Tizi Ouzou: Timizart, sur les sentiers de l’émotion et de la mémoire
Abizar, c’est aussi un nom qui résonne dans l’histoire. Amar U Said Boulifa, dans Le Djurdjura à travers l’histoire, explique comment la toponymie du lieu renvoie aux temps phéniciens, où les caps maritimes servaient d’abris aux pêcheurs. Ici, la mémoire se fait pierre, notamment avec la célèbre stèle d’Amnay n Ubizar (cavalier d’Abizar), découverte en […]

Abizar, c’est aussi un nom qui résonne dans l’histoire. Amar U Said Boulifa, dans Le Djurdjura à travers l’histoire, explique comment la toponymie du lieu renvoie aux temps phéniciens, où les caps maritimes servaient d’abris aux pêcheurs. Ici, la mémoire se fait pierre, notamment avec la célèbre stèle d’Amnay n Ubizar (cavalier d’Abizar), découverte en 1858.
Par Hafit Zaouche
Le soleil n’était pas encore haut lorsque les randonneurs des Cimes des Babors retrouvèrent leurs homologues d’Aït Djennad, ce matin-là, à Freha. À huit heures précises, le départ fut donné, dans une ambiance chaleureuse et fraternelle. Sourires, poignées de main et regards complices : tout annonçait une journée exceptionnelle, rythmée par l’effort, mais surtout par la découverte d’un territoire qui respire l’histoire et la vie. La marche débuta depuis Souk El Had, chef-lieu de la commune de Timizart, nichée au cœur de la daïra de Ouaguenoune. Timizart, qui forme avec Freha et Aghribs l’Aârch des Aït Djennad, est une terre où se croisent patrimoine, mémoire et hospitalité. À chaque pas, le paysage s’ouvrait, offrant des vues imprenables sur les villages voisins, de Makouda à Ouaguenoune. La montagne, imposante mais bienveillante, semblait veiller sur les marcheurs. Au détour d’un sentier, la rencontre avec Dda Rachid marqua les esprits. Rescapé du Covid-19, il confia avoir passé dix jours à l’hôpital, marqué à jamais par la souffrance et la difficulté à respirer. «Je n’arrivais même plus à marcher quelques mètres», avoua-t-il, le regard brillant. Mais la randonnée fut sa renaissance. Convaincu par un ami, il rejoignit timidement les sorties. Les premières furent douloureuses, mais son souffle, peu à peu, retrouva de la vigueur. «Aujourd’hui, je me sens libéré… Les randonnées sont magiques», dit-il, avec un sourire qui en disait long.
Ces confidences donnaient une autre dimension à la marche : plus qu’un sport, la randonnée devenait un acte de vie, une thérapie, un hymne à la résilience.
La pause déjeuner se fit à Abizar, vaste village de plus de 18 000 habitants, considéré comme le plus grand de la wilaya de Tizi Ouzou. Entre montagnes et vallées, ses quartiers – treize au total – racontent une histoire plurielle. De Ath Malek à Tifast, chaque hameau est une petite entité vivante, enracinée dans une mémoire séculaire.
Abizar, c’est aussi un nom qui résonne dans l’histoire. Amar U Said Boulifa, dans Le Djurdjura à travers l’histoire, explique comment la toponymie du lieu renvoie aux temps phéniciens, où les caps maritimes servaient
d’abris aux pêcheurs. Ici, la mémoire se fait pierre, notamment avec la célèbre stèle d’Amnay n Ubizar (cavalier d’Abizar), découverte en 1858. Gravée de caractères libyques, elle représente un cavalier, bouclier et javelot en main. Témoignage d’une région antique, elle trône aujourd’hui au Musée des Antiquités d’Alger, mais reste dans le cœur des habitants un symbole identitaire. Timizart n’est pas seulement un décor de montagnes et de vallées. Elle est aussi une terre d’hommes et de femmes qui ont enrichi la culture amazighe et algérienne. Le village Mira, par exemple, a vu naître deux figures inoubliables : le chanteur Ali Ideflawen, fondateur du groupe Ideflawen, et Abdelkader Meksa, dont la voix résonne encore dans la mémoire collective. D’autres, comme le poète Youcef Ou Kaci ou le chanteur Abderrahmane Aziz, ont marqué l’histoire culturelle de la région.
Chaque nom rappelle que Timizart n’est pas seulement une commune, mais un foyer de créativité, un berceau de talents.
La journée s’acheva au village Iadjemat, après des heures de marche, de découvertes et de partages. Les paysages défilaient encore dans les esprits : les sentiers rocailleux, les villages accrochés aux pentes, les discussions animées avec les habitants, et ce sentiment rare d’avoir touché à l’essentiel.
À l’heure du bilan, un grand merci s’imposait aux randonneurs d’Aït Djennad, dont l’accueil et la générosité avaient transcendé l’effort physique. Cette randonnée à Timizart
n’était pas seulement un parcours dans la montagne. Elle était un voyage au cœur d’une Algérie authentique, riche de ses paysages, de son histoire et de ses hommes. En quittant la région, chacun emportait un peu de cette émotion : le souffle retrouvé de Dda Rachid, la stèle millénaire d’Abizar, les chants d’Ideflawen et de Meksa. Autant de fragments d’âme qui donnent à Timizart une place à part dans le patrimoine algérien. H. Z.