Pour l’heure tout semble réussir à Donald Trump, mais à condition de ne pas le prendre au mot, de savoir en particulier faire dans ses menaces la part de la surenchère et du bluff de celle qu’il faut prendre à la lettre. Lorsqu’il y a encore peu, il faisait monter en flèche les tarifs douaniers sur les produits mexicains, canadiens, et subsidiairement chinois, il ne fallait pas croire les justifications dont il accompagnait ses décisions, qui tournaient autour du déficit des Etats-Unis dans leurs échanges avec ces pays, qui à côté de l’Europe, sont leurs principaux partenaires économiques. Mais comme tout le monde l’a cru, tout le monde s’est trompé, même si c’est sans conséquences pour la plupart. Des économistes de renom, américains et non, s’y sont tellement laissé prendre qu’ils en bavaient d’indignation, Larry Summers en particulier, et Paul Krugman, mais avec plus de retenue quant à lui. Les Canadiens y ont cru davantage que les Mexicains, comme en témoignent la rapidité et la véhémence de leurs réactions. Les Canadiens ont en effet parlé de trahison, de coup de poignard dans leur dos, de riposte douloureuse à venir pour les Américains, d’union sacrée, de guerre économique déclarée contre eux, qu’ils allaient mener avec courage et détermination.
En fait, les Mexicains, à travers leur présidente Claudia Sheinbaum, s’étaient indignés les premiers, avant la hausse des tarifs d’ailleurs et pour un motif adjacent : en réaction à la «calomnie» formulée contre eux par Trump, comme quoi leur gouvernement était complice des cartels de drogue qui inondent les Etats-Unis de fentanyl, une drogue en train d’y faire des ravages. Ce qu’ils ont fait en gardant la tête froide de bout en bout, un comportement que leur président leur a tout de suite indiqué, dont elle-même ne s’est guère départie. Si bien qu’elle na pas eu de mal quand les tarifs sont tombés à parler au téléphone avec Trump, et à s’entendre avec lui sur un report d’un mois de la hausse, en échange du déploiement de 10 000 gardes nationaux mexicains le long de la frontière pour renforcer la lutte contre les trafiquants de drogue et l’immigration clandestine. On a appris aussitôt que le même arrangement est passé avec le Canada, qui à son tour déploie le même nombre de gardes le long de ses frontières avec les Etats-Unis. De sorte que la question se pose de savoir quelles étaient donc les véritables récriminations de Trump. Etaient-elles dues au déséquilibre dans les échanges avec le Mexique et le Canada, ou à leur supposé laxisme vis-à-vis du trafic de drogue ? Si la véritable cause de la hausse des tarifs est la porosité des frontières, le même arrangement provisoire n’est pas possible avec la Chine, pour la bonne raison qu’elle n’en a pas avec les Etats-Unis. L’Europe non plus d’ailleurs, avec laquelle la guerre commerciale n’est pas encore déclarée, mais dont probablement elle ne pourra pas longtemps faire l’économie, à prendre en compte les menaces de Trump. Dans son cas, ce ne serait pas en sévissant contre les cartels de drogue qu’elle pourrait l’amadouer pour suspendre le couperet de la hausse des tarifs. Le déficit commercial pourrait bien être la seule cause de son mécontentement et de ses réactions, qui alors seraient sans rémission, sans report, ne serait-ce que d’un mois, ou même seulement de quelques jours.