Arrogance géopolitique des Emirats : le cas malien ou la stratégie du harcèlement par procuration
Par Mohamed El-Maadi – Le 20 mai 2025, une délégation de haut niveau envoyée par Mohamed Ben Zayed atterrissait à... L’article Arrogance géopolitique des Emirats : le cas malien ou la stratégie du harcèlement par procuration est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Par Mohamed El-Maadi – Le 20 mai 2025, une délégation de haut niveau envoyée par Mohamed Ben Zayed atterrissait à Bamako pour une visite qualifiée de «stratégique» par la junte malienne. A l’abri des caméras mais non sans arrière-pensées, cette rencontre annonçait la fourniture de drones émiratis au régime d’Assimi Goïta, dans un contexte de tension aiguë entre le Mali et l’Algérie. Une manœuvre lourde de symboles, qui vient confirmer la logique agressive et arrogante avec laquelle les Emirats arabes unis mènent leur politique africaine : expansion, militarisation, instrumentalisation.
Une diplomatie du chantage sécuritaire
A l’instar de leur implication en Libye, au Soudan, au Yémen ou encore dans la Corne de l’Afrique, les Emirats poursuivent une stratégie bien rodée : se poser en «garants de sécurité» auprès de régimes fragiles ou illégitimes pour, en réalité, capter leurs ressources, infléchir leur souveraineté et les transformer en avant-postes contre des puissances perçues comme gênantes.
Le cas malien est emblématique. Après l’humiliation causée par la destruction d’un drone turc (financé par Bamako au prix de 30 millions d’euros) par la défense antiaérienne algérienne, la junte, déstabilisée, s’est tournée vers Abou Dhabi pour compenser son déficit technologique et symbolique. En contrepartie, les Emirats obtiennent un droit d’ingérence sécuritaire et, probablement, un accès préférentiel aux ressources minières maliennes. Ce n’est plus de l’aide, mais du clientélisme militarisé.
Le Mali : un Etat devenu outil de nuisance régionale
La longévité apparente du régime malien ne tient qu’à des facteurs exogènes : soutien de groupes paramilitaires, perfusion économique extérieure, répression intérieure totale. Confrontée à une opposition populaire exacerbée par la fermeture de la frontière algérienne, à des pénuries croissantes et à un isolement diplomatique progressif, la junte s’accroche à un pouvoir usurpé en militarisant sa survie. La loi martiale y remplace toute vie politique.
Cette posture désespérée fait du Mali un terrain d’expérimentation pour des puissances étrangères aux agendas troubles – Israël, le Maroc, la Turquie, et aujourd’hui les Emirats arabes unis – dont le seul point commun est leur volonté d’affaiblir l’Algérie. Non pas pour ce qu’elle fait, mais pour ce qu’elle incarne : un Etat réfractaire à l’alignement, résistant aux réseaux fréristes et hostile à la normalisation rampante avec Tel-Aviv.
L’Algérie face à un encerclement par procuration
L’activisme émirati au Sahel ne vise pas seulement le contrôle de ressources ou de corridors logistiques : il vise l’Algérie. La monarchie des Al-Nahyane agit comme un pion avancé d’un axe qui mêle intérêts israéliens, ambitions marocaines et calculs atlanto-golfiens. Ce harcèlement périphérique, fait de provocations calibrées, cherche à tester la résilience algérienne, à l’éroder par des pressions indirectes plutôt que par une confrontation ouverte.
Mais l’erreur de calcul des Emirats – comme celle du Maroc ou de Goïta – est de sous-estimer la mémoire stratégique algérienne. Celle d’un peuple marqué par la décennie noire, vacciné contre les aventures fréristes et lucide quant aux manipulations extérieures. Le drone abattu à la frontière n’a pas seulement été neutralisé : il a exposé la vacuité des alliances artificielles tissées contre Alger.
Construire une doctrine de réciprocité stratégique
Face à la politique agressive d’Abou Dhabi, l’Algérie ne peut plus se contenter de la seule posture défensive. Il est temps d’élaborer une stratégie de réciprocité géopolitique :
– Sur le plan diplomatique, en soutenant les voix dissidentes ou réformistes dans l’espace arabe du Golfe, en particulier celles qui dénoncent le despotisme dynastique et l’alignement sur Israël.
– Sur le plan géographique, en s’impliquant davantage dans les zones de friction proches des Emirats : Yémen Sud, Corne de l’Afrique, et même Oman, pays plus équilibré mais inquiet des ambitions de ses voisins.
– Sur le plan informationnel, en exposant la duplicité des Emirats, leur soutien simultané à des milices islamistes et à des régimes autoritaires, leur instrumentalisation du soft power religieux et leur rôle dans l’effondrement de pays entiers.
– Sur le plan régional, en renforçant un axe afro-arabe non-aligné, associant l’Afrique du Sud, la Mauritanie, le Tchad, voire l’Iran ou l’Irak pour créer un contrepoids aux monarchies de guerre.
La vigilance stratégique et le réveil du Sud
L’Algérie n’a ni la vocation ni l’intérêt de s’ériger en puissance impériale. Mais elle ne peut plus tolérer d’être la cible passive d’un encerclement hostile. Si les Emirats veulent jouer sur des terrains éloignés pour affaiblir Alger, alors rien n’interdit à l’Algérie de réfléchir à une doctrine de présence symétrique, mesurée mais dissuasive, dans les zones proches d’Abou Dhabi.
Le monde multipolaire qui émerge doit se bâtir sur l’équilibre, non sur l’intimidation. Il appartient aux nations libres de faire comprendre à ceux qui confondent pétrole et puissance que leur temps touche à sa fin.
M. E.-M.
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