Adam Boehler l’obscur

Steve Witkoff, l’émissaire américain pour le Moyen-Orient, est quelqu’un de déjà bien connu, bien qu’il ne soit sur le devant de la scène que depuis l’entrée en fonction de la nouvelle administration Trump. Il est crédité de l’accord de cessez-le-feu ayant permis le retour à l’échange de prisonniers entre Israël et le Hamas, en théorie […]

Mars 10, 2025 - 18:27
 0
Adam Boehler l’obscur

Steve Witkoff, l’émissaire américain pour le Moyen-Orient, est quelqu’un de déjà bien connu, bien qu’il ne soit sur le devant de la scène que depuis l’entrée en fonction de la nouvelle administration Trump. Il est crédité de l’accord de cessez-le-feu ayant permis le retour à l’échange de prisonniers entre Israël et le Hamas, en théorie toujours effectif quoique pour l’heure à l’arrêt. Sa nouvelle tournée dans la région a été annoncée, mais elle a été reportée sine die, sans que nulle raison n’en soit donnée. Parce qu’il a manqué d’entrer dans sa seconde phase, comme prévu au moment de sa conclusion, il y aura bientôt deux mois, l’accord en question peut à tout moment être dénoncé. Il faut d’autant plus s’attendre à pareille évolution qu’Israël a en fait cessé de s’y conformer en refusant le passage de la nourriture, des médicaments et du carburant, ce qu’il fait depuis maintenant une dizaine de jours, si bien que ces produits commencent à manquer et que le spectre de la famine est de retour.

Mais au lieu que Witkoff se hâte dans ces conditions de reprendre son bâton de pèlerin de la paix, c’est un autre que lui, quelqu’un d’obscur pour tout dire, un certain Adam Boehler, qui fait parler de lui, qui plus est en une matière qui jusque-là relevait soit du tabou soit du secret le mieux gardé : discuter directement avec le Hamas, sans intermédiaire d’aucune sorte, lui et une organisation cataloguée de terroriste. On ne sait pas si ce Boehler est un subordonné de Witkoff, ou s’il répond plutôt aux instructions du secrétaire d’Etat Marco Rubio, ou s’il est autonome dans ses mouvements, mais le fait est qu’il s’est lancé dans quelque chose à quoi les Américains ne nous ont pas habitués. Si Witkoff est l’envoyé pour le Moyen-Orient, lui est l’envoyé pour les otages. Sa mission est plus limitée que celle de Witkoff, mais aussi plus précise. On ne conçoit toutefois pas qu’il puisse la réussir, serait-ce en partie seulement, indépendamment de tout progrès dans celle de Witkoff. Pourtant c’est ce qu’il laisse entrevoir maintenant dans ses confidences à des médias, tant arabes qu’israéliens, après une première période où on ne savait même pas à quoi lui-même ressemblait. La réalité, c’est que les Américains n’étant pas eux-mêmes pour le passage à la deuxième phase de l’accord de Doha, et s’attendant à ce que le cessez-le-feu ne tienne pas plus longtemps, cherchent par le biais d’une négociation directe à sauver un de leurs compatriotes, le seul dans son cas, et à récupérer quatre corps. Ils se disent que si la trêve est rompue, il n’y en aura aucune autre, ni non plus par conséquent un quelconque échange de prisonniers. Si la guerre reprend, elle ne s’arrêtera, elle ira jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au terme que lui assigne Israël, qui est l’élimination du Hamas. Tout se passe donc comme si les Américains savaient que les captifs israéliens étaient condamnés. Non pas d’ailleurs parce que le Hamas ne voudrait pour rien au monde les libérer, mais parce qu’Israël, ou plutôt son gouvernement, préfèrerait relancer la guerre plutôt que renégocier avec lui. Ce dont les Américains désespèrent en l’occurrence, ce n’est pas du Hamas, mais d’Israël, qu’ils connaissent bien.