Fact-checking : Sonatrach va-t-il construire une raffinerie au Niger ?

Depuis vendredi, des journaux et sites d’information avancent que le premier groupe africain, Sonatrach, va investir et ou construire une raffinerie au Niger à Dosso. Un projet que Niamey a confié tambour battant à … une société écran, domicilié au Canada.   Des médias avancent depuis deux jours que Sonatrach est engagé dans la construction […]

Jan 12, 2025 - 18:50
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Fact-checking : Sonatrach va-t-il construire une raffinerie au Niger ?

Depuis vendredi, des journaux et sites d’information avancent que le premier groupe africain, Sonatrach, va investir et ou construire une raffinerie au Niger à Dosso. Un projet que Niamey a confié tambour battant à … une société écran, domicilié au Canada.  

Des médias avancent depuis deux jours que Sonatrach est engagé dans la construction ou le financement d’une raffinerie d’une capacité de 30 000 à 100 000 b/j, et d’un complexe pétrochimique à Dosso au Niger.

Exploitant un communiqué, un peu trop prolixe et moins précis, de Sonatrach, l’APS le traite sous un angle laissant sous-entendre que le groupe algérien est en discussion pour investir dans le projet de Dosso. Le titre de la dépêche «une délégation de Sonatrach examine au Niger le projet de création d’une raffinerie et d’un complexe pétrochimique à Dosso» emballe des médias qui mordent et avancent qu’un accord est conclus entre le Niger et l’Algérie pour un investissement et la construction d’une raffinerie à Dosso, proche des frontières avec le Bénin et le Nigéria.

«Sonatrach investit au Niger», «Maghreb : un géant pétrolier se lance dans un projet en Afrique», «Sonatrach va construire une raffinerie dans ce pays d’Afrique», «Algérie-Niger : projet de création d’un complexe pétrochimique», «Sonatrach prévoit la construction d’une nouvelle raffinerie en Afrique», «Sonatrach annonce la construction d’une nouvelle raffinerie en Afrique», sont quelques exemples des titres, sans filet, des articles que consacrent ces médias à cette «histoire».

Et pour ne pas arranger les choses, le site internet de Sonatrach, celui du ministère de l’Energie et ainsi que du ministère des Affaires étrangères tout comme celui de l’ambassade d’Algérie à Niamey, n’évoquent pas, à la rédaction de cet article, le sujet. L’APS n’a quant à elle, pas publié de mise à jour à sa dépêche du 10 janvier 2025.

Ces affirmations sont, comme expliqué ci-dessous, dénués de tout fondement.

Se basant sur le communiqué des autorités nigérienne, plus précis, on apprends qu’une délégation -technique- de Sonatrach a été reçu le 7 janvier 2025 par le ministre du Pétrole, Dr Sahibi Oumarou. Le déplacement de la délégation algérienne fait suite, précise le communiqué, à l’engagement de l’Algérie, exprimé à l’issue de la mission que le ministre nigérien a effectuée à Alger en septembre 2024, «à accompagner le Niger dans la mise en œuvre de notre projet de raffinerie et du complexe pétrochimique». Cet accompagnement, précisé par les deux sources (Sonatrach et le ministère du Pétrole du Niger), concerne uniquement les volets «technique et logistique».

Et c’est à ce titre que la délégation de Sonatrach s’est déplacé au Niger comme le précise le communiqué nigérien qui ajoute que «le ministre nigérien du pétrole a sollicité auprès de l’Algérie, son accompagnement dans le renforcement des capacités de notre personnel, et c’est pourquoi l’Algérie s’est engagée également à accueillir dans les différentes raffineries, nos ingénieurs et techniciens supérieurs, et nous avons déjà présélectionné une quarantaine. Une équipe de l’institut algérien du pétrole sera à Niamey afin d’élaborer un programme de formation suivi d’un stage en immersion dans les différentes raffineries.»

Après vérification, il s’agit, à ce stade, pour Sonatrach, de concrétiser un engagement de l’Etat algérien en accompagnant le Niger dans la mise en œuvre de son projet de raffinerie et d’un complexe pétrochimique. Cet accompagnement se traduit, et c’est l’information du jour, dans un premier temps par la formation et le perfectionnement d’ingénieurs et techniciens nigériens, au Niger, par des formateurs de l’Institut algérien du pétrole (IAP). Ensuite il est question de stages dans différentes raffineries en Algérie.

En parallèle, le Niger pourrait profiter également de l’expertise algérienne dans un domaine complexe et plein de rebondissements. En effet, le projet semble être au point mort, en raison du profil du co-contractant.

Explications. Le jeudi 24 octobre 2024, un mémorandum d’entente portant sur le projet de conception, financement, construction, mise en service, exploitation, gestion, maintenance et le transfert d’une raffinerie modulaire d’une capacité de 30 000 à 100 000 barils/jour et d’un complexe pétrochimique a été signé entre le gouvernement du Niger et un mystérieux groupe pétrolier canadien Zimar Inc.

Le 28 octobre, une forte délégation officielle nigérienne accompagnée par des personnes présentées comme des représentant de Zimar visitent le site de 7 877 hectares devant abriter les installations. Le projet doit démarrer avec la construction d’une raffinerie, d’un premier module de 30 000 b/j, ainsi qu’un pipeline de 50 km pour acheminer le pétrole brut, et un second pipeline pour alimenter l’infrastructure en eau.

Mais entre-temps les réseaux sociaux s’emballent et des Nigériens installés aux Etats-Unis et au Canada commencent à pointer le profil, inconnue, de Zimar.

Des Nigériens se partagent alors sur les réseaux sociaux les résultats de leurs recherches et qui tous mettent à nue la capacité et les moyens de Zimar, aussi bien au Canada qu’aux quatre coins du globe où il prétend activer. Ils publient, par exemple, que l’adresse correspondant au siège de Zimar au Canada est en réalité un espace de coworking et de domiciliation d’entreprises ! Sur le site internet de Zimar (www.zimar.ca), aucune photo ou de nom d’un responsable ou simple employé, pas même ceux qui se sont présentés à Niamey en tant que dirigeants du groupe, ou de mail de contact, n’apparaissent. Curieux pour une entreprise qui s’engage à construire, financer et gérer une raffinerie de plusieurs centaines de millions de dollars.

Le 4 novembre, on frôle le scandale, et une série de limogeage est alors annoncée. Le Secrétaire général, le Secrétaire général adjoint et le Directeur général des Hydrocarbures du Ministère du Pétrole ont été remerciés.

Le 9 novembre, les autorités de Niamey, sous pression, annoncent l’ouverture d’une enquête sur le dossier. Des experts vont auditer les offres techniques et les réalisations de Zimar au Canada et dans les pays cités par la société dans son dossier présenté lors de la soumission.

Le 11 novembre 2024, l’Association nigérienne de lutte contre la corruption, section Transparency International (ANLC/TI-Niger), a publié un communiqué pour exprimer sa profonde préoccupation concernant les conditions d’attribution du marché de construction de la raffinerie et du complexe pétrochimique de Dosso à la société canadienne Zimar Inc. L’ANLC s’inquiète de «la capacité de Zimar Inc à mener à bien un tel projet.»

Au vu de ces éléments, il apparait que ce «groupe» canadien, Zimar Inc, serait en fait une société écran. Son exclusion du dossier pourrait profiter à l’un des autres soumissionnaires.

En attendant, le Niger qui sur un autre dossier pétrolier, maintient son bras de fer avec le géant chinois CNPC, très engagé dans l’exploitation du pétrole exporté par oléoduc depuis le Bénin, se prépare à toutes les éventualités. Notamment un départ précipité des Chinois que devront alors remplacer les ingénieurs et techniciens Nigériens que l’Algérie s’apprête à les perfectionner.

Par Larbi Ghazala

 

 

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