Nouvelle entreprise de désinformation du colon nostalgique Bernard Lugan

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Mars 7, 2025 - 09:39
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Nouvelle entreprise de désinformation du colon nostalgique Bernard Lugan

Une contribution de Khaled Boulaziz – Bernard Lugan, fidèle à son obsession de réhabiliter le colonialisme français, nous gratifie une fois de plus d’un pamphlet déguisé en ouvrage académique. Sous couvert d’une «rigueur» historique, Histoire de l’Algérie, des origines à nos jours (1) est un ramassis de sophismes, d’approximations malhonnêtes et d’omissions volontaires, le tout au service d’un agenda idéologique à peine voilé. Loin d’être une «contribution essentielle à l’historiographie algérienne», ce livre est une tentative éhontée de déconstruire un récit national algérien en y opposant une fiction coloniale tout aussi biaisée.

Une thèse grotesque : «L’Algérie n’a jamais existé avant la colonisation»

D’entrée de jeu, Lugan adopte une posture qui suinte l’anachronisme. Selon lui, il n’existait pas de nation algérienne avant 1830, car il n’y avait ni nom, ni frontières, ni pouvoir central. C’est confondre Etat et nation, et faire preuve d’une ignorance crasse de l’histoire universelle.

Si l’on suit cette logique douteuse, l’Italie et l’Allemagne n’auraient pas existé avant leur unification au XIXe siècle. Doit-on alors conclure que Rome et le Saint-Empire romain germanique n’étaient que des mirages ? Ridicule. L’idée de nation ne se limite pas à une structure administrative. Des peuples partagent une langue, une culture, une histoire commune bien avant de voir émerger un Etat moderne.

Le philosophe Ernest Renan, dans sa conférence de 1882, «Qu’est-ce qu’une nation ?», rappelle que «l’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours». Il montre que la nation est un phénomène historique qui ne dépend pas d’un découpage territorial administratif, mais d’une conscience collective forgée par une histoire partagée.

L’historien Mohammed Harbi, spécialiste de l’histoire du nationalisme algérien, montre dans L’Algérie et son destin que, bien avant la colonisation, les élites algériennes développaient déjà une conscience politique face aux interventions ottomanes et européennes.

Lugan s’accroche à une fable : selon lui, l’Algérie n’avait aucune unité avant 1830, oubliant que la Régence d’Alger était un Etat structuré, avec une armée, une administration et des relations diplomatiques internationales, comme en attestent les traités signés avec la France, l’Espagne et l’Empire ottoman.

Une argumentation fallacieuse et malhonnête : glorification de la colonisation

Lugan ose affirmer que la France a «créé» l’Algérie en traçant ses frontières, en introduisant une administration et en désenclavant le territoire par un réseau de routes et de chemins de fer. Ce raisonnement est aussi cynique que grotesque. Un violeur qui marie sa victime ne peut pas revendiquer la paternité de son enfant.

Si la colonisation a imposé une infrastructure, ce fut avant tout au profit des colons et de l’exploitation des ressources, et non d’un projet philanthropique. Il suffirait de relire les rapports des gouverneurs français eux-mêmes pour voir que les infrastructures coloniales n’étaient jamais pensées dans l’intérêt des populations indigènes.

L’historien Olivier Le Cour Grandmaison montre dans Coloniser, exterminer que l’invasion de l’Algérie s’est accompagnée de massacres de masse, de la destruction systématique des villages et de la spoliation des terres.

Le chercheur Yves Benot, dans Massacres coloniaux, prouve que la colonisation a été un processus de violence extrême et non une mission civilisatrice bienveillante.

La colonisation ne fut pas un «désenclavement» mais un écrasement brutal d’une société qui avait ses propres structures, son économie et ses réseaux commerciaux bien avant l’invasion française. Rappelons que la ville de Tlemcen était un centre commercial majeur du Maghreb dès le Moyen-Âge, bien avant que la France ne vienne «l’unifier» à coups de canon.

Un procédé pseudo-scientifique : omissions stratégiques et distorsion des faits

Lugan, avec son talent habituel pour la manipulation, passe sous silence tout ce qui dérange sa démonstration.

Les résistances précoloniales : loin d’être une terre amorphe sans conscience politique, l’Algérie a connu de nombreuses révoltes et guerres bien avant la colonisation française. La résistance de l’Emir Abdelkader à partir de 1832, qui réussit à instaurer un Etat structuré en quelques années, démontre l’existence d’un sentiment national.

Le rôle des dynasties berbères et arabes : il feint d’ignorer que l’Algérie faisait partie de grands ensembles politiques comme l’Empire almohade ou le Royaume des Zianides, qui régnaient sur la région bien avant l’arrivée des Ottomans.

L’autonomie de la Régence d’Alger : bien que sous suzeraineté ottomane, la Régence d’Alger jouissait d’une indépendance de facto. Les impôts, l’armée et les décisions politiques étaient entre les mains des Deys d’Alger.

L’historien Charles-André Julien, dans Histoire de l’Afrique du Nord, démontre que l’identité algérienne s’est construite sur des siècles d’échanges et de résistances, bien avant l’arrivée des Français.

Jacques Berque, dans L’Algérie et la France, analyse la complexité de l’identité algérienne et la fausseté du mythe selon lequel elle aurait été «créée» par la colonisation.

Le colonialisme comme seul horizon

La conclusion de Lugan est d’une mauvaise foi abyssale : il tente de présenter la mémoire nationale algérienne comme un mensonge d’Etat, tout en exonérant la colonisation de ses crimes. Il feint d’ignorer que l’histoire est toujours une construction et que le récit colonial français a lui aussi été truffé de falsifications et de propagande.

En fin de compte, Histoire de l’Algérie : des origines à nos jours n’est pas un ouvrage historique, mais un pamphlet politique aux relents révisionnistes. Loin d’être un travail sérieux, c’est une entreprise de désinformation qui tente de réhabiliter le discours des nostalgiques de l’Algérie française.

Bernard Lugan ne déconstruit pas un mythe, il en forge un nouveau, un fantasme colonial grotesque et bancal, taillé sur mesure pour justifier une domination révolue. Son livre n’est pas une analyse, c’est un cri du cœur d’un vieil idéologue en quête de revanche sur l’histoire.

K. B.

1) Histoire de l’Algérie : des origines à nos jours, Bernard Lugan, éditions Ellipses, 2025.

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