Le lauréat de la Palme d’or inhumé au cimetière de Sidi Yahia: Mohamed Lakhdar Hamina, un monument du cinéma nous quitte
Acteur, réalisateur et producteur, le cinéaste et moudjahid Mohamed Lakhdar Hamina, décédé vendredi à l’âge de 95 ans, a été inhumé hier au cimetière de Sidi Yahia après la prière du Assr en présence d’un grand nombre d’artistes, d’amis, de collègues et fans de l’artiste. Par Abla Selles Depuis l’annonce vendredi soir de la nouvelles, […]

Acteur, réalisateur et producteur, le cinéaste et moudjahid Mohamed Lakhdar Hamina, décédé vendredi à l’âge de 95 ans, a été inhumé hier au cimetière de Sidi Yahia après la prière du Assr en présence d’un grand nombre d’artistes, d’amis, de collègues et fans de l’artiste.
Par Abla Selles
Depuis l’annonce vendredi soir de la nouvelles, les messages de condoléances sont tombés de partout. L’écrivain et journaliste Najib Stambouli a écrit sur sa page Facebook : «Allah yerhmou, l’art algérien porte désormais le deuil de notre plus grand cinéaste, le récipiendaire de la Palme d’or, Lakhdar-Hamina qui, pied de nez du destin, nous quitte le jour de la diffusion à Cannes, en hommage à son éternel talent, de son film «Chroniques des années de braise» …» «Une légende du cinéma algérien s’éteint, mais son œuvre reste éternelle. Il n’était pas seulement réalisateur. Il était voix, feu, résistance. Avec lui, l’Algérie a parlé au monde. Avec lui, le cinéma est devenu combat, beauté, dignité. il a gravé notre lutte dans l’histoire du 7e art. Lakhdar-Hamina ne faisait pas du cinéma pour divertir, mais pour rappeler, éveiller et résister. Il croyait en la puissance du cinéma comme arme de reconstruction identitaire. Il racontait l’Algérie avec une caméra comme d’autres racontent avec une plume ou un fusil », écrit Beldjilali Kenza sur sa page Facebook. «Je m’appelle Sofian Zermani, comédien, rappeur et producteur, je suis né en France, mes parents sont venus d’Algérie. Je suis de cette génération qu’on appelle parfois «les Beurs», entre deux rives, entre deux mémoires, entre deux histoires qui se regardent sans toujours se parler. Et aujourd’hui, je suis ému, fier et reconnaissant d’être ici à Cannes, pour rendre hommage à un monument du cinéma : Mohamed Lakhdar-Hamina;
«Chronique des années de braise», ce n’est pas juste un film. C’est un cri d’humanité, une œuvre de vérité; C’est un morceau de notre histoire, celle qui brûle encore dans les silences, dans les blessures, dans les souvenirs qu’on nous a trop souvent appris à taire;
Ce film c’est la voix de nos grands-parents. C’est la marche de ceux qui n’avaient rien, sauf leur dignité. C’est une lumière dans la nuit de l’oubli. Et ce soir, cette lumière brille à Cannes, Alors e veux dire merci. Merci au Festival de Cannes. Merci d’avoir eu le courage d’honorer un homme, un film, une mémoire; Ce n’est pas un geste banal »disait l’artiste en rendant hommage à Lakhdar Hamina à Cannes avant la projection aujourd’hui de la version restaurée de Chronique des années de braise dans la selection Cannes Classics, quelques heures avant l’annonce du décès de Mohamed Lakhdar-Hamina).
L’artiste défunt aura marqué le cinéma algérien durant plus de 50 ans, laissant derrière lui une œuvre prolifique à la grandeur de l’Histoire de l’Algérie et de la richesse de sa culture. Né à M’sila, Mohamed Lakhdar Hamina avait manifesté, dès son enfance, un penchant prononcé pour la photo et l’image, faisant ses premières classes d’enseignement général en Algérie qu’il avait poursuivi en France, pour rejoindre en 1958 Tunis, où il a suivi une formation avant de retrouver ses camarades de combat et tourner ses premiers films au maquis. Une année plus tard, il est envoyé par le FLN en Tchécoslovaquie pour suivre des études en cinéma à Prague où il s’était spécialisé dans la prise de vue, tout en regagnant régulièrement Tunis pour tourner notamment avec Djamel Chanderli (1920-1990), «Yasmina», «La Voix du peuple» et «Les Fusils de la liberté».
Après l’Indépendance, il rassemble ses anciens collaborateurs de Tunis pour jeter les bases de ce qui va devenir l’»Office des actualités algériennes», dont il deviendra le directeur de 1963 à 1974. En 1965, il tourne son premier long-métrage «Le vent des Aurès» avec la grande Keltoum (Aicha Adjouri 1916-2010), époustouflante dans le rôle d’une mère désemparée errant entre les prisons et camps de concentration de l’armée coloniale française, à la recherche de son fils embarqué dans une rafle par la police coloniale. «Le vent des Aurès» sera alors couronné du Prix de la première œuvre au Festival de Cannes en 1967, marquant ainsi la présence du cinéma algérien sur la scène internationale.
En 1968, il tourne «Hassen Terro» interprété par le regretté «Rouiched» (Ahmed Ayad, 1921-1999), un deuxième long métrage qui lui ouvrira la porte de la popularité en Algérie, pour récidiver en 1972 avec le film «Décembre», qui dénoncera l’abjection et la barbarie de la torture, adoptée par l’armée coloniale française en mode de fonctionnement.
En 1974, Mohamed Lakhdar Hamina réalise «Chronique des années de braise», une grande fresque historique, partagée en six tableaux: depuis les premiers mouvements de résistance jusqu’à la glorieuse Révolution de Novembre 1954, une épopée d’une grande force visuelle qui remportera la Palme d’or au Festival de Cannes en 1975.
Directeur de l’Office national du cinéma et de l’industrie cinématographique (ONCIC) de 1981 à 1984, le défunt signera durant cette période, deux films: «Vent de sable» (1982) et «La Dernière Image» (1985) avant de finir en 2014 par son dernier long métrage, «Crépuscule des ombres».
Mohamed Lakhdar Hamina a également produit plusieurs films à succès, à l’exemple de «Z» (1969) de Costa Gavras et «Le bal» (1983) d’Ettore Scola, tandis que certains de ses films sont marqués par son passage en caméo. Ainsi, le défunt a fait des apparitions dans «Chroniques des années de braise» en incarnant le personnage de «Miloud», un conteur à la parole vraie et juste, souffrant de l’indifférence des autres car atteint de folie, «La dernière image» et en 2019 dans «J’accuse» de Roman Polanski.
A.S.