Offensive du 20 août 1955 à Skikda: le Moudjahid Ali Bachiri raconte l'attaque de Filfila
SKIKDA - L'offensive du 20 août 1955, connue sous le nom de "l'offensive du Nord-constantinois", est toujours, 70 ans après, racontée avec émotion par celles et ceux l'ayant vécue. C'est notamment le cas des habitants de la région d'El Alia, dans l'actuelle commune de Filfila (Est de Skikda), qui fut le théâtre d'une attaque menée, au péril de leur vie, par des Algériens mus par la soif de liberté, et qui avaient alors écrit en lettres de sang un épisode héroïque de la lutte pour l'indépendance. Le Moudjahid Ali Bachiri, alias Salah, aujourd'hui âgé de 91 ans, figurait parmi les acteurs de cette attaque d'El Alia, près de Skikda. L'APS s'est rendue en son domicile, au centre de la ville de Skikda, pour tenter de recueillir un témoignage vivant. Une sollicitation à laquelle le nonagénaire a répondu de bonne grâce, non sans avoir pris d'abord le soin de mettre le drapeau algérien sur ses épaules. "Le 19 août 1955, mon ami, voisin et ancien camarade d'école, le regretté Moudjahid Brahim Ayachi, responsable de la zone de Filfila durant la Révolution, m'a envoyé deux djounoud qui m'ont informé que Si Brahim voulait me voir dans la région d'El Alia. J'ai accompagné les deux émissaires sans même leur demander pour quelle raison mon ami voulait me rencontrer", relate le vieil homme. Arrivé face à Brahim Ayachi, ce dernier lui lança à brûle-pourpoint : "concentre-toi et écoute-moi bien, demain nous allons mener une grande attaque contre les colonisateurs et tu dois nous aider en y participant". Le nonagénaire ajoute, après avoir dit "vouloir nous épargner les détails", que cette nuit-là, "je ne suis pas rentré chez moi et me suis attaché, durant une bonne partie de la nuit, à mobiliser les hommes des villages voisins que j'ai subdivisés en 5 groupes". "Les objectifs visés par les attaques avaient été préalablement identifiées : cibles militaires, administratives et maisons de colons représentant des symboles du colonialisme", confie M. Bachiri."Le commandant Ibrahim Ayachi me remit un fusil de chasse de calibre 16 mm, avant de me charger d'encercler, avec quelques compagnons, une grande demeure où vivaient plusieurs familles européennes. L'appel à la prière de midi, que le Moudjahid Mohamed Amira avait été chargé de lancer, était le signal du déclenchement de l'attaque", ajoute le témoin. Après la fin de l'attaque, les autorités d'occupation n'avaient en tête que le mot "représailles", raconte Ali Bachiri qui fut identifié par l'administration coloniale, selon ses dires, le 14 septembre 1955. Il a été arrêté et soumis aux tortures les plus inhumaines, à l'eau et à la "Gégène" mais, affirme-t-il : "J'ai tenu bon et n'ai révélé aucune information sur mes camarades". Le 6 mars 1958, Ali Bachiri est condamné à mort par le tribunal militaire de Constantine. Malgré les souffrances endurées et les nombreuses années passées en prison, Ali Bachiri affirme "n'éprouver aucun regret" car, dit-il, c'était le "tribut à payer pour la libération de la patrie". Ali Bachiri considère que l'offensive du 20 août 1955, dont l'attaque d'El Alia n'était qu'un épisode, a constitué un "tournant décisif et historique, écrit par le sang, dans le cheminement de la glorieuse Révolution". Affichant brusquement un air grave, étreint par une intense émotion, il relate, dans son témoignage, la scène bouleversante d'une femme en M'laya (long voile noir porté par les femmes dans l'Est algérien), abattue froidement, au milieu d'autres algériens, alors qu'elle donnait le sein, sous son voile, à son nourrisson. Marquant une longue pause, le vieil homme "s'oublie" quelque peu dans ses pensées en fixant le plafond. Il se reprend tout-à-coup pour déclarer, après avoir essuyé du doigt une larme qui serpentait le long du sillon d'une ride sur sa joue : "le bébé passa toute la nuit parmi les cadavres jusqu'au petit matin lorsque quelqu'un l'entendit pleurer". Une scène qui résume, selon le même témoin, l'inhumanité des représailles coloniales qui avaient visé des civils innocents, notamment des ouvriers qui venaient, à l'époque, de la région de Sétif, avec leurs familles pour travailler dans la mine de fer de Filfila. Des ouvriers sauvagement bombardés par des avions dans ce qui avait été décrit comme un véritable massacre. "Je n'avais pas peur, car j'étais intimement convaincu que ma mort coïnciderait avec une naissance : celle de mon pays", conclut Ali Bachiri qui ne se souvient pas de la date exacte de sa sortie de prison, mais n'oublie pas le jour où il rejoignit la glorieuse Révolution.

SKIKDA - L'offensive du 20 août 1955, connue sous le nom de "l'offensive du Nord-constantinois", est toujours, 70 ans après, racontée avec émotion par celles et ceux l'ayant vécue.
C'est notamment le cas des habitants de la région d'El Alia, dans l'actuelle commune de Filfila (Est de Skikda), qui fut le théâtre d'une attaque menée, au péril de leur vie, par des Algériens mus par la soif de liberté, et qui avaient alors écrit en lettres de sang un épisode héroïque de la lutte pour l'indépendance.
Le Moudjahid Ali Bachiri, alias Salah, aujourd'hui âgé de 91 ans, figurait parmi les acteurs de cette attaque d'El Alia, près de Skikda. L'APS s'est rendue en son domicile, au centre de la ville de Skikda, pour tenter de recueillir un témoignage vivant. Une sollicitation à laquelle le nonagénaire a répondu de bonne grâce, non sans avoir pris d'abord le soin de mettre le drapeau algérien sur ses épaules.
"Le 19 août 1955, mon ami, voisin et ancien camarade d'école, le regretté Moudjahid Brahim Ayachi, responsable de la zone de Filfila durant la Révolution, m'a envoyé deux djounoud qui m'ont informé que Si Brahim voulait me voir dans la région d'El Alia. J'ai accompagné les deux émissaires sans même leur demander pour quelle raison mon ami voulait me rencontrer", relate le vieil homme.
Arrivé face à Brahim Ayachi, ce dernier lui lança à brûle-pourpoint : "concentre-toi et écoute-moi bien, demain nous allons mener une grande attaque contre les colonisateurs et tu dois nous aider en y participant".
Le nonagénaire ajoute, après avoir dit "vouloir nous épargner les détails", que cette nuit-là, "je ne suis pas rentré chez moi et me suis attaché, durant une bonne partie de la nuit, à mobiliser les hommes des villages voisins que j'ai subdivisés en 5 groupes".
"Les objectifs visés par les attaques avaient été préalablement identifiées : cibles militaires, administratives et maisons de colons représentant des symboles du colonialisme", confie M. Bachiri."Le commandant Ibrahim Ayachi me remit un fusil de chasse de calibre 16 mm, avant de me charger d'encercler, avec quelques compagnons, une grande demeure où vivaient plusieurs familles européennes. L'appel à la prière de midi, que le Moudjahid Mohamed Amira avait été chargé de lancer, était le signal du déclenchement de l'attaque", ajoute le témoin.
Après la fin de l'attaque, les autorités d'occupation n'avaient en tête que le mot "représailles", raconte Ali Bachiri qui fut identifié par l'administration coloniale, selon ses dires, le 14 septembre 1955. Il a été arrêté et soumis aux tortures les plus inhumaines, à l'eau et à la "Gégène" mais, affirme-t-il : "J'ai tenu bon et n'ai révélé aucune information sur mes camarades".
Le 6 mars 1958, Ali Bachiri est condamné à mort par le tribunal militaire de Constantine. Malgré les souffrances endurées et les nombreuses années passées en prison, Ali Bachiri affirme "n'éprouver aucun regret" car, dit-il, c'était le "tribut à payer pour la libération de la patrie".
Ali Bachiri considère que l'offensive du 20 août 1955, dont l'attaque d'El Alia n'était qu'un épisode, a constitué un "tournant décisif et historique, écrit par le sang, dans le cheminement de la glorieuse Révolution".
Affichant brusquement un air grave, étreint par une intense émotion, il relate, dans son témoignage, la scène bouleversante d'une femme en M'laya (long voile noir porté par les femmes dans l'Est algérien), abattue froidement, au milieu d'autres algériens, alors qu'elle donnait le sein, sous son voile, à son nourrisson.
Marquant une longue pause, le vieil homme "s'oublie" quelque peu dans ses pensées en fixant le plafond. Il se reprend tout-à-coup pour déclarer, après avoir essuyé du doigt une larme qui serpentait le long du sillon d'une ride sur sa joue : "le bébé passa toute la nuit parmi les cadavres jusqu'au petit matin lorsque quelqu'un l'entendit pleurer".
Une scène qui résume, selon le même témoin, l'inhumanité des représailles coloniales qui avaient visé des civils innocents, notamment des ouvriers qui venaient, à l'époque, de la région de Sétif, avec leurs familles pour travailler dans la mine de fer de Filfila.
Des ouvriers sauvagement bombardés par des avions dans ce qui avait été décrit comme un véritable massacre. "Je n'avais pas peur, car j'étais intimement convaincu que ma mort coïnciderait avec une naissance : celle de mon pays", conclut Ali Bachiri qui ne se souvient pas de la date exacte de sa sortie de prison, mais n'oublie pas le jour où il rejoignit la glorieuse Révolution.