Lettres: Saïda Abouba, la voix des Aurès à travers les mots

Son premier roman, Aurès, est une fresque douloureuse et vibrante. À travers l’histoire d’un jeune chaoui et de ses aïeux, elle évoque la misère des villages auressiens, la guerre de Libération, mais aussi la persévérance et l’espoir d’un peuple qui n’a jamais renoncé. Par Hafit Zaouche Née à Himsounine, un village au sud des Aurès […]

Sep 15, 2025 - 20:50
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Lettres: Saïda Abouba, la voix  des Aurès à travers les mots

Son premier roman, Aurès, est une fresque douloureuse et vibrante. À travers l’histoire d’un jeune chaoui et de ses aïeux, elle évoque la misère des villages auressiens, la guerre de Libération, mais aussi la persévérance et l’espoir d’un peuple qui n’a jamais renoncé.

Par Hafit Zaouche

Née à Himsounine, un village au sud des Aurès dont le nom signifie «paradis», Saïda Abouba incarne cette terre rude et belle, forgée par l’histoire et par la résistance. Enseignante d’anglais à Batna, diplômée de l’université de la même ville, elle s’est très tôt tournée vers l’écriture comme un espace de mémoire, d’identité et d’espoir. Dans ses romans, elle insuffle des mots en tamazight chaoui, pour que sa langue maternelle reste vivante et qu’elle continue à porter les récits des siens.
Son premier roman, Aurès, est une fresque douloureuse et vibrante. À travers l’histoire d’un jeune chaoui et de ses aïeux, elle évoque la misère des villages auressiens, la guerre de Libération, mais aussi la persévérance et l’espoir d’un peuple qui n’a jamais renoncé. Entre poèmes et récits, le roman devient un hommage à une région qui symbolise pour elle la beauté, la gloire et la fierté.
Avec Betta, le combat d’une Aurassienne, Saïda Abouba entre dans un registre plus intime. Ce roman autobiographique rend hommage à sa mère, femme de courage et de dignité, modèle de générosité et de combativité. À travers elle, l’auteure raconte la condition des femmes des Aurès, leurs souffrances, leurs sacrifices, mais aussi leur force et leur lumière. Un récit qui devient une ode à toutes les femmes auressiennes, piliers des familles et gardiennes des traditions.
Dans Le destin fatal de Taziri, son troisième roman, Saïda Abouba continue d’explorer la douleur, l’amour et les traditions, en tissant toujours des récits profondément ancrés dans l’univers chaoui. Soucieuse de transmission, elle traduit également ses œuvres en tamazight et en anglais, ouvrant ses récits à un lectorat plus large et contribuant à la valorisation de la langue chaouie. Elle a, par ailleurs, travaillé à la traduction de Terre des femmes de Nassira Belloula en tamazight, et prépare d’autres projets ambitieux : un recueil de contes des Aurès en trois langues, la traduction des poèmes de son frère Belkacem Abouba, ou encore une pièce de théâtre, L’endurance, écrite dans trois langues.
Son ouvrage Sur les traces des femmes auressiennes qu’elle a traduit elle-même en tamazight et lui a valu le 3e prix lors de la première édition du Prix du Président de la langue et de la littérature amazighes, une distinction qui confirme son rôle dans la défense et la mise en lumière de la mémoire féminine des Aurès.
Avec Boudiaf, un espoir brisé, Saïda Abouba franchit un nouveau cap : celui de l’histoire nationale. À travers ce roman, elle revient sur l’assassinat tragique de Mohamed Boudiaf, ancien président algérien et figure emblématique de la révolution et du renouveau espéré. L’auteure ne se contente pas de relater un événement : elle en interroge le sens, les blessures collectives et les désillusions d’un peuple qui avait mis tant d’espoir dans cet homme. Par la littérature, elle transforme un traumatisme national en matière de réflexion et de mémoire, rappelant que l’écrivain n’est pas seulement le témoin d’une région, mais aussi le gardien des grandes pages de l’histoire algérienne. L’écriture de Saïda Abouba est traversée par une conviction : faire vivre la mémoire des Aurès et donner une voix à ceux qu’on entend rarement. Pour elle, la femme auressienne incarne la force, la beauté et l’endurance, tandis que les montagnes et paysages de sa région représentent une source inépuisable d’inspiration. Mais au-delà des Aurès, c’est toute l’Algérie qu’elle porte dans ses mots : une terre marquée par la douleur mais irriguée d’espérance.
Saïda Abouba n’est pas seulement une écrivaine : elle est une passeuse de mémoire et de cultures, une voix citoyenne et littéraire. À travers ses livres, elle rappelle que l’Algérie, malgré ses blessures, est une terre de résistance et d’avenir.

H. Z.