Entretien/Mourad Annane, directeur de la vérification au Réseau express métropolitain de Montréal: La diaspora peut jouer un rôle actif «dans la transformation de l’Algérie vers l’excellence»

Mourad Annane est un architecte algérien qui a aujourd’hui son mot à dire dans tous les projets d’infrastructure liés à l’un des plus grands réseaux de métro en Amérique du Nord. Il a validé plusieurs projets d’infrastructure du Réseau express métropolitain (REM) de Montréal où il occupe actuellement le poste de directeur de la qualité […]

Août 21, 2025 - 00:39
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Entretien/Mourad Annane, directeur de la vérification au Réseau express métropolitain de Montréal: La diaspora peut jouer un rôle actif «dans la transformation de l’Algérie vers l’excellence»

Mourad Annane est un architecte algérien qui a aujourd’hui son mot à dire dans tous les projets d’infrastructure liés à l’un des plus grands réseaux de métro en Amérique du Nord. Il a validé plusieurs projets d’infrastructure du Réseau express métropolitain (REM) de Montréal où il occupe actuellement le poste de directeur de la qualité et de la vérification pré-opérationnelles pour ce réseau canadien. Dans cet entretien, il nous parle de son parcours et de ses projets futurs.

Propos recueillis par Ahmed Mokhtar

Le Jour d’Algérie : Pouvez-vous nous donner une idée sur votre parcours universitaire et professionnel en Algérie et à l’étranger ?
Mourad Annane : J’ai fait la majeure partie de mon parcours scolaire en Algérie, au lycée Chihani-Bachir d’Azazga, puis à l’université Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou, où j’ai choisi de me spécialiser en génie civil. Très tôt, j’ai été attiré par les enjeux liés à la construction et à l’environnement bâti, un domaine essentiel au développement des infrastructures dans tout pays en croissance.
Après l’obtention de mon diplôme d’ingénieur, j’ai intégré le monde professionnel en Algérie, participant à divers projets d’infrastructure. Ces premières expériences, directement sur le terrain, m’ont permis de développer une compréhension fine des réalités du chantier, de la rigueur nécessaire à l’exécution des travaux, et de la complexité de faire avancer les projets dans un environnement parfois contraignant.
Cependant, animé par le désir de perfectionner mes compétences et de m’ouvrir à d’autres approches, j’ai fait le choix de m’expatrier. En 2009, je me suis installé au Canada avec ma famille. Les débuts n’ont pas été simples : il a fallu faire reconnaître mes diplômes, reconstruire un réseau professionnel, et s’adapter à un nouveau cadre culturel et organisationnel. Grâce à une volonté constante et à une détermination soutenue, j’ai obtenu mon statut d’ingénieur auprès de l’Ordre des ingénieurs du Québec dès 2010, ce qui m’a permis d’évoluer et de prendre plus de responsabilités dans l’industrie de la construction québécoise. Depuis, au sein d’une importante firme de génie conseil (SNC Lavalin), j’ai eu l’opportunité de contribuer à des projets d’envergure, notamment dans les domaines hospitaliers et du transport collectif. Ces expériences m’ont permis de consolider une expertise technique et managériale solide, tout en gardant un œil critique et constructif sur ce que nous pourrions améliorer en Algérie.

 Quel poste occupez-vous actuellement ?
J’occupe actuellement le poste de directeur de la qualité et de la vérification pré-opérationnelles pour le Projet Réseau express métropolitain (REM) de Montréal, l’un des plus importants projets d’infrastructure en Amérique du Nord des dernières décennies. Ma mission principale consiste à garantir que les ouvrages livrés à la population répondent aux standards les plus élevés en matière de qualité, de sécurité et de performance. Cela implique de coordonner des équipes pluridisciplinaires, de collaborer étroitement avec les différentes parties prenantes – ingénieurs, architectes, entrepreneurs, institutions publiques – et de maintenir une vision globale du projet. Ce poste stratégique me permet de mesurer à quel point l’expérience acquise, tant en Algérie qu’au Québec, est précieuse dans la prise de décision. C’est une responsabilité que j’assume avec fierté.

Quels ont été vos points forts durant votre parcours au Canada ?
Si je devais résumer mon parcours, je dirais qu’il repose sur trois piliers : la détermination, la formation d’appoint et le réseautage. Rien ne m’a été donné facilement, mais j’ai toujours cru au travail, à la capacité de transformer les obstacles en leviers et leçon apprise.
Chaque défi rencontré a renforcé ma résilience et mon envie d’aller encore plus loin. La formation d’appoint a été pour moi un levier essentiel dans mon cheminement professionnel, notamment au Québec. Ces formations ciblées (technique, gestion, leadership,…etc.), souvent de courte durée, m’ont permis de
m’adapter rapidement aux réalités du marché, aux exigences des postes décisionnels, d’actualiser mes compétences, et de mieux comprendre les attentes des clients et professionnelles. Elles ont aussi été pour moi un moyen d’intégrer plus efficacement les codes culturels et les pratiques du milieu, tout en consolidant ma crédibilité.
Mais l’un des aspects clés de la réussite professionnelle ici reste sans aucun doute le réseautage. Au Québec, les opportunités se créent souvent grâce aux liens humains. Savoir écouter, échanger, s’impliquer dans des communautés professionnelles ou sociales m’a ouvert de nombreuses portes. Le réseautage m’a permis également de bénéficier de conseils précieux des professionnels vétérans, d’élargir ma vision, et parfois de faire un simple contact… qui peut changer carrément toute la trajectoire.

En somme et à mon avis, c’est la combinaison entre une volonté de fer, une capacité à se former de manière continue et ciblée, et un engagement sincère dans le tissu relationnel, qui m’a permis de bâtir un parcours solide, aligné avec mes valeurs et mes ambitions.

 Comment l’Algérie pourrait-elle tirer parti du savoir-faire de sa diaspora ?
C’est une question essentielle, à laquelle je suis particulièrement sensible. L’Algérie dispose d’une diaspora très compétente, présente dans les secteurs stratégiques : ingénierie, santé, technologies, recherche, éducation… Ce potentiel est réel et considérable.
Le défi, ce n’est pas tant le manque de compétences que le manque de canaux structurés pour mobiliser ces compétences. En d’autres termes, le manque de mécanismes efficaces pour les mobiliser. Il devient donc urgent de mettre en place des dispositifs structurés de transfert de savoir et de savoir-faire, des passerelles académiques, des projets de co-développement ou encore des partenariats avec les professionnels établis à l’étranger. Il ne s’agit pas uniquement de «faire revenir les cerveaux», mais de créer des connexions intelligentes entre la diaspora et les acteurs locaux. À titre personnel, je m’investis dans cette dynamique à travers des initiatives comme le Conseil de développement Canada-Algérie, ou des séminaires et rencontres ont eu lieu entre entrepreneurs des deux pays. Il est tout à fait possible de contribuer activement au développement du pays sans y être physiquement présent, à condition qu’il y ait une volonté affirmée, une vision à long terme et une relation de confiance mutuelle entre les autorités nationales et leur diaspora.

Quels sont vos projets à court et moyen terme ?
Je souhaite poursuivre mon engagement sur deux fronts complémentaires : d’une part, continuer à contribuer à des projets structurants ici au Québec et au Canada, où les différents défis sont stimulants ; d’autre part, renforcer mes actions en lien avec l’Algérie, notamment à travers le transfert de connaissances et d’expertise. Je crois profondément que l’une des clés du développement passe par le renforcement des compétences locales. C’est pourquoi je m’implique dans des initiatives de formation continue, de mentorat et de séminaires professionnels destinés aux jeunes ingénieurs et aux cadres techniques algériens. Ces espaces d’échange permettent non seulement de partager des méthodes de travail éprouvées, mais aussi de favoriser l’émergence d’une culture de rigueur, d’innovation et de gestion de projet performante. Il ne s’agit pas simplement de transmettre un savoir théorique, mais de partager des pratiques concrètes issues du terrain, adaptées aux réalités locales. Je suis convaincu que ce type de contribution peut avoir un impact durable, en valorisant le capital humain. C’est à travers ce genre de passerelles que la diaspora peut jouer un rôle actif, utile et structurant dans la transformation vers l’excellence de notre pays d’origine.
A. M.