la Corée du Nord, «l’axe du mal» qui enrage les Etats-Unis.

Le projet du remodelage du Moyen-Orient est-il en train de prendre forme et de devenir une réalité concrète ?

Le remodelage du Moyen-Orient est arrivé à son terme. Aucun son de résistance ne s’exprime nulle part, sauf les déclarations creuses et pompeuses autorisées par le maître. Hélas, pour ce dernier, l’histoire a fait de l’Iran l’ennemi irréductible qui risque de faire échouer son projet.

Interview réalisée par Kahina Bencheikh El-Hocine

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