En attendant ses nouveaux ATR, Domestic Airlines se voit dotée d’une flotte vieillissante
En mettant l’accent sur l’achat de 16 avions neufs au profit de sa nouvelle filiale pour le transport de passagers sur les lignes internes, Air Algérie occulte le fait qu’elle lance Domestic Airlines avec un sérieux handicap : 19 des 22 appareils de la flotte passagers ont entre 14 et 24 ans d’âge… Le ministre […]

En mettant l’accent sur l’achat de 16 avions neufs au profit de sa nouvelle filiale pour le transport de passagers sur les lignes internes, Air Algérie occulte le fait qu’elle lance Domestic Airlines avec un sérieux handicap : 19 des 22 appareils de la flotte passagers ont entre 14 et 24 ans d’âge… Le ministre des Transports annonce «qu’un audit est en cours sur la flotte, en vue de procéder à la cession des avions les plus anciens.»
Le constructeur européen ATR a confirmé, le 4 juillet 2025, dans un communiqué de presse, une commande ferme d’Air Algérie portant sur 16 appareils ATR 72-600 de 72 places, équipés de moteurs PW127XT de dernière génération, livrables entre 2026 et 2028.
Le montant exact de la transaction, qui inclut également un simulateur de vol pour la formation des pilotes — le premier en Afrique — n’a pas été précisé.
Cependant, une dépêche de l’APS fait dire au PDG d’Air Algérie que «l’opération dépasse une valeur de 420 millions de dollars.»
Pour autant, en partant du principe — selon l’usage — qu’une remise est systématiquement accordée par les constructeurs par rapport au prix catalogue, le montant du contrat avoisinerait plutôt 327 millions d’euros (soit 50 milliards de dinars algériens), équivalant à près de 84 % du capital social d’Air Algérie (60 milliards DZD).
À ce stade, Air Algérie n’a pas communiqué sur les modalités de financement de cette importante acquisition. Dépourvue de marge de manœuvre, avec une capacité d’endettement quasi nulle, la compagnie devrait, à nouveau, se tourner vers le FNI.
Mme Nathalie Tarnaud Laude, PDG d’ATR, a précisé sur son compte LinkedIn que «cette commande témoigne des capacités de l’ATR 72-600 et de la valeur ajoutée qu’il apporte à la connectivité régionale, grâce à ses coûts d’exploitation bas, à sa faible consommation de carburant et à sa fiabilité dans des environnements exigeants comme le climat algérien.
L’acquisition du simulateur ATR 72-600 — qui sera installé dans le centre de formation existant d’Air Algérie — renforcera les capacités de formation des pilotes et soutiendra les normes élevées de la compagnie en matière de sécurité opérationnelle et d’excellence en maintenance.»
Air Algérie, premier client d’ATR en Afrique, exploite depuis 2003 : 12 ATR 72-500 et 3 ATR 72-600. Ces appareils seront transférés à la nouvelle filiale régionale, créée la semaine dernière sous la dénomination Domestic Airlines.
Cette nouvelle compagnie, qui, selon le ministre des Transports, devrait effectuer ses premiers vols ce mois-ci, verra le jour après la finalisation du transfert du patrimoine de Tassili Airlines (jusqu’ici détenue à 100 % par Sonatrach).
L’absorption de Tassili Airlines, décidée en mars 2025 par le président de la République, a été actée le 19 juin 2025, sans que les conditions financières ne soient dévoilées.
Créée en 1998, Tassili Airlines se définit comme une compagnie qui «concentre l’essentiel de ses activités au profit du secteur pétrolier, en exploitant des charters et navettes, tant domestiques qu’internationaux.» Domestic Airlines devrait hériter des juteux contrats de Sonatrach et des autres compagnies d’hydrocarbures.
Les 15 appareils passagers de Tassili devraient être répartis entre Air Algérie (7 Boeing 737-800) et Domestic Airlines (4 Bombardier Dash 8 Q200 de 37 sièges et 4 Bombardier Dash 8 Q400 de 74 sièges).
Avec les 15 ATR d’Air Algérie (12 ATR 72-500 et 3 ATR 72-600), Domestic Airlines devrait donc démarrer ses activités avec une flotte de 22 appareils exploitables, sur un total de 23 (un Q400 étant endommagé).
Cependant, l’exploitation de cette flotte vieillissante alourdira les coûts, notamment en carburant et en maintenance.
Dans le détail, sur les 22 appareils affectables à Domestic Airlines : 9 ont plus de 22 ans, 4 plus de 16 ans, 3 plus de 17 ans, 3 plus de 14 ans, et seulement 3 entre 9 et 10 ans.
Combinés à des prix de billets trop bas, à un pouvoir d’achat en recul chez les clients cibles, et à un taux de remplissage hétérogène selon les régions et les saisons, ces conditions ne permettent raisonnablement pas de générer de marge.
L’exploitation de cette flotte représente donc un véritable défi pour espérer atteindre un jour l’équilibre — même si le Trésor venait à doubler les subventions au nom de la servitude publique et du désenclavement.
Pour être en cohérence avec l’ambition affichée «d’excellence opérationnelle», Air Algérie doit, dès à présent, décider du sort des appareils de plus de 15 ans affectés à Domestic Airlines, lesquels représentent, avant l’arrivée des premiers ATR nouvellement commandés, 86 % de sa flotte !
Par Larbi Ghazala