La bataille d'Ait Yahia Moussa (Tizi-Ouzou): lorsque le stratagème l'emporte sur la puissance militaire de l'ennemi

TIZI-OUZOU - La bataille d'Ait Yahia Moussa qui a eu lieu le 6 janvier 1959 à Vouguerfene à Tizi Ouzou, affirme que le stratagème de l'Armée de libération nationale (ALN) a infligé de cuisantes défaites à l'armée coloniale française en dépit des moyens militaires importants que cette dernière avait mobilisés contre la Révolution algérienne. Des témoignages de moudjahidine (aujourd'hui décédés) sur cette bataille qui a opposé à Vouguerfene (30 km au sud de Tizi-Ouzou) des combattants de l'ALN à un fort bataillon de l'armée coloniale française, affirment qu'elle restera une leçon en matière de stratagème militaire. Tout a commencé lorsque l'armée coloniale a eu vent d'une importante réunion de chefs militaires de l'ALN qui devait avoir lieu à Ait Yahia Moussa, dans la wilaya III historique, selon les mêmes témoignages. L'ancien secrétaire du poste de commandement de la Wilaya III, Salah Mekacher, décédé en 2021, rapportait dans une déclaration à l'APS qui l'avait rencontré en 2020, qu'"à l'origine de cet évènement, il semble bien qu'un renseignement soit parvenu aux autorités françaises à propos de la présence du colonel Si M'Hamed Bougara dans les parages et que celui-ci rentrait à son poste de commandement de wilaya après sa réunion avec les quatre colonels de l'intérieur". Il s'agissait d'une importante réunion de coordination qui a regroupé, au domicile de Krim Belkacem, au village Thizra Aissa, des responsables de l'ALN dont les colonels Amirouche (wilaya III historique) et M'hamed Bougara (wilaya IV), avait-il indiqué. Aussitôt l'information reçue, l'armée coloniale entreprit dès l'aube du 6 janvier 1959, l'encerclement de la région, en vue de lancer une vaste opération dans la région. Les anciens moudjahidine Rabah Bendif et Chettabi Hocine, rescapés de la bataille de Vouguerfene et aujourd'hui décédés (le premier en 2022, le second en 2020), faisaient état de plusieurs milliers de soldats armés jusqu'aux dents et appuyés par l'artillerie et l'aviation, dépêchés à Ait Yahia Moussa. Les moudjahidine qui occupaient les crêtes étaient ainsi avantagés, malgré leur nombre réduit comparé aux troupes ennemies, par leur positionnement stratégique qui leur permettait de dominer et de contrôler le mouvement des soldats français et de pouvoir se retirer rapidement. De plus, lors de cette bataille, les moudjahidine avaient utilisé des armes modernes qui pouvaient provoquer des dégâts chez leurs adversaires, comme les mitrailleuses, ce qui a surpris les soldats français qui reculèrent et firent intervenir l'aviation et l'artillerie, selon le témoignage de Salah Mekacher. Vers 10h du matin (6 janvier), une dizaine d'avions T6 font leur apparition et commencent à déverser du napalm, à tirer des roquettes et à balayer la région par des tirs de mitrailleuses 12/7. Pour ne pas perdre l'avantage, les chefs de l'ALN recoururent à une méthode classique consistant à se rapprocher de l'ennemi et à engager le combat au corps à corps pour compliquer la tâche à l'aviation, car les victimes de ces tirs pourraient être des français, avait précisé le défunt moudjahid. Feu Hocine Chettabi, qui était alors ancien chef de front et qui avait été brûlé au napalm lors de cette bataille, rapportait lui aussi que son chef militaire, le lieutenant Mohand Oulhadj de Tafoughalt (zone IV), avait donné l'ordre à sa Compagnie d'engager un combat au corps afin de contrecarrer l'intervention de l'artillerie et de l'aviation. Le combat acharné au corps à corps et la bravoure des moudjahidine ont eu raison des assauts de l'armée française, dont les soldats se sont retranchés dans des maisons en ruine, et où l'ALN a réussi à éliminer un capitaine français qui n'était autre que le sinistre et tortionnaire Jean Graziani, capitaine des paras tué par Rekam El Hocine. L'élimination de Graziani a fait croire à l'ennemi que tout son bataillon a été décimé, d'où le recours au napalm. Les bombardements et les tirs à l'artillerie s'intensifièrent alors aveuglément, au point où l'ennemi prit pour cibles ses propres éléments qu'il ne distinguait plus des moudjahidine, selon les mêmes témoignages. Les troupes françaises, commandées par le général Jacques Faure de la 27e division de l'infanterie Alpine, avaient engagé dans cette bataille plus de 32.000 hommes, dont 10 bataillons et un commando spécialisé des grottes. Côté ALN, quatre compagnies, (Djurdjura, Maatkas, Ait Yahia Moussa et Lakhdharia), totalisant plus de 600 moudjahidine et un groupe commando de la zone de Tizi-Ouzou, composé de 25 hommes menés par Moh Djerdjer Mitiche, étaient engagés dans le combat. Une inégalité en forces militaires qui n'a pourtant pas permis à l'ennemi de remporter la victoire, car le stratagème mis en place par les chefs de l'ALN a été plus efficace et plus puissant que la puissance du feu de l'armée française, avait-on rapporté. L'ALN a ainsi écrit, avec la résistance des moudjahidine qui a dérouté l'ennemi et lui a infligé de lourdes pertes, l'une des plus belles pages de la

Jan 5, 2025 - 20:34
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La bataille d'Ait Yahia Moussa (Tizi-Ouzou): lorsque le stratagème l'emporte sur la puissance militaire de l'ennemi

TIZI-OUZOU - La bataille d'Ait Yahia Moussa qui a eu lieu le 6 janvier 1959 à Vouguerfene à Tizi Ouzou, affirme que le stratagème de l'Armée de libération nationale (ALN) a infligé de cuisantes défaites à l'armée coloniale française en dépit des moyens militaires importants que cette dernière avait mobilisés contre la Révolution algérienne.

Des témoignages de moudjahidine (aujourd'hui décédés) sur cette bataille qui a opposé à Vouguerfene (30 km au sud de Tizi-Ouzou) des combattants de l'ALN à un fort bataillon de l'armée coloniale française, affirment qu'elle restera une leçon en matière de stratagème militaire.

Tout a commencé lorsque l'armée coloniale a eu vent d'une importante réunion de chefs militaires de l'ALN qui devait avoir lieu à Ait Yahia Moussa, dans la wilaya III historique, selon les mêmes témoignages.

L'ancien secrétaire du poste de commandement de la Wilaya III, Salah Mekacher, décédé en 2021, rapportait dans une déclaration à l'APS qui l'avait rencontré en 2020, qu'"à l'origine de cet évènement, il semble bien qu'un renseignement soit parvenu aux autorités françaises à propos de la présence du colonel Si M'Hamed Bougara dans les parages et que celui-ci rentrait à son poste de commandement de wilaya après sa réunion avec les quatre colonels de l'intérieur". Il s'agissait d'une importante réunion de coordination qui a regroupé, au domicile de Krim Belkacem, au village Thizra Aissa, des responsables de l'ALN dont les colonels Amirouche (wilaya III historique) et M'hamed Bougara (wilaya IV), avait-il indiqué.

Aussitôt l'information reçue, l'armée coloniale entreprit dès l'aube du 6 janvier 1959, l'encerclement de la région, en vue de lancer une vaste opération dans la région.

Les anciens moudjahidine Rabah Bendif et Chettabi Hocine, rescapés de la bataille de Vouguerfene et aujourd'hui décédés (le premier en 2022, le second en 2020), faisaient état de plusieurs milliers de soldats armés jusqu'aux dents et appuyés par l'artillerie et l'aviation, dépêchés à Ait Yahia Moussa. Les moudjahidine qui occupaient les crêtes étaient ainsi avantagés, malgré leur nombre réduit comparé aux troupes ennemies, par leur positionnement stratégique qui leur permettait de dominer et de contrôler le mouvement des soldats français et de pouvoir se retirer rapidement.

De plus, lors de cette bataille, les moudjahidine avaient utilisé des armes modernes qui pouvaient provoquer des dégâts chez leurs adversaires, comme les mitrailleuses, ce qui a surpris les soldats français qui reculèrent et firent intervenir l'aviation et l'artillerie, selon le témoignage de Salah Mekacher.

Vers 10h du matin (6 janvier), une dizaine d'avions T6 font leur apparition et commencent à déverser du napalm, à tirer des roquettes et à balayer la région par des tirs de mitrailleuses 12/7.

Pour ne pas perdre l'avantage, les chefs de l'ALN recoururent à une méthode classique consistant à se rapprocher de l'ennemi et à engager le combat au corps à corps pour compliquer la tâche à l'aviation, car les victimes de ces tirs pourraient être des français, avait précisé le défunt moudjahid.

Feu Hocine Chettabi, qui était alors ancien chef de front et qui avait été brûlé au napalm lors de cette bataille, rapportait lui aussi que son chef militaire, le lieutenant Mohand Oulhadj de Tafoughalt (zone IV), avait donné l'ordre à sa Compagnie d'engager un combat au corps afin de contrecarrer l'intervention de l'artillerie et de l'aviation.

Le combat acharné au corps à corps et la bravoure des moudjahidine ont eu raison des assauts de l'armée française, dont les soldats se sont retranchés dans des maisons en ruine, et où l'ALN a réussi à éliminer un capitaine français qui n'était autre que le sinistre et tortionnaire Jean Graziani, capitaine des paras tué par Rekam El Hocine.

L'élimination de Graziani a fait croire à l'ennemi que tout son bataillon a été décimé, d'où le recours au napalm. Les bombardements et les tirs à l'artillerie s'intensifièrent alors aveuglément, au point où l'ennemi prit pour cibles ses propres éléments qu'il ne distinguait plus des moudjahidine, selon les mêmes témoignages.

Les troupes françaises, commandées par le général Jacques Faure de la 27e division de l'infanterie Alpine, avaient engagé dans cette bataille plus de 32.000 hommes, dont 10 bataillons et un commando spécialisé des grottes.

Côté ALN, quatre compagnies, (Djurdjura, Maatkas, Ait Yahia Moussa et Lakhdharia), totalisant plus de 600 moudjahidine et un groupe commando de la zone de Tizi-Ouzou, composé de 25 hommes menés par Moh Djerdjer Mitiche, étaient engagés dans le combat.

Une inégalité en forces militaires qui n'a pourtant pas permis à l'ennemi de remporter la victoire, car le stratagème mis en place par les chefs de l'ALN a été plus efficace et plus puissant que la puissance du feu de l'armée française, avait-on rapporté.

L'ALN a ainsi écrit, avec la résistance des moudjahidine qui a dérouté l'ennemi et lui a infligé de lourdes pertes, l'une des plus belles pages de la guerre de libération nationale. Les pertes ennemies s'élevaient à plus de 400 soldats français et à deux officiers, le capitaine Jean Graziani et le lieutenant Jean Chassin.

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