Pegasus, IA, métadonnées : Près de 30 millions d’Algériens exposés via WhatsApp

Vingt-sept millions d’Algériens utilisent WhatsApp chaque jour. L’application du géant américain Meta s’est imposée comme un outil indispensable. On y échange des messages, on y passe des appels, on partage des fichiers… Mais que savons-nous réellement des informations que nous laissons derrière nous ? Le Dr Ali Kahlane, expert en stratégie numérique, dresse un constat […] The post Pegasus, IA, métadonnées : Près de 30 millions d’Algériens exposés via WhatsApp appeared first on Le Jeune Indépendant.

Août 3, 2025 - 20:26
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Pegasus, IA, métadonnées : Près de 30 millions d’Algériens exposés via WhatsApp

Vingt-sept millions d’Algériens utilisent WhatsApp chaque jour. L’application du géant américain Meta s’est imposée comme un outil indispensable. On y échange des messages, on y passe des appels, on partage des fichiers… Mais que savons-nous réellement des informations que nous laissons derrière nous ? Le Dr Ali Kahlane, expert en stratégie numérique, dresse un constat inquiétant. Nos données circulent bien au-delà de nos écrans, exposant les citoyens algériens à une surveillance mondiale aux implications parfois dramatiques.

Dans une étude publiée ce dimanche, le Dr Ali Kahlane met en garde contre les risques d’espionnage numérique. En effet, WhatsApp utilise un chiffrement de bout en bout, censé empêcher tout accès externe au contenu des messages, y compris par Meta. « En théorie, personne ne peut lire vos échanges, sauf vous et votre interlocuteur », rappelle le Dr Kahlane.

Mais la sécurité s’arrête là. Meta continue de collecter massivement des métadonnées, tels que les numéros de téléphone, heures d’envoi et de réception, fréquence des interactions, composition des groupes WhatsApp, et parfois même la géolocalisation si elle est activée.

Selon la politique de confidentialité de Meta, ces informations peuvent être transmises aux autorités sur demande officielle. « Dans un pays comme l’Algérie, où les données sont souvent stockées à l’étranger, cette dépendance technologique constitue un risque structurel majeur », souligne le Dr Kahlane dans son étude.

Cette dernière met en lumière l’existence de menaces très concrètes, au premier rang desquelles Pegasus, logiciel espion développé par la société israélienne NSO Group.

L’étude rappelle qu’en 2019, WhatsApp a reconnu qu’une faille dans sa fonction d’appel avait permis à Pegasus d’infecter plus de 1 400 utilisateurs dans 20 pays, par un simple appel manqué. Une fois installé, ce programme donne accès à toutes les données du téléphone : messages, photos, vidéos, e-mails, mots de passe, appels, caméra, micro et géolocalisation GPS.

En 2022, une enquête d’Amnesty International et Forbidden Stories a révélé que 50 Algériens, parmi lesquels des journalistes, avocats et défenseurs des droits de l’homme, avaient été ciblés par Pegasus.

En 2025, Meta a accusé une autre société israélienne, Paragon Solutions, d’avoir utilisé des méthodes similaires contre 90 utilisateurs WhatsApp, dont des militants.

 

Quand l’IA transforme les données en cibles

 

Au-delà des logiciels espions, le Dr Kahlane alerte également sur une évolution inquiétante, qui est l’exploitation militaire des métadonnées par l’intelligence artificielle.

« Un exemple frappant est celui de Lavender, un programme utilisé par l’armée israélienne à Gaza. Selon une enquête publiée en 2024, Lavender analyse les métadonnées, y compris celles issues de groupes WhatsApp, pour identifier automatiquement des suspects », a fait savoir la même étude. Avec 10 % d’erreurs estimées, cette méthode peut conduire à des assassinats sur la base de simples corrélations comportementales.

En termes de chiffre, l’étude du Dr Kahlane démontre qu’en 2025, l’Algérie compte 36,2 millions d’internautes (soit 76,9 % de la population), contre 32,09 millions en 2023. 27 millions d’Algériens sont actifs sur les réseaux sociaux. WhatsApp domine largement ce paysage, suivi de Facebook (20,8 millions), YouTube (22,7 millions), TikTok (21,1 millions) et Instagram (8,4 millions).

« Mais plus l’usage explose, plus les risques augmentent : profilage, surveillance, manipulation algorithmique… et tout cela dans un environnement où les données échappent au contrôle national », avertit l’étude

L’Algérie n’est pas restée passive. Depuis 2018, la loi 18-07 encadre strictement la collecte et l’usage des données personnelles sous la supervision de l’Autorité nationale de protection des données personnelles (ANPDP). En 2025, la loi 25-11 a renforcé ce cadre à travers, notamment, des audits inopinés par l’ANPDP, des amendes allant jusqu’à 10 millions de dinars (75 000 €), et l’obligation de stockage local des données. Mais la loi seule ne suffit pas, prévient le Dr Kahlane. Selon lui, il faut une application rigoureuse et une vraie culture numérique citoyenne.

Afin de protéger les données, le Dr Kahlane propose des gestes simples et efficaces. Il a cité une mise à jour régulière de ses appareils et applications (WhatsApp, iOS, Android) pour corriger les failles zero-day, éviter les liens suspects dans les messages, activer la vérification en deux étapes (Paramètres – Compte Vérification en deux étapes), limiter la géolocalisation et réduire sa participation à des groupes sensibles, utiliser un VPN (avec déclaration pour un usage professionnel) et envisager des alternatives comme Signal ou Telegram, qui collectent moins de métadonnées.

Pour le Dr Kahlane, la souveraineté numérique n’est pas un slogan. Elle est un impératif stratégique, économique et sécuritaire. Il estime qu’à l’heure où la vie privée de 36,2 millions d’internautes algériens peut se retrouver exposée, protéger nos données n’est plus une option. C’est une urgence nationale.

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