Les islamistes algériens ont perdu la bataille militaire mais gagné la guerre culturelle

Une contribution de Khider Mesloub – Il est coutumier de lire et d’entendre que le terrorisme islamiste a été vaincu en Algérie. Il faut néanmoins nuancer cette assertion. Certes, le terrorisme islamiste a été militairement anéanti, mais il a survécu idéologiquement sous une autre forme encore plus sournoise et pernicieuse. Il ... Lire la suite

Oct 1, 2025 - 09:26
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Les islamistes algériens ont perdu la bataille militaire mais gagné la guerre culturelle

Une contribution de Khider Mesloub – Il est coutumier de lire et d’entendre que le terrorisme islamiste a été vaincu en Algérie. Il faut néanmoins nuancer cette assertion. Certes, le terrorisme islamiste a été militairement anéanti, mais il a survécu idéologiquement sous une autre forme encore plus sournoise et pernicieuse. Il a laissé place à l’islamisme culturel ou culture islamiste. Autrement dit, à l’islam rigoriste. A l’islam intégriste. A la bigoterie généralisée. A la bondieuserie déchaînée. A une religiosité enchaînée, captive d’une pensée sclérosée.

Ainsi, si le terrorisme islamiste a été défait, l’islamisme culturel lui a succédé. Aujourd’hui, nul besoin d’armes, de bombes, de conquête du pouvoir par la lutte armée pour imposer la culture islamiste en Algérie.

Nul besoin de force pour terroriser religieusement l’Algérien. Pour soumettre théocratiquement l’Algérien. Nul besoin de coercition théocratique étatique pour museler la pensée algérienne. Pour verrouiller l’esprit algérien. Cadenasser la politique algérienne. Démolir la culture algérienne. Pour néantiser la personnalité algérienne. Pour anéantir la psychologie algérienne. Annihiler l’imagination débordante algérienne. Crétiniser l’humour algérien. Déprimer l’humeur algérienne. Dépraver l’honneur algérien. Pour déviriliser l’Algérien. Pour abêtir l’intelligence algérienne. Corroder «l’algérianité» de l’Algérie. Orientaliser l’Algérie. Dénaturer l’Algérie. Violer les traditions algériennes. Transformer les Lumineux algériens en Algériens illuminés.

L’islamisme culturel (ou culture islamiste), bien intégré par la majorité des Algériens, s’en acquitte de manière efficiente.

Le terrorisme islamiste a, certes, perdu la bataille, mais l’islamisme culturel a gagné la guerre idéologique. Et cette victoire culturelle islamiste sur les esprits est autrement plus prestigieuse et glorieuse que l’aurait été une victoire militaire islamique.

Jadis, le terrorisme islamiste par les armes s’était aliéné la majorité de la population. De nos jours, la majorité de la population s’est alignée par la foi sur l’islamisme culturel (la culture islamiste). Chaque Algérien se dévoue à l’islamisme culturel.

Au nom de cette culture islamiste dominante, tout musulman algérien s’érige aujourd’hui en procureur ou en supplétif de la police des mœurs musulmanes pour traquer tout comportement jugé incompatible avec l’orthodoxie culturelle islamiste contemporaine. Même à l’étranger, il se conduit de façon inquisitoriale pour imposer son mode de vie culturel islamiste.

On prétend que l’islam sunnite ne comporte pas de clergé, à l’instar de l’Eglise chrétienne. On se trompe. En vérité, de nos jours, chaque Algérien s’improvise «curé» salafiste : n’hésitant pas à édicter ses propres principes culturels islamistes, à se muer en confesseur des âmes jugées «égarées», à prescrire sa grille de lecture subjective «musulmanesque», à pourchasser les manquements à ses pratiques érigées en normes, à promulguer des fatwas «musulmaniaques» contre les agissements considérés comme blasphématoires à ses yeux enténébrés d’obscurantisme, à s’ériger en docteur es «sciences islamiques».

En Algérie, l’islam politique est devenu la politique de l’islam. Entre politisation de l’islam et islamisation de la politique, la raison a perdu son entendement et la foi son discernement. Et l’Algérien, son âme. L’Algérie, son identité.

Aujourd’hui, tout est déterminé par et pour l’islam, cet islam dévoyé devenu synonyme de culture. Culte et culture ont été amalgamés. Cet accouplement a engendré un magma de religiosité islamiste. De culture religieuse islamiste.

En dehors de la culture religieuse islamiste, partagée par l’ensemble des Algériens, aucune autre forme de pensée n’a droit au chapitre. La culture islamiste a envahi toute la société. De sorte que cet islamisme culturel, devenu structurel, est parvenu à éradiquer toutes les différences au sein de la société algérienne, à uniformiser la pensée à force de propagation de cette culture islamiste tentaculaire, moyennant un endoctrinement islamiste totalitaire inculqué dès l’école élémentaire salafisée, épaulée par la cellule familiale, métamorphosée en cellule carcérale de la liberté de penser.

La tolérance légendaire de nos compatriotes a été bannie des cœurs, desséchés par ces nouveaux zélateurs algériens convertis à la nouvelle foi musulmane morbidement exhibitionniste et politiquement extrémiste.

Naguère riche par sa pluralité ethnique et religieuse (que sont Français, Européens, juifs et autres communautés devenus ?), par sa diversité culturelle, son hétérogénéité politique, l’Algérie s’est réduite à sa plus insignifiante et rétrograde expression, symbolisée par l’islamisme culturel ou la culture islamiste. Cet islamisme culturel se caractérise par une logique rétrograde qui fait exploser tous les cadres de pensée rationnelle, éclater les structures culturelles nationales, sauter le canevas discursif universel, anéantir les fonctions et facultés cognitives.

Ce rétrécissement régressif de la vision intellectuelle des Algériens, favorisée par l’islamisme culturel ou culture islamiste, a engendré une forme autistique de l’existence.

L’Algérien contemporain, biberonné à la culture islamiste, est tourné, non pas vers lui-même (c’eût été un narcissisme salutaire, une thérapie psychologique salvatrice), mais vers sa religion (ou la version religieuse salafiste importée de l’Orient décadent). Il ne vit que par et pour Sa (nouvelle) religion (dévoyée).

Il est musulman avant d’être Algérien. Il sacrifierait plus volontiers sa vie pour l’islam, ou sa forme dégradée et dégradante, l’islamisme que pour l’Algérie. Il aliénerait sans scrupule toute sa millénaire culture (ou plutôt cultures, car l’Algérie a toujours été riche par sa diversité culturelle) pour son culte islamiste. Quitte à perdre son âme. Que lui importe l’identité culturelle algérienne pourvue pourtant de nobles traditions.

Dans le cœur de chaque Algérien, la pulsation féconde et bigarrée culturelle a cédé devant la palpitation poussive et monolithique cultuelle islamiste. Le corps ne vibre qu’au son du muezzin. Les échos de nos sublimes coutumes ne résonnent plus dans le cœur des Algériens imprégnés de culture islamiste.

Les valeurs morales millénaires se sont transmuées en valeurs marchandes avalisées et bénies par le nouvel islam mercantile estampillé wahhabite, pour qui le billet vert (dollar) est plus sacré que le «Livre vert» (Coran). L’islam populaire innocent d’antan s’est immolé par le feu du capitalisme incendiaire, ce capitalisme génocidaire des cultures locales et nationales.

De fait, comme dans le cas de l’autisme, marqué par des comportements restreints et répétitifs, sous la nouvelle culture islamiste dominante, la vie de l’Algérien aujourd’hui se réduit en l’accomplissement des immuables rites quotidiens qu’aucune volonté humaine ne doit troubler, ni modifier et, encore moins, enrayer. Bien au contraire, tout Algérien, quelles que soient ses convictions, doit se plier au modèle culturel islamiste dominant. La diversité a plié bagage. Elle s’est effacée devant l’uniformité, la conformité, l’unicité, la morosité religieuse. La culture islamiste. L’islamisme culturel.

Le ciel bleu azur de l’Algérie s’est recouvert d’un ténébreux brouillard religieux, obscurcissant l’horizon intellectuel et culturel d’une moyenâgeuse pensée unique, cautionnant l’émergence d’une société inique. L’étroitesse de la pensée s’est ouvert un grand boulevard vers lequel affluent et déferlent à grande vitesse les plus rétrogrades idées archaïques soufflant du désert d’Arabie.

La vacuité existentielle irrigue toutes les artères algériennes embouteillées par un peuple arborant l’ennui sur sa face tourmentée par le vide spirituel.

Ainsi, emmailloté dans ses langes religieux enfantins et infantiles, l’Algérien refuse de s’élever à l’âge adulte de la pensée, de la rationalité, de la raison raisonnante raisonnable moderne et universelle.

L’Algérien contemporain biberonné à la culture islamiste ne tolère pas la diversité d’opinions. La diversité culturelle. La pluralité religieuse. La liberté de conscience. La conscience libérée, délibérante, délirante. La critique religieuse. La satire irréligieuse, irrévérencieuse. Le débat politique. La critique radicale. La controverse philosophique. La relégation de la religion dans la sphère privée, donc la dénationalisation de la religion (la sécularisation). L’égalité sexuelle.

Il ne tolère pas la tolérance. Surtout il ne se tolère pas lui-même, étant en conflit avec sa personnalité fragmentée, son moi clivé, en dissension avec son identité déculturée, en guerre permanente contre sa vie qu’il refuse de bâtir de ses mains dans la paix, préférant remettre son sort à la fatalité, à son Créateur, à sa rentière nation bâtie sur ses provisions pétrolières provisoires sur fond d’un désert industriel productif.

Ainsi, toute la vie de l’Algérien contemporain, modelé par la culture islamiste, tourne autour de sa religion. Une religion par ailleurs dévoyée, convoyée par les pays du Golfe, au moment où ces pays ont abjuré l’islam authentique pour se convertir au sionisme, cette secte élitiste mafieuse et génocidaire.

K. M.