Mort filmé dans un hôpital : L’éthique bafouée 

Le respect des morts est une obligation sacrée et toute violation de ce principe fondamental constitue un crime moral avant même d’être une faute professionnelle. C’est ce qu’a affirmé, ce dimanche, le Dr Mohamed Bekkat Berkani, président du Conseil national de l’Ordre des médecins, au Jeune Indépendant, en réaction au scandale qui secoue l’hôpital Salim-Zmirli d’El-Harrach, […] The post Mort filmé dans un hôpital : L’éthique bafouée  appeared first on Le Jeune Indépendant.

Sep 1, 2025 - 02:20
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Mort filmé dans un hôpital : L’éthique bafouée 

Le respect des morts est une obligation sacrée et toute violation de ce principe fondamental constitue un crime moral avant même d’être une faute professionnelle. C’est ce qu’a affirmé, ce dimanche, le Dr Mohamed Bekkat Berkani, président du Conseil national de l’Ordre des médecins, au Jeune Indépendant, en réaction au scandale qui secoue l’hôpital Salim-Zmirli d’El-Harrach, où une infirmière a été suspendue après avoir filmé et diffusé en direct sur TikTok la préparation du corps d’un défunt.

Le Dr Berkani a été catégorique, il a affirmé que « la suspension immédiate de cette infirmière est une mesure justifiée et nécessaire ». Face à ce geste d’une gravité extrême, indigne de la mission sanitaire, qui a provoqué un séisme moral dans l’opinion publique et une vague d’indignation nationale, il a dénoncé « un manquement grave, à la fois sur le plan éthique, déontologique et humain », rappelant que « le défunt mérite le respect absolu, d’abord en tant qu’être humain mais aussi d’un point de vue religieux ».

Dans la pratique médicale comme dans nos traditions, le visage d’un mort est toujours recouvert pour préserver sa dignité. « Ce geste malheureux, qui transforme un moment solennel en spectacle numérique, constitue une profanation inacceptable », a-t-il martelé. Pour le président de l’Ordre des médecins, la gravité de l’acte ne fait aucun doute, soulignant qu’« il y a eu violation du secret médical et atteinte à l’image d’une personne décédée, qui ne peut se défendre. Filmer et exposer un corps sans autorisation est une faute grave devant conduire à des poursuites judiciaires ».

Allant plus loin, le Dr Berkani a évoqué la nécessité d’une expertise psychiatrique à l’encontre de l’infirmière, relevant que « ce comportement est anormal et inquiétant. Il n’est pas seulement contraire à l’éthique médicale, il heurte la morale, nos valeurs sociétales et religieuses. Il révèle peut-être un déséquilibre qui doit être évalué ». Toutefois, il a soutenu que cette affaire ne peut, en aucun cas, rester sans suite, martelant que « le ministère de la Santé doit aller au-delà de la suspension. Des mesures correctives et exemplaires doivent être appliquées pour restaurer la confiance des citoyens ».

Face à l’onde de choc provoquée par la vidéo, la réaction des autorités sanitaires a été immédiate. Ce dimanche matin, la direction de l’hôpital Salim-Zmirli a annoncé la suspension de l’infirmière, dans l’attente des résultats de l’enquête administrative et des procédures judiciaires. Dans son communiqué, l’administration a qualifié ces agissements de « graves et inadmissibles », dénonçant une « atteinte flagrante aux règles de déontologie, aux valeurs morales et aux lois encadrant l’exercice de la profession infirmière ».

La veille déjà, le ministère de la Santé avait réagi en premier, publiant dans la soirée un communiqué condamnant « un comportement inhumain, étranger à nos valeurs religieuses et sociétales, et en totale contradiction avec les principes fondamentaux du métier d’infirmier et la noble mission du secteur de la santé ». Le département a exprimé son indignation profonde, dénonçant des actes qui « portent atteinte à la dignité du mort et blessent les sentiments des familles endeuillées ». Le ministère a promis l’application de « toutes les mesures légales et réglementaires » contre la mise en cause, y compris des poursuites judiciaires, tout en réaffirmant son « engagement ferme et irrévocable à protéger l’honneur des patients et la dignité des défunts ».

 

Colère et stupéfaction  

La vidéo, devenue virale en quelques heures, a bouleversé les réseaux sociaux, où les réactions de colère et de stupéfaction se sont multipliées. Les appels à des sanctions exemplaires ont envahi la Toile, accompagnés de rappels solennels aux valeurs morales et religieuses qui fondent la profession médicale. « Transformer la mort en contenu de divertissement numérique est un franchissement de toutes les limites », s’est insurgé un commentateur, résumant l’indignation collective.

Au-delà de la réaction morale et institutionnelle, la question juridique s’impose désormais avec acuité. Selon les experts juridiques, ce geste peut constituer plusieurs infractions pénales, passibles de lourdes sanctions. Le Code pénal algérien est explicite. L’article 153 réprime de deux à cinq ans de prison, assortis d’une amende allant de deux à dix millions de centimes, tout acte portant atteinte à l’intégrité d’un cadavre.

Un simple geste ou comportement jugé irrespectueux envers un corps sans vie peut suffire à caractériser l’infraction. La diffusion de telles images relève également de l’atteinte à la vie privée, incrimination définie par l’article 303 bis du Code pénal. Elle est passible de six mois à trois ans de prison et d’une amende pouvant atteindre trente millions de centimes. Dans ce dossier, la faute est d’autant plus lourde que l’auteure de la vidéo est une infirmière.

Or, l’article 201 du Code pénal punit d’un à six mois d’emprisonnement et d’une amende de deux à dix millions de centimes tout professionnel de santé, médecin, chirurgien, pharmacien, sage-femme, qui révèle un secret lié à sa fonction. Les proches du défunt sont en droit de déposer plainte auprès du procureur de la République afin de déclencher une enquête judiciaire. Ils peuvent également exiger une réparation pour le préjudice subi.

Pour de nombreux spécialistes, cette affaire doit servir d’électrochoc. Elle rappelle l’urgence de sensibiliser les professionnels de santé, mais aussi les étudiants et toute personne intervenant dans le secteur médical, aux conséquences de telles dérives. D’autant plus que le geste filmé n’est pas seulement une faute individuelle, il fragilise la confiance des citoyens envers l’hôpital public et ternit l’image d’une profession censée être synonyme d’humanité et de compassion.

Finalement, ce scandale rappelle une vérité universelle, la dignité humaine ne s’arrête pas avec la mort. Elle se prolonge jusque dans la mémoire des défunts. La profaner, c’est blesser les familles, mais aussi l’ensemble de la société. Aucune modernité technologique, aucune évolution numérique ne peut justifier une telle transgression. Par conséquent, le plus grand défi aujourd’hui est de restaurer la confiance dans les structures hospitalières et de réaffirmer, sans ambiguïté, que la dignité humaine demeure sacrée, jusque dans la mort.

 

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