La menace de Witkoff à l’endroit de l’Egypte et de la Jordanie
Le plan de déportation des Ghazaouis a été adopté tout récemment par le gouvernement israélien, mais il est bien évident qu’il végétait dans ses cartons depuis bien plus longtemps, probablement bien avant l’attaque du 7 octobre 2023. Les Arabes et le reste du monde, y compris les Etats-Unis jusqu’à ces tout derniers temps, continuent de […]

Le plan de déportation des Ghazaouis a été adopté tout récemment par le gouvernement israélien, mais il est bien évident qu’il végétait dans ses cartons depuis bien plus longtemps, probablement bien avant l’attaque du 7 octobre 2023. Les Arabes et le reste du monde, y compris les Etats-Unis jusqu’à ces tout derniers temps, continuent de se référer néanmoins à la solution des deux Etats comme la seule qui soit praticable, alors qu’Israël la récuse désormais totalement et ouvertement, davantage, il est vrai, par les actes que par les paroles. Le fait est que si les deux millions et plus de Palestiniens sont toujours à Ghaza, c’est juste parce que l’Egypte a opposé un non catégorique à leur transfert chez elle, plus exactement dans le Sinaï, le territoire que tout désigne, en premier lieu pour sa proximité, comme leur destination première. S’ils ne tenaient qu’à eux, s’entendent à dire et à répéter Américains et Israéliens, ils auraient déjà déserté Ghaza, car devenue inhabitable, à ce qu’ils affirment, et qui sans doute le sera encore plus à l’avenir. Leur encerclement n’est pas du seul fait d’Israël mais également de celui de l’Egypte.
Comme Israël s’emploie en même temps à rendre impossible la vie des Palestiniens de Cisjordanie, pour les forcer à fuir en Jordanie, Américains et Israéliens se plaignent aussi de la «mauvaise volonté» du roi Abdallah II, comme de son «ingratitude», eu égard à tout ce qu’il doit aux Etats-Unis. Dans une récente déclaration, Steve Witkoff, l’envoyé américain pour le Moyen-Orient, a suggéré que le roi jordanien avait eu jusque-là beaucoup de chance, et que l’économie égyptienne était au bord de l’effondrement. La menace ressort clairement. Elle est déjà à prendre au sérieux, bien qu’elle provienne de quelqu’un qui n’est pas à proprement parler un officiel américain. Ce n’est pas comme si le propos en question avait été tenu par Marco Rubio, par exemple, le secrétaire d’Etat. Il n’empêche, il n’augure rien de bon, et d’abord parce qu’il se place en droit fil du plan de déportation adopté par le gouvernement Netanyahou lors de son dernier conseil quoique en petit comité. Israël ne reprend pas la guerre pour terminer le travail déjà commencé contre la résistance palestinienne mais pour le lancement du plan de déportation, l’exact opposé du plan de reconstruction prôné par les Arabes. Le monde assiste médusé à la fin d’un processus commencé il y a des décennies. Israël croit que le moment est venu pour lui de liquider la question palestinienne de la façon la plus radicale qui soit, c’est-à-dire en déportant tous les Palestiniens, ceux de Ghaza comme ceux de Cisjordanie, les premiers en Egypte et les seconds en Jordanie. La situation actuelle est de nature à conduire à une guerre régionale, que les Arabes n’ont pas cherchée mais qui pourrait bien s’imposer à eux. Ou bien l’Egypte et la Jordanie acceptent d’accueillir les quelque 5 millions de Palestiniens de Ghaza et de Cisjordanie, et ils éviteront la guerre avec Israël et les Etats-Unis ; ou bien ils résistent à la pression des Américains, et on voit mal alors comment elles pourraient rester en paix. L’heure est grave. Donald Trump qui s’est vendu aux électeurs américains comme le restaurateur de la paix est en train de se transformer, s’il n’y prend pas garde, en fauteur de guerre.