Le denier de la veuve
Par Anouar Macta – Ce n’est pas l’accord de 1968 qui dérange, c’est ce qu’il rappelle : une dette morale et une Algérie qui tient tête à cette France qui pleure sur un «cadeau empoisonné» qu’elle aurait elle-même offert L’article Le denier de la veuve est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Par Anouar Macta – Depuis plusieurs semaines, un fracas politico-médiatique résonne de Paris à Marseille autour d’un texte que beaucoup découvrent à peine : l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, régissant l’entrée, le séjour et le travail des ressortissants algériens en France. Ce texte, modifié à plusieurs reprises, est aujourd’hui brandi comme un chiffon rouge par une frange politique française en mal d’électorat et en quête d’un exutoire commode. Mais à quoi assiste-t-on vraiment ?
A une instrumentalisation grossière d’un accord bilatéral, vieux de plus de cinquante ans, qu’on voudrait faire passer pour une faveur, un privilège, voire une anomalie honteuse. Pire : on cherche à faire croire que cet accord coûterait cher à la France, comme si les Algériens qui y immigrent s’abreuvaient à la table sans jamais y contribuer.
Or, ce qu’on appelle désormais «l’accord de la discorde» n’est ni un passe-droit ni un blanc-seing. C’est un texte juridique, ratifié, modifié, rééquilibré à plusieurs reprises, et surtout lié à une histoire commune : celle, douloureuse, du déracinement, des blessures coloniales et des promesses non tenues. Vouloir l’abroger unilatéralement, c’est rompre non seulement un engagement bilatéral, mais surtout une logique de réparation implicite. Cela revient, dans une logique perverse, à faire passer le bourreau pour la victime.
Et c’est là qu’intervient cette formule cynique : le denier de la veuve. Une expression tirée des Evangiles, où une pauvre femme donne au Temple tout ce qu’elle possède – quelques pièces –, pendant que les riches donnent de leur superflu. Appliquée ici, la formule devient une farce morale : la France, ancienne puissance coloniale, se présente comme une pauvre veuve injustement saignée par une ex-colonie exigeante. C’est l’arroseur arrosé version diplomatique. Mais, surtout, c’est une insulte à la mémoire et à l’intelligence.
L’Algérie, de son côté, ne saurait accepter d’être tenue responsable du déséquilibre socio-économique français. Encore moins de servir de variable d’ajustement à une droite française en pleine déroute identitaire. Une dénonciation unilatérale de l’accord sera portée devant les instances internationales, car il ne s’agit pas ici d’un simple papier à froisser, mais d’un acte souverain signé entre deux Etats.
Dans cette France qui pleure sur un «cadeau empoisonné» qu’elle aurait elle-même offert, c’est l’histoire qu’on piétine. On veut nous faire croire à un paquet-cadeau vide, alors que ce qui gêne, au fond, c’est que les liens algériens en France sont encore vivaces, sociaux, humains, économiques et historiques. Ce n’est pas l’accord de 1968 qui dérange, c’est ce qu’il rappelle : une dette morale, un passé pesant et une Algérie qui tient tête.
A. M.
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