Le Chef de l’armée indienne au Jeune Indépendant : «les armées algérienne et indienne font face aux mêmes défis»
En visite à Alger, la première du genre, le chef d’état-major de l’armée de Terre indienne, le général Upendra Dwivedi, a accordé un entretien exclusif au Jeune Indépendant, dans lequel il livre sa lecture sur les perspectives de coopération militaire entre l’Algérie et l’Inde, notamment dans la lutte conjointe contre le terrorisme et les opportunités […] The post Le Chef de l’armée indienne au Jeune Indépendant : «les armées algérienne et indienne font face aux mêmes défis» appeared first on Le Jeune Indépendant.

En visite à Alger, la première du genre, le chef d’état-major de l’armée de Terre indienne, le général Upendra Dwivedi, a accordé un entretien exclusif au Jeune Indépendant, dans lequel il livre sa lecture sur les perspectives de coopération militaire entre l’Algérie et l’Inde, notamment dans la lutte conjointe contre le terrorisme et les opportunités de partenariat en matière de défense et de technologie.
Le Jeune Indépendant : C’est la première visite d’un chef d’état-major de l’armée indienne en Algérie. Quelles sont vos premières impressions et comment voyez-vous l’évolution de la relation de défense entre les deux pays ?
Le général Upendra Dwivedi : L’Inde et l’Algérie ont toujours entretenu des relations chaleureuses et étroites. Nos deux pays partagent un passé marqué par la colonisation. L’Inde a soutenu l’Algérie dès le début de son mouvement de libération. Le Front de libération nationale (FLN) avait même ouvert un bureau en Inde à la fin des années 1950. L’Inde a été l’un des premiers pays à reconnaître l’Algérie comme nation indépendante et souveraine.
Dans les années 1960, le leadership de l’Inde au sein du Mouvement des non-alignés a été fortement apprécié par l’Algérie. Nos deux pays ont d’ailleurs façonné leur politique étrangère sur les solides principes du non-alignement.
Aujourd’hui, l’Inde et l’Algérie font face à des défis sécuritaires communs qui rapprochent encore davantage nos nations. En octobre 2024, la Présidente indienne a effectué la toute première visite d’un chef d’État indien en Algérie. Peu après, le Chef d’État-Major de la Défense s’est rendu en Algérie dans la continuité de cette visite présidentielle. À cette occasion, un mémorandum d’entente sur la coopération en matière de défense a été signé.
Nous avons eu l’honneur d’accueillir en Inde le ministre délégué auprès du ministère de la Défense le général d’Armée Saïd Chanegriha en février dernier, à l’occasion du salon Aero India. La délégation conduite par le général d’armée a pu visiter quatre villes différentes durant ce séjour. La tenue réussie du séminaire sur la défense en juillet 2025 illustre parfaitement le partenariat croissant entre nos deux pays.
Concernant ma visite, j’ai eu des échanges très fructueux avec le commandant des forces terrestres, le général de corps d’armée Mustapha Smaili, au cours desquels nous avons établi une excellente entente. Celle-ci servira de base à nos futures coopérations militaires. J’ai également été impressionné par le professionnalisme que j’ai constaté lors de ma visite à l’Académie militaire de Cherchell, d’où j’en tire des enseignements précieux pour nos institutions de formation.

Le général Upendra Dwivedi avec le Commandant des Forces terrestre le général Mustapha Smaili
Mes échanges avec le général-major Aouamari, chef de la formation militaire, ainsi qu’avec le général-major Badaoui Abdelghani, directeur des industries militaires, ont également été très productifs. Je suis convaincu que ces interactions aboutiront à des coopérations concrètes dans le domaine militaire et de l’industrie de défense, au bénéfice mutuel de nos deux armées.
Selon vous, quelles perspectives voyez-vous pour un approfondissement des échanges opérationnels et de la coopération en matière de formation entre les deux armées ?
L’Armée indienne attache une grande importance au renforcement de ses liens avec l’Armée nationale populaire algérienne. Nos deux pays sont confrontés à des défis sécuritaires communs dans l’environnement géopolitique actuel : terrorisme, frontières instables, sécurité territoriale et côtière, ainsi que la sécurité intérieure. Je vois un potentiel considérable pour des échanges opérationnels, notamment dans la lutte antiterroriste, la guerre mécanisée, le maintien de la paix, ainsi que dans des domaines émergents comme l’intelligence artificielle, les systèmes de drones (UAS) et les contre-mesures anti-drones. Ces échanges peuvent prendre la forme d’exercices militaires bilatéraux, de séminaires d’experts ou encore d’échanges d’instructeurs entre nos deux armées.
Il existe également une convergence entre nos deux pays en ce qui concerne certains équipements de défense communs. Cela ouvre un large potentiel de coopération dans l’entretien et la maintenance de ce matériel.
La coopération en matière de formation constitue le socle de nos liens de défense. Nous serions favorables à davantage d’échanges d’officiers, à la participation mutuelle à nos cursus de formation, ainsi qu’au partage de nos meilleures pratiques. Nous pourrions aussi envisager le déploiement d’équipes de formation adaptées aux besoins spécifiques.
Une telle collaboration permettrait non seulement de renforcer nos capacités professionnelles respectives, mais aussi d’améliorer notre interopérabilité, tout en contribuant de manière significative à la sécurité régionale et mondiale.
L’attentat terroriste de Pahalgam, le 22 avril 2025, qui a entraîné la mort de 26 touristes innocents, a été particulièrement atroce et lâche. Vous avez mené l’opération SINDOOR, en mai 2025. Quelles en étaient les raisons et les objectifs principaux ? L’Inde a-t-elle atteint ces objectifs ?
L’attentat de Pahalgam, survenu le 22 avril 2025, a coûté la vie à 26 civils innocents, principalement des touristes, dans la région du Jammu-et-Cachemire a choqué tout le peuple indien ainsi que le monde entier. Il s’agit de l’attaque contre des civils la plus meurtrière en Inde depuis les attentats de Mumbai en 2008. Les assaillants, liés au Lashkar-e-Taiba (LeT) et à son émanation, le Resistance Front (TRF), ont été localisés dans un État voisin, ce qui a poussé l’Inde à réagir fermement.
L’opération a visé neuf camps terroristes, dont des quartiers généraux stratégiques associés au LeT et au JeM. Elle a ciblé exclusivement les infrastructures terroristes, en évitant volontairement les zones civiles et militaires, ce qui témoigne d’une approche mesurée et proportionnée.
L’opération SINDOOR a été conçue de manière réfléchie, sans escalade, proportionnée et destinée à dissuader toute agression supplémentaire, tout en démontrant la capacité de l’Inde à agir avec fermeté sans provoquer une escalade généralisée. Nous n’avons utilisé qu’une infime partie de nos ressources pour cette opération.
L’Inde a largement atteint les objectifs qu’elle s’était fixés pour l’opération SINDOOR. Les frappes ont permis de rendre justice pour l’attentat de Pahalgam, en détruisant neuf grands camps terroristes et en éliminant des chefs terroristes clés ainsi que plus d’une centaine de terroristes. Tout cela a été mené en évitant soigneusement les cibles civiles et militaires, ce qui a démontré à la fois précision et retenue.
L’opération a envoyé un message clair de dissuasion, entraînant une forte baisse des incidents terroristes dans le Jammu-et-Cachemire au cours des mois suivants. Elle a aussi renforcé le moral national et atteint ses objectifs fondamentaux : rendre justice, dissuader, démanteler les infrastructures terroristes, et prouver la capacité de l’Inde à agir de manière responsable mais résolue.
L’Inde a fait preuve d’avancées significatives dans le domaine des technologies de défense et de l’intégration interarmées. Voyez-vous des opportunités de collaboration entre l’Algérie et l’Inde dans ce domaine ?
Les forces armées indiennes ont fait preuve d’avancées notables en matière d’industrialisation nationale, d’intégration interarmées et de technologies de défense dans le cadre de l’initiative Atmanirbhar Bharat (l’Inde autosuffisante). Il s’agit d’un tournant décisif, prouvant que les entreprises publiques de défense (DPSUs), les grandes industries, les PME et les startups peuvent fournir des solutions de combat prêtes à l’emploi pour des opérations multidomaines. Cette dynamique illustre également la capacité de l’Inde à concevoir et exporter des systèmes de défense avancés, inspirant confiance à des partenaires comme l’Algérie, qui recherchent des solutions fiables, efficaces sur le terrain.
Les opportunités de collaboration en matière de défense et de technologie sont nombreuses ; notre coopération se concentrerait sur des projets conjoints, des exercices militaires et des programmes de renforcement de capacités. Nous serions disposés à adapter ces mécanismes aux besoins spécifiques exprimés par l’Algérie, entre les forces armées respectives de nos deux pays.
Les exercices conjoints et les stages de formation sont des outils précieux pour partager les meilleures pratiques et renforcer nos partenariats. Des visites régulières dans nos pays respectifs, l’organisation de séminaires et la conduite de programmes de recherche et développement figurent également parmi nos priorités pour améliorer considérablement notre coopération en matière de défense. Un livret présentant les réussites de l’Inde en matière d’autonomie stratégique et ses capacités dans le secteur de la défense, notamment à travers l’initiative iDEX, a déjà été partagé avec les forces armées algériennes pour nourrir cette coopération future.
Selon vous, quelle est la feuille de route future pour la coopération en matière de défense entre l’Algérie et l’Inde ?
La coopération entre les deux pays a un avenir prometteur. Il est nécessaire d’adopter une approche multidimensionnelle pour renforcer la coopération de défense entre nos deux grandes nations et armées. Les forces armées algériennes jouissent d’un statut élevé, tant par leur professionnalisme que par la solidité de leurs équipements. Nos deux armées partagent des expertises communes dans la gestion des frontières, la guerre mécanisée, la lutte antiterroriste, les opérations de secours humanitaires (HADR) et la protection des intérêts nationaux.
Ces convergences ouvrent la voie à une coopération accrue, notamment à travers plusieurs étapes. D’abord, il y a la formation militaire où il s’agirait d’élargir la coopération à des cursus militaires, à des échanges d’experts dans des domaines technologiques de pointe comme le cyber, l’intelligence artificielle, les systèmes de drones (UAS) et les contre-mesures anti-drones. Nous envisageons également l’envoi d’équipes de formation adaptées aux besoins spécifiques de l’Armée algérienne.
Ensuite, il y a l’interopérabilité. Nous devons développer des exercices conjoints organisés alternativement en Algérie et en Inde, pour renforcer la coordination opérationnelle.
Ajoutez à cela des mécanismes d’échanges réguliers tels que des dialogues entre états-majors et des visites de haut niveau, afin d’assurer la continuité et l’orientation stratégique.
Et enfin, il y a la coopération industrielle en encourageant des partenariats dans le secteur de l’industrie de défense, afin de soutenir les deux pays dans la production et la maintenance d’équipements.
Cette feuille de route vise à construire une relation durable, profitable aux deux armées et aux intérêts stratégiques de nos nations.
Votre message pour conclure …
C’est avec une grande satisfaction que je vais repartir en Inde car l’avenir de la coopération entre les deux pays est plus que prometteur. L’Algérie et l’Inde seront des partenaires militaires très proches à l’avenir, notamment avec la prochaine visite du Président algérien Abdelmadjid Tebboune en Inde prévue en 2026.
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