Manque de sang dans les hôpitaux : L’Algérie doit sortir de l’urgence

Tous les 14 juin, la Journée mondiale du donneur de sang vient nous rappeler une vérité implacable : sans donneurs volontaires, pas de soins possibles. Le sang ne se fabrique pas. Il ne s’achète pas. Il ne se remplace pas. Il se donne. Pourtant, en Algérie, alors que les hôpitaux manquent régulièrement de produits sanguins, ce […] The post Manque de sang dans les hôpitaux : L’Algérie doit sortir de l’urgence appeared first on Le Jeune Indépendant.

Juin 21, 2025 - 22:23
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Manque de sang dans les hôpitaux : L’Algérie doit sortir de l’urgence

Tous les 14 juin, la Journée mondiale du donneur de sang vient nous rappeler une vérité implacable : sans donneurs volontaires, pas de soins possibles. Le sang ne se fabrique pas. Il ne s’achète pas. Il ne se remplace pas. Il se donne. Pourtant, en Algérie, alors que les hôpitaux manquent régulièrement de produits sanguins, ce geste vital reste encore trop lié à l’urgence ou à la détresse d’un proche.

Pour inverser cette tendance et garantir une disponibilité continue des produits sanguins, un changement profond des mentalités s’impose. Et dans cette dynamique, les médias sont appelés à jouer un rôle pivot. Pour le Pr Issam Frigaa, chef du Centre d’hémobiologie et de transfusion sanguine au CHU Mustapha-Pacha, il faut sortir le don de sang du schéma dominant. « Près de 70 % des dons en Algérie proviennent encore de donneurs familiaux. Le don volontaire, régulier, reste marginal. C’est insuffisant, instable, et dangereux pour notre système de santé », alerte-t-il.

Ce modèle de don circonstanciel a atteint ses limites. Il compromet la capacité des hôpitaux à répondre aux urgences mais aussi à traiter les pathologies chroniques. « Le don de sang ne doit pas être un acte d’exception mais un engagement régulier, citoyen et solidaire », martèle le professeur.

Pour enclencher cette mutation culturelle, il ne suffit pas de multiplier les appels d’urgence. Il faut construire une confiance durable, lever les peurs, corriger les idées reçues. « Beaucoup hésitent à donner par peur de l’aiguille, de la fatigue, ou à cause de croyances erronées. C’est le symptôme d’un déficit en information », déplore le Pr Frigaa.

Pourtant, le don de sang est entièrement sécurisé : matériel stérile à usage unique, encadrement médical rigoureux, examens préalables. « Donner son sang en Algérie est un acte sûr, accessible à tous. Il faut le dire haut et fort, et de manière constante », insiste-t-il.

Et c’est ici que les médias doivent monter en première ligne. Lors d’une session de formation à destination des journalistes, le professeur a lancé un appel clair : « Vous êtes des régulateurs de comportements. Vous avez le pouvoir de faire du don de sang un sujet de société, de responsabilité collective, et même de fierté. »

La télévision, la radio, la presse écrite, les réseaux sociaux peuvent déconstruire les peurs, relayer les témoignages de donneurs, donner la parole aux médecins, et créer une culture du don. « Il faut des campagnes continues, pas des réactions ponctuelles », plaide-t-il.

Trop souvent, la communication autour du don de sang se réduit à des visuels stéréotypés : bras tendu, poche de sang. « Il est temps de renouveler notre manière de raconter ce geste, de l’humaniser, de l’incarner », propose le Pr Frigaa. Il appelle ainsi les journalistes à explorer des formats plus immersifs : reportages, récits, podcasts, portraits, vidéos… « L’émotion sincère est un levier plus puissant que le choc visuel », souligne-t-il.

Pour stimuler cette créativité, le professeur propose même l’organisation d’un hackathon journalistique, destiné à récompenser les meilleures productions médiatiques autour du don de sang.

 

Un geste simple, un impact vital

Le 14 juin n’est pas une date anodine : elle célèbre la naissance du Dr Karl Landsteiner, découvreur des groupes sanguins, une avancée scientifique qui a permis les premières transfusions sécurisées. « Cette journée rend hommage à la science, mais aussi à l’humanité », souligne le Pr Frigaa.

Donner son sang ne prend que quelques minutes mais peut sauver jusqu’à trois vies. Accessible à toute personne âgée de 18 à 65 ans, en bonne santé et pesant plus de 50 kg, ce geste est rapide, encadré et essentiel. Chaque année, des millions de patients dans le monde en dépendent : accidentés, femmes en post-partum, enfants souffrant d’anémie, malades du cancer…

Des centres fixes et des unités mobiles existent, mais sans une mobilisation citoyenne massive et régulière, ces dispositifs ne suffisent plus. Il est temps de sortir de l’indifférence. « Il est temps que le don de sang devienne un réflexe ancré dans les habitudes, dans les consciences et dans l’éducation », plaide le Pr Issam Frigaa.

Et pour cela, les médias doivent prendre toute leur part : informer, rassurer, valoriser, avec rigueur et imagination. Parce qu’informer, c’est déjà soigner. Et qu’une société qui donne son sang est une société qui choisit la vie.

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