La Source, de Meryam Joobeur : La désolation des parents des djihadistes

Sélectionné en compétition à la 74e Berlinale, prix FIPRESCI (Fédération Internationale de la Presse Cinématographique) aux Journées cinématographiques de Carthage 2024 et en sortie dans les salles françaises le 1er janvier 2025, le premier long métrage de la Canado-Tunisienne Meryam Joobeur traite de façon très originale du traumatisme du départ des fils pour le Djihad […]

Jan 7, 2025 - 02:48
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La Source, de Meryam Joobeur : La désolation des parents  des djihadistes

Sélectionné en compétition à la 74e Berlinale, prix FIPRESCI (Fédération Internationale de la Presse Cinématographique) aux Journées cinématographiques de Carthage 2024 et en sortie dans les salles françaises le 1er janvier 2025, le premier long métrage de la Canado-Tunisienne Meryam Joobeur traite de façon très originale du traumatisme du départ des fils pour le Djihad dans une famille rurale tunisienne.
En 2018, Myriam Joobeur avait été jusqu’aux Oscars avec son court métrage «Brotherhood», qui préfigurait ce long métrage. Le retour de Syrie du fils de berger, accompagné de sa jeune épouse en niqab, déclenchait une crise au sein de sa famille et en particulier avec son père. Développé ici, le fils, Mehdi (Malek Mechergui), est allé rejoindre Daesh avec son frère Amine (Chaker Mechergui). Il revient seul, avec sa femme Reem (Dea Liane), dont on ne verra que les yeux verts derrière le niqab. Elle est enceinte. Les reproches du père sont encore vifs, qui ne voit en Mehdi qu’un tir-au-flanc, mais Meryam Joobeur ajoute au film une dimension mystérieuse qui nous conduit à ne voir en Reem que l’incarnation du traumatisme et de la culpabilité de Mehdi.
Telle un fantôme, elle confronte sans mot dire la famille à l’impitoyable réalité de la violence djihadiste, l’inexcusable faute des fils, l’inconcevable retour,
l’inaccessible pardon. Le film est dès lors centré sur la douleur de la mère Aïcha (Salha Nasraoui), que ne peut comprendre le père Brahim (Mohamed Hassine Grayaa), borné dans sa honte et son désarroi. De rêves en énigmatiques flashbacks, tolérante mais lucide, elle intègre peu à peu la progression de l’ombre qui ne peut déboucher que sur la mort. Cette dimension fantastique s’impose peu à peu, tant ceux qui sont partis ne reviennent que dans l’espoir des vivants.
Pour induire cette sensibilité, il fallait se concentrer sur les personnages avec une caméra très proche des corps, une réduction de l’écran au 4:3 et des cadres dans le cadre. Il fallait aussi introduire l’étrangeté : des frères aux cheveux roux et aux taches de rousseur, un café qui tourne au rouge, des bruyères teintées sur les dunes, un cheval venu d’on ne sait où, une mise en scène stylisée évoquant le réalisme magique, et l’enquête d’un ami policier (Adam Bessa) sur des événements inquiétants… La réussite du film tient dans ce savant dosage où rien n’est en trop et tout appelle la suite. Nous aurions voulu croire au retour de l’enfant prodigue, mais cela ne sera pas car de l’enfer on ne revient pas. R. S.

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