Maroc : Le « Printemps de la Colère » de la Génération Z secoue le Makhzen
Après le Népal, c’est au tour du Maroc de voir sa jeunesse descendre massivement dans la rue. Les 28 et 29 septembre, les grandes villes du royaume ont été le théâtre de manifestations d’une ampleur inédite, portées par une Génération Z excédée par la corruption, les inégalités criantes et la dégradation de ses conditions de […]

Après le Népal, c’est au tour du Maroc de voir sa jeunesse descendre massivement dans la rue.
Les 28 et 29 septembre, les grandes villes du royaume ont été le théâtre de manifestations d’une ampleur inédite, portées par une Génération Z excédée par la corruption, les inégalités criantes et la dégradation de ses conditions de vie.
Face à un pouvoir incarné par le richissime Premier ministre Akhannouch et le Roi Mohammed VI, la réponse fut la répression. Le royaume est-il assis sur une poudrière sociale?
La clameur qui s’est élevée ces deux jours des rues de Rabat, Casablanca, Fès et Marrakech n’est pas un simple soubresaut social.
C’est un cri, celui d’une génération sacrifiée qui refuse de se taire. Inspirés par d’autres mouvements de jeunesse à travers le monde, comme récemment au Népal, des milliers de Marocains, jeunes et moins jeunes, ont bravé l’interdit pour dénoncer une réalité que la communication officielle du royaume s’efforce de masquer : un système économique et social à bout de souffle, qui enrichit une élite déconnectée et appauvrit le reste de la population.
Anatomie d’un « ras-le-bol » généralisé
Les slogans scandés lors de ces rassemblements sont sans équivoque. Ils visent directement les symboles d’un pouvoir perçu comme prédateur : la corruption endémique, le chômage de masse qui frappe de plein fouet les diplômés, l’absence d’une justice équitable et, surtout, l’enrichissement insolent des hommes au pouvoir.
Les noms du Premier ministre, le milliardaire Aziz Akhannouch, et du Roi Mohammed VI lui-même, étaient sur toutes les lèvres, cristallisant le ressentiment contre une oligarchie qui prospère sur la misère du peuple.
Ce mouvement de colère puise sa source dans les difficultés très concrètes du quotidien :
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Le coût de la vie insupportable : La flambée des prix des produits de première nécessité a atteint des niveaux records. Les céréales, les huiles, les légumes, autrefois la base de l’alimentation des familles modestes, sont devenus des produits de luxe. Le budget des ménages est étranglé, et la précarité gagne chaque jour du terrain.
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La déliquescence des services publics : Le secteur de la santé publique est le symbole de cet abandon. Les hôpitaux sont au bord de l’asphyxie, confrontés à une surpopulation chronique, un manque criant de personnel soignant et de matériel, et des temps d’attente qui se transforment en déni de soins pour les plus démunis.
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La crise du gaz : La bonbonne de gaz, indispensable à la quasi-totalité des foyers marocains pour la cuisine et le chauffage, a vu son prix exploser. Cet élément de base est devenu un fardeau financier, illustrant de manière poignante la dégradation du pouvoir d’achat.
La répression comme seule réponse
Face à cette marée humaine unie par la même détresse, la réponse du Makhzen fut celle qu’on lui connaît : la force.
Les images circulant sur les réseaux sociaux témoignent de la brutalité de l’intervention policière.
Les manifestants, qui défilaient pacifiquement, ont été violemment chargés et frappés.
De nombreuses arrestations ont eu lieu, des jeunes gens emmenés de force vers les postes de police, dans une vaine tentative d’étouffer la contestation par la peur.
Cette réaction sécuritaire ne fait que confirmer la surdité du pouvoir face aux revendications légitimes de son peuple. Elle révèle la fébrilité d’un système qui ne tolère aucune remise en cause de ses privilèges et de son fonctionnement.
Le système du Makhzen face à ses contradictions
La question qui brûle désormais toutes les lèvres est posée. Le Maroc est présenté à l’international comme un pôle de stabilité et de modernité, mais la réalité sur le terrain est celle d’une cocotte-minute sociale.
Les inégalités de richesse, parmi les plus élevées de la région, ne sont plus tolérées par une jeunesse connectée, informée et qui refuse de subir le sort de ses aînés.
Le système du Makhzen, ce subtil et complexe enchevêtrement de pouvoir royal, d’intérêts économiques et d’appareils sécuritaires, semble incapable ou, plus probablement, refuse de se réformer en profondeur.
Chaque crise est gérée par des promesses sans lendemain ou par la répression, sans jamais s’attaquer aux racines du mal : la répartition inéquitable des richesses et l’impunité de la corruption.
La patience, longtemps érigée en vertu nationale, est à bout. En demandant au peuple de « patienter » encore et toujours, le régime marocain ne fait que rajouter du combustible à un incendie qui couve. Les manifestations du 28 et 29 septembre ne sont probablement qu’un prélude. La véritable inconnue n’est plus de savoir si la poudrière sociale explosera, mais quand.