Le 20 janvier a été certes le jour du retour au pouvoir de Donald Trump, de son investiture et de son discours à bien des égards glaçant, mais il a été aussi celui des grâces présidentielles, aussi bien de celles émises par Joe Biden que par celles de Donald Trump, ces dernières étant d’ailleurs en bien plus grand nombre que les premières. En ont été les bénéficiaires en général aussi bien les proches que les partisans lointains, à l’exception d’un certain nombre de celles émises par le président sortant, qui elles ont concerné exclusivement des membres de sa famille, trois de ses frères et sœur notamment et leurs conjoints, sur lesquels pèsent des présomptions de corruption. Biden a par leur entremise mis à l’abri de poursuites judicaires ceux des siens qu’il savait dans le collimateur de son successeur, non pour ce qu’ils avaient pu commettre, mais pour leur proximité avec lui. Elles n’étaient pas les premières, puisque quelques semaines plus tôt il avait gracié son fils Hunter, qui lui cependant était déjà sous le coup d’inculpations.
Il n’est pas allé jusqu’à se gracier lui-même pour autant, comme on aurait pu le supposer. Mais Biden a également accordé sa grâce, au cours des dernières heures de son mandat, à l’ensemble des membres de la commission bipartisane chargée d’enquêter sur l’envahissement du Capitole par les partisans de Trump, à des officiers de police ayant témoigné devant cette instance, à l’ancien chef d’état-major, Mark Milley, ainsi qu’à Antony Fauci, le fameux monsieur Covid américain. Il y en eu d’autres, mais ceux-là ont le plus retenu l’attention. Trump, lui, dans les heures suivant son investiture, a gracié des centaines de ses partisans ayant pris part à l’assaut sur le Capitole le 6 janvier 2021, et qui ont été condamnés pour cela. Il existe toutefois une grande différence entre les grâces prodiguées par les deux hommes. Trump a gracié des gens déjà condamnés, à la différence d’une partie de ceux qui l’ont été par Biden, qui pour leur part ne sont ni condamnés ni même encore poursuivis. Il est question de 18 grâces préventives, un nombre sans précédent dans l’histoire des Etats-Unis. Elles n’en sont pas moins légales cependant, la Constitution américaine accordant en effet le droit au président de pardonner y compris à ceux de ses concitoyens qui ne sont ni condamnés ni même inculpés de rien. Il n’existe qu’un seul précédent à la décision prise par Biden : la grâce préventive accordée à Richard Nixon par Gerald Ford dans la foulée du scandale du Watergate en 1974. Ce n’est pas là du reste leur seule particularité. Cinq de ces grâces ont été accordées par Biden à des membres de sa famille, ce que même Trump n’a pas fait à la fin de son premier mandat encore qu’il y ait eu un précédent – la grâce de Bill Clinton à son frère en 2001, qui lui cependant était déjà condamné. On peut donc dire que Biden est le seul à avoir usé aussi immodérément du droit constitutionnel à la grâce préventive. Nul doute qu’il ne s’y est pas résolu de gaieté de cœur, d’autant qu’une décision de cette nature fait toujours l’effet d’un aveu de culpabilité, même si en l’occurrence leur auteur a spécifié que tel n’était pas le cas.